On a eu le Mur de la Honte tombé en 1989. On a toujours le Mur des Lamentations. Il nous manquait le Mur des Cons. Quelque chose qui ressemble un peu aux Tables de la Loi dans un domaine plus flou : la connerie. Je présente d’ores et déjà mes excuses aux yeux prudes qui seraient choqués par cet amoncellement de gros mots, mais le sujet nous y oblige. Rappelons brièvement les faits, pour la postérité ou pour les personnes qui rentrent d’un long trekking en Papouasie… Dans leur petit local, les magistrats adhérents du Syndicat de la Magistrature ont un hobby « défoulatoire » du meilleur goût : sur leur Mur des Cons, ils affichent les photos de ceux qu’ils jugent dignes de porter cette appellation contrôlée. Des hommes politiques (surtout de droite apparemment puisque le syndicat est reconnu plutôt de gauche), des journalistes désagréables, des plaignants revendicatifs… surtout des gens qui ne sont pas de leur avis, si j’ai bien compris. Boulette de chez boulette : quelqu’un diffuse l’existence de ce petit délire entre amis. Stupéfaction. Oui, on est vraiment naïfs nous les gueux…
On pense que les magistrats sont des surhumains de l’éthique. On s’imagine qu’ils font ce métier difficile, aux responsabilités gigantesques, parce qu’ils sont habités d’idéaux humanistes de haute volée, d’une grandeur d’âme exemplaire et d’une impartialité en kevlar. Ils sont l’élite judiciaire. Ils ont bravé les obstacles de concours d’entrée sans pitié, d’épreuves-passoires qui ne retiennent que la fine fleur d’une intelligence nourrie de hautes pensées. On se dit donc que notre justice est entre de bonnes mains. Et en plus, grâce à la sacro-sainte séparation des pouvoirs, elle est déconnectée du politique. Et puis là, en sortant de notre douche la radio dans les tympans, on prend un sacré coup sur le cigare. On apprend que les magistrats affichent aisément une fraternité politique marquée, grâce à leur appartenance à un syndicat plutôt qu’à un autre. On découvre aussi que les magistrats sont des humains suffisamment ordinaires pour classer des gens dans des cases au libellé aussi nuancé que « CON ». En dernier recours, on se dit que ce terme trop banal a peut-être un sens étymologique caché… qui fait de ce mur quelque chose de spirituel. Peine perdue… comme nos illusions. Je vous rappelle de toute façon que ON est un con.
Alors « on » aura beau plaider la blaguounette d’ordre privé, le ver est dans la balance et Thémis vacille sur son piédestal. Ce mur, c’est un jugement rendu sans commission rogatoire. Une peine sans sursis. Enfin quelque chose de droit divin qui défoule un brin, en marge des méandres de la justice. Le défoulement de ceux qui seraient peut-être capables de vous inviter un de ces prochains jours à un petit dîner entre amis. Un dîner de cons bien sûr. Restez sur vos gardes.
Un con, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnaît, n’est-ce pas messieurs du Syndicat de la magistrature.
Adieu le Concorde ! Bonjour le Syndicat de la magistrature supersonique… Et double bang pour la mention « Avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà. » ; )