
Je ne suis pas du genre à ergoter sur le beau parler et l’orthographe françaises, mais depuis peu j’ai une dent contre un Abbé Bouhours. Moi, bonne fille, j’étais prête à croire que, dans notre langue de Molière, le masculin l’avait emporté depuis toujours, sans complexe… et sans raison. Quelle naïveté ! Voilà qu’au hasard de mes saines lectures, je découvre que jusqu’à la fin du XVIIème siècle, une autre règle était en fait couramment admise : la règle de proximité ! Comme en latin et en grec ancien, l’adjectif épithète qui se rapportait à plusieurs noms de genre différent s’accordait avec le mot le plus proche dans la phrase. A l’heure où se crée l’Académie Française, elle est encore très présente cette règle de proximité qui sonne mieux à l’oreille. Même notre Racine national déclame dans Athalie (1691) : « Surtout, j’ai cru devoir aux larmes, aux prières, consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières. ». Mais déjà l’emprise phallocratique grandit dans un pays et une cour dominées par le Roi Soleil. En 1675, l’Abbé Bonhours agite déjà la langue et la plume pour nous dire « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. » Pourquoi diable n’a-t-il pas plutôt pratiqué l’abstinence grammaticale ? Un grammairien phallocrate complète en 1767 : «Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. » Oui, vous avez bien lu…toute une époque ! Que les pécheresses tentatrices restent où elles sont : sous le mâle. Et les moutons de la grammaire seront bien gardés.
Aujourd’hui encore, les symboles sont lourds et les esprits marqués subrepticement par des règles qui résonnent comme des vérités absolues. Il est temps de faire bouger les lignes et de se mettre au niveau du cousin canadien dont l’Office Québécois de la Langue Française accepte clairement la cohabitation des deux règles. Solennellement, je vous le dis : je réintroduis la règle de proximité. La proximité, c’est tellement plus convivial que le diktat et la domination absolues.
Nota : Il ne vous reste plus qu’à retrouver les quatre accords « nouvelle vague » glissés dans ce texte…
Oui, il est bien vrai que cet accord possède un charme certain…
Merci pour votre commentaire… et on peut dire que derrière les désaccords sur les accords, il y a beaucoup à dire !