C’est en sortant de l’excellente exposition « Eblouissants reflets » au Musée des Beaux-Arts de Rouen, sur le thème de l’eau chez les impressionnistes (je vous la conseille d’ailleurs…) que je suis tombée sur cette affiche pour le nouveau smartphone Samsung Galaxy S4. L’exposition que je venais de voir s’ouvre par la référence au mythe de Narcisse. Le personnage mythique qui tombe amoureux fou de son reflet dans l’eau a très tôt été associé à la figure de l’artiste qui se mire dans sa création, à la recherche d’une beauté aussi éphémère qu’inaccessible. En sortant du musée, je suis donc passée des bords de Seine et des nymphéas au reflet de la « technomanie » qui nous vend l’objet ultime. « Mon smartphone, ma vie »… Voilà bien une déclaration brûlante dans un univers éthéré où chaque écran est une piscine dans laquelle je peux me mirer… Mes photos intimes ou anodines, mes contacts favoris ou éphémères, mon réseau social bourdonnant, ma musique, mes emails, mes applications indispensables ou superflues… ma vie ? Un reflet de moi si fascinant que je peux m’y perdre ? Objet transitionnel dont je ne peux me séparer, as-tu une âme ? Prothèse cognitive à qui je confie la gestion de ma vie sociale, as-tu un cœur ? Regardons cette image…
L’écran est devenu une surface mise en perspective comme pourrait l’être un espace horizontal (une patinoire, une piscine, une place…). Oui, un lieu… le lieu où tout se passe dans notre vie parallèle. Pourtant, nous ne sommes nulle part. Nous sommes dans une autre dimension de l’existence, une autre GALAXY. Un monde merveilleux et pur, loin des contingences qui nous polluent et de la chair périssable et faible. Nous pouvons y plonger, avec ou sans maillot de bain. Mais voulez-vous vraiment devenir des narcisses numériques ?
Personnellement, je préfère essayer de devenir une « citoyenne numérique » comme nous invite à le faire David Lacombled dans son livre « Digital Citizen » (Ed. Plon). Derrière l’écran, il y a en effet bien d’autres enjeux. Plaidoyer pour un passage de l’émerveillement et du LOL permanent à la responsabilité citoyenne et à la créativité éclairée. Oui le mirage du tout-gratuit à volonté ne fera peut-être pas vivre longtemps les artistes, musiciens et autres créateurs. Oui, ce n’est peut-être pas tout à fait cool que les mastodontes de la Silicon Valley se remplissent les poches sur des autoroutes de l’information entretenus en grande partie avec nos impôts. Oui, ce serait bien qu’on se préoccupe de ce qu’on fait de nos données personnelles en comprenant les enjeux économiques qui sont derrière… Oui car sinon nous ne resterons que des consommateurs dociles équipés de télécommandes. Une lecture salutaire pour se poser les bonnes questions et quitter intelligemment la technophobie dépassée comme la technophilie béate.
Prêt à quitter le reflet pour la vraie vie, à lever les yeux de l’écran pour voir ce qu’il se passe derrière lui et autour de nous ?
A acheter sur lalibrairie.com… ou sur epagine en ebook. Quoi, vous ne connaissez pas ? Devenez un lecteur citoyen….
Un smartphone, une vie ? Si l’on s’en tient à l’apparence de la bête, alors elle est bien mince et bien plate.
Certains vous répondront : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse… » mais ce sont des sophistes, prenez garde !
Très joli parallèle avec l’exposition impressionniste ! Puissent nos vies être aussi lumineuses et inspirées que ces tableaux. Au moins, ils ne s’éteignent pas quand leurs batteries sont à plat, eux…
Merci pour cette passerelle lyrique vers le problème de l’impermanence numérique et de son inquiétante obsolescence… face à la trace durable du chef-d’oeuvre !!!!
C’est fou comme le tableau du Caravage est beau, cette beauté-là est gratuite, je n’ai pas besoin de me connecter pour me rémorrer cet instant magique à regarder ce tableau.
On a encore du mal à conserver les sensations sous forme de pdf… Profitons-en et cultivons l’être.
Cette publicité pour le nouvel I-Pad est aussi très édifiante : « Maintenant on peux écouter un magazine, regarder la radio, prendre l’air avec un film et voir un coup de fil. Maintenant on peux prendre une salle de cours n’importe ou, se plonger dans une multitude d’histoire et même toucher les étoiles. Parce que maintenant, il y a ceci ! » Merci Apple et Sony, sans vous je serais aveugle sur le monde.
Merci Marine d’attirer notre attention sur cette autre promesse « édifiante ». Vous l’avez bien compris : le but est de faire de nous des humains « augmentés » et totalement transcendés par la technologie. Accueillons les bienfaits… tout en restant vigilants sur les dérives.