La couleur rouge de la couverture aurait dû me mettre sur la voie : Emmanuel Jaffelin nous propose une révolution… mais bien moins sanglante que celle qui a marqué la Chine Populaire. Ce petit livre rouge accompagne un courant humaniste bien plus large en ce début de XXIème siècle. Il rejoint ces voix qui s’élèvent pour souligner que notre modèle fondé sur la financiarisation nous amène au bord du précipice. Dans son ouvrage précédent, l’auteur revenait aux origines nobles de la « gentillesse », une notion malheureusement dévoyée par sa connotation moderne abusivement mièvre. Dans cette « Petite Philosophie de l’Entreprise », la révolution du management proposée consiste à replacer l’entreprise au cœur de la vie sociale… car elle n’est pas une entité « extraterritoriale » livrée au seul pouvoir du chiffre et du tableau Excel. Il convoque Platon et Spinoza pour redire à quel point la double vocation de l’entreprise consiste à produire de la richesse tout en favorisant l’épanouissement de l’Humain. L’abeille, par son travail, produit le miel tout en pollinisant les espèces végétales. Le frelon qui pille la ruche ressemble plus à l’oligarque cupide et cynique dont la seule fin est l’enrichissement éclair par stock-options…
Une fois que le salarié sera devenu une charge indésirable au point de ne plus pouvoir rester un consommateur ; une fois que les spéculateurs auront enfin compris qu’un arbre n’a jamais monté jusqu’au ciel ; une fois que le management intermédiaire aura implosé sous la pression des injonctions paradoxales… il sera peut-être temps de se dire que l’entreprise peut aussi tirer l’humanité vers le haut et pas seulement les coûts vers le bas. Question de tissu social au sens large.
Puisque les politiques semblent paralysés par les enjeux d’un tournant de notre civilisation, c’est au « gentleman entrepreneur » qu’il faut peut-être s’en remettre. Un chevalier des temps modernes prêt à réconcilier richesse matérielle et noblesse spirituelle, à donner du sens au labeur tout en veillant à la santé de son entreprise. Ce que prône le philosophe rejoint déjà les prises de conscience des penseurs du marketing : à l’heure où tout se sait très vite, où les valeurs véhiculées par la marque ne peuvent plus être feintes, où la transparence s’impose peu à peu en terme d’éthique sociale et environnementale, la « gentrification » des marques et de leurs entreprises sera bientôt un « plus concurrentiel » déterminant.
Finalement, ce qui frappe dans ce livre, c’est qu’à travers le monde de l’entreprise, Emmanuel Jaffelin pose la question du cap que souhaite se donner l’humanité tout entière. A l’heure où on nous rebat les oreilles avec les prédictions des Mayas, il est bon de se souvenir de l’étymologie du terme « apocalypse » (du grec « révélation »). Et si l’humanisme, redéployé y compris dans l’économie, était l’une des révélations du monde de l’entreprise… la fin d’un monde et le début d’un autre ?
>Merci à Emmanuel Jaffelin pour avoir mis en lien ce billet sur son blog : Eloge de la gentillesse
>A regarder : le talk TEDx de l’auteur au théâtre de la Gaîté Lyrique (11 mn 23 de limpidité sur la gentillesse réhabilitée…)
« L’honneur managérial » existe, et on ne m’en a rien dit ? Je le programme sans plus tarder dans mes lectures prioritaires, merci !
Merci Stéphane et, s’il vous interpelle, n’hésitez pas à faire découvrir ce livre dans les milieux où pourraient se tapir des « gentlemen entrepreneurs »
L’abeille et le frelon… Tiens, ça aurait pu être une fable de La Fontaine…
Il y a sans doute effectivement autant de bon sens dans l’humanisme d’entreprise que prône Emmanuel Jaffelin que dans une fable du sieur La Fontaine…
A noter cette espèce de frelons en provenance de Chine qui fait des carnages parmi les abeilles, depuis quelques temps. Faut-il y voir un signe, une prémonition ?
Pourquoi pas 😉
Après l’effet papillon, l’effet frelon… capable de déclencher de grands effets avec de petites ailes.