« Antoine, t’as lancé la machine ? »

A utiliser avec des vrais pinces à linge en bois, des pinces à linge pour homme !
A utiliser avec devraies pinces à linge en bois, des pinces à linge pour homme !

C’est bien connu : les préservatifs à la fraise sont pour les femmes et les lessives parfumées au lilas… tout autant. Devant tant de sexisme sensoriel, et pour mieux faire la nique à la fumeuse théorie du genre qui veut nous faire prendre des prostates pour des utérus, certains partiraient-ils en croisade contre les produits faussement unisexes ? Prenez la lessive par exemple : elle est censée nettoyer aussi bien les petits débardeurs à bretelles de Madame que les chaussettes de Monsieur. Et pourtant, on peut s’offusquer de sa fragrance invariablement « féminine »… comme si LA lessive ne s’adressait qu’à LA ménagère et à LA machine à laver, en oubliant qu’il est question de laver LE linge. Une sombre histoire de parité lessivière cherche donc à trouver son dénouement au fond du tambour en inox. Un rééquilibrage qui va bien évidemment dans le sens contraire de ce qui se passe dans l’hémicycle ou les conseils d’administration. La Lessive pour Homme est née…

Voyez-vous, j’étais venue chercher du ruban de masquage chez mon droguiste, car parité oblige, j’étais bien décidée à repeindre la salle d’eau, déguisée en Coluche avec ma salopette improbable. « Maman est en haut qui repeint la salle d’eau. Papa est en bas qui fait la vaisselle en bermuda. » Un couple moderne qui rebat les cartes de la répartition des tâches, quoi. Et là, au moment de payer mon ruban, je me trouve nez à nez avec la… Lessive pour Homme. Bien évidemment, je me jette sur le petit « flyer » (terme branché pour désigner un papier promotionnel qui « vole » ensuite au ras des trottoirs). Le maître des lieux remarque mon intérêt amusé et me fait sentir la chose comme chez le parfumeur… en vaporisant la fragrance sur un petit papier. Oui effectivement : on navigue entre santal, cèdre et musc. On est plus dans le vestiaire du club de polo que dans la lingerie de la ménagère de moins de 50 ans (celle qui est en fait originaire de San Diego mais super mal doublée dans le spot…). Exit la lavande de mémé, le lilas blanc de mamie et le délire vaguement exotico-fruité de sa belle-fille. On ne lave plus son linge, Benjamin. On le parfume, Antoine. On ne sent plus le propre, Raymond. On respire l’élégance, Lawrence…  de la chemise au drap de bain, du caleçon au drap-housse.

Une fois le nez reposé, le cerveau repart à l’attaque avec la mitraillette à questions. Étant donné qu’il est fastidieux de laver la moitié de la housse de couette avec la lessive pour femme et l’autre moitié avec la lessive pour homme, cette nouvelle lessive  s’adresse-t-elle essentiellement aux couples gays ou aux dandys hétéros célibataires ? Dans les familles avec 5 enfants, est-on prêt à programmer 4 types de tournées de linge : synthétiques/couleurs/masculin, synthétiques/couleurs/féminin, blanc/linge de maison/masculin, blanc/linge de maison/féminin ? Faut-il envisager de laver les vêtements de monsieur avec cette nouvelle lessive, le linge de maison avec une lessive qui ne sent rien, et les vêtements de madame avec la Lessive pour Femme ?

La Lessive pour Homme de la marque Antoine s’inscrit dans une gamme qui comprend déjà de l’eau de toilette et des bougies. Il s’agit donc surtout d’une extension du domaine du sent-bon… pour nimber des pièces de linge portées en haut du corps (chemises, écharpes, polos…). Mais tout de même…  A l’heure où l’Éducation Nationale s’apprête à combattre le sexisme dès la cour de récré en reniant la notion de sexe biologique (oui c’est logique : interdisez la notion de race, il n’y a plus de racisme ;  supprimez le mot « pauvreté », il n’y a plus de pauvres, etc.), la Lessive pour Homme sème le doute. Faut-il remettre du genre là où il n’y en avait pas ? Peut-on mener les hommes par le bout du nez, pour qu’ils mettent plus souvent en route LE lave-linge ? En tout cas, je ne m’étais jamais dit que ma lessive avait un genre… à défaut d’avoir un sexe.

Rebond : 

>un petit tour sur le site de la Lessive pour Homme, où on découvre qu’elle est fabriquée en France… et que, comble du chic, on peut se la faire livrer par abonnement !

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3 réflexions sur “« Antoine, t’as lancé la machine ? »

  1. Du coup, vous n’avez pas essayé ? Mince… vous auriez pu témoigner que le parfum est très agréable et reste longtemps sur les étoffes. Belle pub donc 🙂

    Car pour la blague, nous avons lancé un produit que nous destinions aux hommes soigneux pour leur linge et voilà que même les femmes commencent à se procurer de l’Antoine mais pour leur linge de maison cette fois. Vous seriez surprise de notre profil de clientèle. Un indice : nous sommes assez loin des clichés suspectés. La preuve sur la droguerie de Rouen (c’est bien celle-ci ?) où le produit fonctionne alors que nous sommes géographiquement assez éloignés du Marais en termes de profils (sauf à remonter la Seine me direz-vous).

    Le projet Antoine est plus l’oeuvre d’un ami d’enfance, le parfumeur, et de moi-même qui avais envie de monter une boîte. Honnêtement, nous sommes bien loin des réflexions sur le marketing du genre et autres notions bien complexes (j’ai donné dans ma vie d’étudiant :-)). Nous n’avons d’ailleurs mené aucune étude de marché ni réuni de panels de consommateurs (cela aurait pourtant été très drôle de voir la réaction des gens à la question « ce serait quoi une lessive pour homme pour vous? »). Pour nous c’est une bonne idée et nous souhaitons la partager. Après… les goûts, les couleurs et les odeurs… on aime, c’est très valorisant pour nous ; on n’aime pas, tant pis, il y a beaucoup d’autres belles choses dans la vie !

    1. Merci beaucoup Jean-Noël d’être venu jusque sur les terres du VOUS TOMBEZ PILE ! Comme vous l’avez peut-être remarqué, l’esprit de ce blog tient plus du remue-méninges que du « j’aime-j’aime pas » : loin de moi l’idée de trancher sur l’intérêt ou pas de tel produit et encore moins de le critiquer sans l’avoir vraiment essayer 😉 Ce billet d’humeur est plutôt je l’espère la modeste étincelle qui lance une réflexion sur le genre ou pas de certains produits et pourquoi… et pourquoi pas etc. J’ai en horreur la « bien-pensance » qui empêche de réfléchir plus loin que le bout de son nez… alors vous imaginez ce que je pense des clichés auxquels vous faites sans doute allusion. Bravo surtout pour votre audace et votre façon originale de bousculer les dogmes lessiviers !!!

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