Jeu de maux, jeu de pas beaux.

Une affiche à la gare. Il est 7 h 50. Je ne suis pas du matin, mais il suffit parfois d’une étincelle pour faire démarrer le moteur du cervelet. Ce rouge passionnel qui percute ma rétine et le choc sémantique qui l’accompagne par exemple.

La friandise est posée en majesté au milieu du rouge pour imprimer un réflexe pavlovien du type « je prends le train donc j’achète bien sûr un truc chocolaté régressif et un trop chouette magazine people ! »

Voilà  néanmoins de quoi nourrir un cas d’école pour concepteur-rédacteur publicitaire sur le thème « faut-il absolument dégainer le jeu de mot quand on n’a absolument rien à dire ? ». La réponse est plutôt « Non ! », car le jeu de mot mal utilisé est un horrible symptôme. Quand on n’a rien de mieux à se mettre sous la dent et pas la moindre idée à refourguer au badaud, c’est une trop grande tentation… un peu comme une clope avec le café quand on a pourtant décidé d’arrêter de fumer. Ne réussissant guère à cacher la médiocrité de la promesse, le jeu de mot vain a tout d’une pomme empoisonnée pour débutant.

Dans l’exemple en photo ci-dessus, le jeu de mot choisi est particulièrement malheureux. Le double sens livré avec ne nous dit rien qui vaille. Pourquoi  la faim/la fin du voyage ? Si j’achète un truc chocolaté régressif, ce n’est certainement pas pour le manger en hâte juste avant de descendre à la gare d’arrivée… mais pour m’en délecter bien avant et faire ainsi baver d’envie mon voisin du siège 27 couloir pendant tout le reste du trajet. Oui mais encore ? La faim/fin du voyage ? Ah oui, bien sûr : les voyages sont toujours beaucoup trop longs et la vie également. Autant raccourcir les deux en appelant de ses vœux une maladie cardio-vasculaire prompte à en écourter le non-sens. Pour cela, rien de tel que les délices de l’huile de palme. Seule la finesse de ce jeu de mot pouvait nous en faire savourer la portée dramaturgique : « Grignotons de la barre chocolatée mes frères, car cette petite faim nous rapproche un peu plus chaque jour de la fin sublime du grand voyage… » .

Une seule morale à cette affligeante histoire : « Ne compte jamais sur un jeu de mot piteux pour remplir un grand creux. »

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6 réflexions sur “Jeu de maux, jeu de pas beaux.

  1. Bien vu Hemmapil ! J’ai eu exactement la même réflexion en voyant cette affiche. Il suffit de remplacer le picto de la valise par celui d’un cercueil et le tour est joué. Kinder Bueno… Le plaisir pour les petites fins ?

  2. Merci pour le comment, Phil2fer. Saviez-vous que Ferrero participe au financement du nouveau Palais des Sports de Rouen en échange d’un nom évocateur : le Kindarena ? Sportez-vous bien !

  3. En tous cas, grâce à cette affiche, on se délecte à la lecture de ce texte. Merci Anne !

    1. Merci Nathalie. C’est comme la pelote de pollen : au début, il y a un grain de prétexte et je la tourne dans ma tête pour faire du miel de texte.
      Annnnne, en direct de la ruche 😉

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