Personne n’est censé ignorer l’expression « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ». Pleine de cynisme, cette phrase peut avoir au moins deux acceptions. La plus vile interprétation nous laisserait penser que nous nous réjouissons systématiquement du tracas de nos semblables, connus de près ou de loin. La deuxième version pointerait plutôt du doigt un état de fait beaucoup plus fréquent : le malheur suffisamment « lointain » a aussi le pouvoir de nous faire voir notre propre situation sous un meilleur jour.
Par exemple, lorsque vous regardez le dernier reportage sur un tsunami, vous êtes susceptible d’avoir trois attitudes simultanées : la compassion (un des sentiments humains les plus nobles), l’envie de secourir d’une façon ou d’une autre (non moins vitale à notre petite vie en société), et l’ouffrance. Vous ne la connaissiez pas sous ce nom-là, mais elle vous aide à vivre tous les jours. D’être là, sain et sauf, vous ressentez une grande ouffrance. Sans le dire à personne, au tréfonds de votre ego, vous poussez quand même un grand ouf de soulagement devant tant de souffrance. Un zéphyr de satisfaction inavouable de ne pas être à la place de ceux qui sont dans la mouise. Un vent de réconfort qui balaie vos petits soucis de rien qui traînent au coin de l’agenda. Une tornade de relativisation puissance 4 pour les grincheux du matin nourris au croissant beurre. Vous l’avez encore échappé belle. Le destin n’était pas au rendez-vous.
L’ouffrance est même un sport national et vous ne le saviez pas ! La grand messe du 20 h est une grande ouffrance-party. Toutes ces mauvaises nouvelles qui ne sont pas toutes pour nous. Toutes ces catastrophes qui nous touchent de loin. Tous ces drames humains que nous avons encore mis à distance. Et si l’ouffrance était indispensable à notre équilibre ?
L’ouffrance dans sa petitesse peut aussi nous rendre un fier service : si nous ne pouvons pas atténuer toutes les souffrances du monde, il faudrait au moins arrêter d’être bêtement négatif pour rien. Oui, mes très chers frères et sœurs, il est toujours temps de rebondir sur cette chance qui est la nôtre, ici et maintenant.
je vote pour celui-ci chère Anne.