Fin de l’Occident, naissance du monde ?

renault zoéEn 2017, le dernier tweet de la première Dame était «Ils réclament du pain ? Donnez-leur donc des macarons Ladurée… ». C’était juste avant que les systèmes informatiques des bourses de Francfort, Londres, Paris et New York soient piratés… De la fiction historique bien sûr… mais en refermant le dernier livre enthousiasmant du journaliste économique Hervé Kempf, je me suis posée une double question : « Au XVIIIème siècle, avait-on conscience qu’un faisceau d’idées communes réunissaient les penseurs des Lumières ? La lame de fond qui allait emporter la vérité éternelle de la monarchie absolue avait-elle été détectée par quelque climatologue de la politique ? » A cause de la myopie politique, à cause de l’inattendu qui survient, la réponse est sans doute non… même si Diderot a écrit à Louis XVI en 1774 une phrase d’une lucidité prophétique : «Si vous n’êtes pas capable de trancher pour faire des réformes, ce même couteau vous coupera en deux. » Aujourd’hui il y a un faisceau d’idées qui tracent une voie « révolutionnaire » avec ses propres penseurs : Edgar Morin, Emmanuel Jaffelin, Hervé Kempf, Joseph Stiglitz, Jeremy Rifkin, Pierre Rabhi, Patrick Viveret… et j’en oublie de nombreux. Qu’ont-ils en commun ?

Un nouvel humanisme qui s’affranchit de dogmes économiques et politiques qu’on aime croire aussi éternels que les privilèges de la noblesse en 1788. Un humanisme qui sourit avec distance quand on lui parle de crise passagère ou du retour toujours imminent de la divinité Croissance. Comme le seul triomphe de la cupidité au nom d’une certaine liberté ne peut assurer à l’être humain sa survie sur cette planète finie, l’avenir est déjà ailleurs.hervé kempf fin de l'occident

Et si nous vivions la fin nécessaire de l’anthropocentrisme né en Occident… et les prémices douloureuses d’une autre ère où les seules chances de survie passent par la coopération accrue avec la biosphère ? On continue à nous parler de croissance, comme d’un paradis perdu, seule planche de salut… C’est passer sous silence quelques vérités gênantes :

• ces trente dernières années, cette fameuse croissance a essentiellement eu pour effet de concentrer la richesse dans des mains toujours moins nombreuses, sans redistribuer les gains de productivité. Il y a là une poudrière sociale devenue planétaire qui n’attend que quelques étincelles… forcément inattendues,

• les contraintes écologiques empêchent déjà que le niveau de vie occidental se généralise à l’échelle du monde : l’appauvrissement matériel de l’Occident est donc inéluctable à terme,

• la lutte pour les matières premières les plus stratégiques porte en germe les guerres de demain si nous n’envisageons pas une nouvelle façon de les partager.

Pour y faire face, Hervé Kempf résume la solution ternaire qui dérange : reprendre la maitrise du système financier laissée aux mains d’une caste qui biaise le jeu démocratique, réduire les inégalités creusées par un capitalisme détourné de son objectif premier, écologiser l’économie pour amorcer un cercle vertueux créateur d’emplois.

Après un passionnant historique de l’homo-economicus besogneux, Hervé Kempf appelle en fait de ses vœux la future ère du « biolithique » qui nous oblige à collaborer avec notre environnement au lieu de le piller en se voilant la face. Et bonne nouvelle, pour inventer ce nouveau modèle, l’Europe est la mieux placée : plus sobre que les Etats-Unis, plus juste que les superpuissances en développement, moins agressive culturellement, la première puissance économique du monde (eh oui c’est nous) est crédible pour montrer la voie. Les raisons d’être optimistes ? Il se passe beaucoup de choses peu relayées par les médias et qui convergent vers un changement lent mais profond des mentalités. Avec plus d’un milliard d’ordinateurs, il y a beaucoup plus d’humains reliés entre eux qu’au temps de Diderot pour répandre les idées neuves. Si l’homme n’est pas devenu totalement fou, il saura relever la tête pour assurer sa survie grâce à une nouvelle sobriété intelligente. Choisir d’être mieux au lieu d’avoir toujours plus, c’est une sacrée révolution copernicienne… Alors je vous invite déjà à lire ce livre édifiant et éclairant. Oui éclairant, car si nous choisissions une autre voie, ce siècle pourrait peut-être  devenir un nouveau siècle des Lumières.

Des liens révolutionnaires :

A écouter : Un podcast éclairant de son récent passage à Radio-France (cliquez ici)

A lire : présentation et foultitude de liens sur Reporterre.net (cliquez là)

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4 réflexions sur “Fin de l’Occident, naissance du monde ?

  1. Le dernier mot de la première Dame n’était-il pas plutôt : « Ils réclament de la croissance ? Donnez-leur des croissants ! » Et quitte à faire la révolution, autant prendre un bon petit-déj’ avant…

    1. Je sais bien que vous êtes toujours prêt à tout pour un bon mot ! Ceci dit, j’ai croisé un sondage récent (oui un sondage rien de plus…) qui précisait qu’une majorité de français se fichait bien de refourguer de la dette aux générations futures pourvu qu’on leur resserve de la croissance. C’est peut-être le cholestérol du peuple…

  2. Merci Anne pour ce post tonique et optimiste. Réconfortant. Sur mon blog, votre lien figure en catégorie « Belles Plumes ». Mais je me doutais bien qu’il y a avait aussi des engagements forts au-delà de la seule maîtrise du verbe. Je suis heureux de voir une publicitaire s’en référer comme moi à Pierre Rabhi que beaucoup encore dans ce pays cataloguent en cul-terreux-doux-rêveur-néo-baba. A Joyeuse, en Ardèche, où réside ma mère, d’autres encore ne voient que le gentil petit arabe du coin. Pas gagné. J’ai signé il y a plusieurs années de cela quelques articles dans « Les Nouvelles de Terre & Humanisme » (notamment sur les Créatifs Culturels). Sinon, Edgar Morin et son bâton de pèlerin de la « pensée complexe » figure également en bonne place sur ce même blog. Bref, je me sens moins seul ce matin dans la subversitude. Et voilà donc un ouvrage qui vient rejoindre la longue liste de ma file d’attente à laquelle vous apportez régulièrement votre contribution (je viens d’offrir « Décalage » à 2ème mon fils). Petits colibris d’Europe et d’ailleurs : faites passer le message !

    1. Merci merci merci Stéphane… je vois bien effectivement que les mêmes questions très humaines nous traversent et ça rassure ! « La Voie » d’Edgar Morin est un livre qui m’a fait une grande impression. Certains jours, je me dis qu’on va sûrement finir par passer à autre chose que la croissance… et d’autres jours, j’ai peur que la barbarie sorte du bois de la bêtise. Vive les colibris !

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