Devenez qui vous voulez…

devenez qui vous voulez 4GC’est officiel. Avec la 4G, vous pouvez dire au monde entier que vous êtes devenu qui vous vouliez. Le rapport ? C’est uniquement parce qu’une fois que vous serez vraiment devenu qui vous vouliez, vous ne pourrez bien sûr pas le garder pour vous : en effet, quel intérêt ? C’est là que l’individualisme égotique passe à la vitesse supérieure. Bouygues Telecom nous offre donc un spot grandiloquent comme il faut, c’est-à-dire destiné à redresser les poils du bras. Bon d’abord, il faut des enfants trop mignons qui veulent tous, c’est bien connu, être pompiers, astronautes ou journalistes. Une musique de « winner » capable de soulever tout un stade (les gens dedans, pas la pelouse et tout hein). Il faut aussi des personnes qui communiquent d’un bout à l’autre de la planète parce que c’est trop bien… et évidemment par l’intermédiaire d’images sur de multiples écrans qui sont nos nouveaux appendices socio-numériques. Mais moi, ce qui m’a titillée, c’est cette promesse impérative : « Devenez qui vous voulez ». Une idée aussi puissante que la 4G ?

« Devenez qui vous voulez »… Une idée parfaitement démagogique comme on les aime : faire croire à chacun que tout est possible, quelles que soient ses capacités, sa situation sociale ou familiale, sa motivation réelle sur le long terme, etc. Une promesse qui flirte surtout avec l’idée qu’en se projetant dans ce qui se passe sur nos écrans, on peut « être » ce qu’on n’est pas dans la vie quotidienne (voyez le passage du spot sur « devenez un héros », « devenez un monstre », « devenez un astronaute »).

Mais si je suis d’autant moins à l’aise avec cette promesse, c’est que je suis navrée de voir qu’on ne se donne pas toujours les moyens d’orienter les lycéens en fonction de leur vrai potentiel. Malgré le développement du développement personnel. Malgré le chômage qui met la pression. Malgré les nouvelles technologies fantastiques qui savent pourtant tout sur nous. En même temps, comment fait-on pour aider un ado en pleine mue existentielle à faire le tri entre les influences de toutes sortes, les effets de mode, les miroirs déformants qu’on lui tend ici et là et… ce qu’il porte vraiment en lui ? Je pense pourtant que les gens les plus épanouis qu’il m’ait été donné de rencontrer n’étaient pas forcément ceux qui avaient atteint au bout de 10 ans un objectif fantasmé… mais ceux qui avaient eu la chance de trouver leur place, celle qui leur allait comme une pantoufle de vair, la seule voie qui leur appartenait vraiment. On vénère les rêves d’enfants par pur romantisme poétique, mais il faut aller au-delà. Je peux rêver d’être astronaute et me découvrir finalement une âme de décorateur ou de statisticien. Certains vont prendre une voie… et bifurquer en chemin, comme s’ils s’étaient trouvés sur le bord de la route. Certains ne la trouvent jamais et pestent toujours sur leur banc à 75 ans.

Alors, en tant que parent, on peut légitimement sentir le poids de la responsabilité que cela représente : être l’arc qui va servir à bander la flèche… comme dans le texte fabuleux de Khalil Gibran (Le Prophète – chapitre « Les enfants »). Dans quelle direction ? Avec quelle tension ? Sans projeter nos fantasmes de parents, sans prendre notre revanche à travers notre descendance, sans essayer de « formater » inconsciemment avec nos idéaux à nous. Ne vaut-il pas mieux dire, aux jeunes comme aux moins jeunes « Devenez ce que vous êtes » au lieu de « Devenez ce que vous voulez » ?  C’est bien moins consumériste… mais surtout il faut bien plus que la 4G pour réussir ça.

Rebonds :

•« Se réaliser » de Michel Lacroix : un livre aussi philosophique que limpide sur la nouvelle lubie du « développement personnel »

•« Nos enfants sont des merveilles » de Denis Marquet, d’un rare bon sens éducatif et psychologique, pour trouver le juste milieu entre la démission du bisounours et l’autoritarisme sur le retour…

•Le chapitre « Les enfants » du livre « Le Prophète » de Khalil Gibran. Une merveille.

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5 réflexions sur “Devenez qui vous voulez…

  1. Bien vu, Anne. Ou devrais-je dire : bien répondu ! Oui, il y a quelque chose de tellement moins innocent dans ces campagnes en surpromesse que la petite comptine de notre enfance qui se terminait par « embrassez qui vous voulez! « . Embrassons surtout celui qui, à l’intérieur de chacun de nous, a les clés de notre destin, ce « moi profond » et ses talents les plus personnels. Lui sait. Embrassons-le pour mieux le libérer…

    1. Merci Stéphane pour cette belle expression autour de la bienveillance avec soi-même, pour mieux se connaître et mieux s’accompagner. Je rappelle à nos auditeurs qu’il ne s’agit en aucun cas de s’autoembrasser grâce à un miroir… 😉

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