Il y a maintenant quelque temps, j’ai croisé un de ces chiffres qui vous la coupent : lors d’un sondage aux Etats-Unis, 11 % des interrogés de moins de 25 ans trouvaient normal d’envoyer des SMS pendant l’acte sexuel. Chez les plus de 25 ans, la tolérance à cette pratique baissait à 6 %*… Après la consternation de mise, je me suis d’abord dit qu’un partenaire moins attractif qu’un SMS n’avait rien à faire dans votre lit. Ensuite, j’ai fait l’optimiste en me disant qu’il y avait quand même 89 % d’amoureux prêts à déconnecter . Et enfin, j’ai préféré remettre en cause la méthodologie de l’étude… Tout cela en à peine 2 minutes parce qu’on n’a quand même pas que ça à faire ! Et c’est ainsi que le temps a passé sur l’humanité, avec son flot de SMS et de coïts interrompus pour de multiples raisons. Mais voilà, il y a quelques jours, je tombe sur un autre article… Un article qui raconte qu’un théâtre de Minneapolis (Etats-Unis) réserve des places au balcon pour des spectateurs qui enverront des tweets depuis leur smartphone, pendant la pièce et sur la pièce. Sans forcément comparer une comédie en trois actes à une partie de jambes en l’air, je fais le rapprochement. Nouvel étonnement donc, plus ethnologique que « vaguement révolté, façon presse intellectuelle bien-pensante ». Pour avoir déjà essayé de tweeter pendant une conférence sur le contenu intéressant de l’allocution, cela demande une schizophrénie intellectuelle qui laisse finalement un goût de double insatisfaction. Comment s’imbiber dans le même instant de ce que vous regardez ou écoutez tout en ayant le recul nécessaire à une prise de parole numérique intelligente ? Y a-t-il un progrès cérébro-humain manifeste à faire deux choses à moitié… mais à la fois ? Dans le cas d’une pièce de théâtre, je n’ai personnellement qu’une envie : me plonger totalement dans ce qu’on m’offre ici et maintenant avec toute la saveur de l’instant unique. Notre fonctionnement cérébral pourrait-il muter au point de faire parfaitement les deux en même temps ? Ou alors les acteurs feront-ils un jour grève à cause des têtes penchées sur les écrans pendant qu’ils jouent ? Voudrons-nous bientôt être constamment ici, mais ailleurs en même temps ?
Si vous êtes déjà incapable de ne pas répondre à un appel lorsque vous contemplez un somptueux mais fugace coucher de soleil… alors, vous êtes sûrement déjà contaminé et donc plus du tout en état de me répondre. Je raccroche…
Le lien qui vous appelle : l’article dans Télérama sur ce théâtre. >Au passage, appréciez la candeur du journaliste qui écarte du revers de la main l’éventualité que ces « tweets-seats », deux fois moins chers que les autres, pourraient avoir pour but de favoriser le buzz sur la pièce via Twitter…
*étude de 2010, faite aux USA par Retrevo
Bien vu une fois de plus ! Personnellement, même un appel sur le téléphone fixe ne saurait interrompre cette messe quasi quotidienne (j’habite Nice) d’un coucher de soleil sur la colline d’en face. D’ailleurs, ça énerve pas mal de monde par chez moi que je sois capable très souvent de laisser bosser ce robot qu’on appelle un répondeur. Mais bon, là ça tombe bien, j’avais vraiment 5 minutes entièrement dédiées à la lecture de votre post et à rien d’autre ! Fin du message.
Merci de cette attention unilatérale qui s’accorde très bien avec le post ! En plus, on a le plaisir d’imaginer le coucher de soleil niçois 😉
Et envoyer des sms avec le téléphone à l’oreille en répondant à un appel ? Avec une bonne souplesse oreillo-tactile ça devrait pouvoir se faire… Rien ne m’étonne plus concernant le comportement des usagers du téléphone portable qui repoussent sans cesse les limites de l’impossible.
Clod, l’hyperconnecté est un narcissique obsessionnel de la présence : il ne veut rien manquer. Plus il capte, plus il veut capter. Petit à petit, on en a peut-être tous le syndrome.
Ça en laisse quand même 6% qui font de la prose… L article ne dit pas qu’elle est la tendance des sms: témoignages, etc ?
C’est là où on peut tout imaginer : un bon copain ou une bonne copine qui a prévu de vous envoyer des conseils sexo en prévision de la soirée, une appli qui vous balance à l’heure de votre choix des MMS du Kama Sutra… etc. On n’arrête pas le progrès orgasmique.
Peut-être certaines personnes développent-elles un don d’e-biquité ?
Si je n’étais pas en train de clavioter… j’applaudirais des deux mains (oui bien sûr c’est plus pratique des deux mains) à ce néologisme dont je vais être obligée de vous demander les droits. Arggh, vous êtes trop fort.
Alors là, moi aussi, ça me la coupe ! Surtout au sujet du Théâtre. Car dans son lit, après tout, chacun fait ce qu’il veut comme il aime :). Mais dans une salle de spectacle, cela me parait – personnellement inconcevable (trop peur de manquer une seconde du show) – mais surtout totalement irrespectueux. Et s’il s’agit de buzz, ca peut bien attendre l’entracte ou la sortie, non ? Mais je vais encore passer pour un vieux con… comme dirait Philippe.
Merci Cédric. Le truc avec le live-tweet, c’est qu’il s’agit soit d’un vrai travail de journaliste pour être capable d’être le relais en direct d’un événement, soit du pur exhibitionnisme numérique pour juste dire « vous avez vu, j’y suis et je le fais savoir ». La vague de la télé connectée avec les tweets des téléspectateurs nous en dira plus très bientôt, d’un point de vue sociologique à plus grande échelle…