
Mais pourquoi est-ce que j’achète de temps en temps un magazine de déco alors que je n’ai pas de grand projet de rénovation et un budget décidément ridicule à claquer chez les meilleurs designers ? Voilà une question qui me démangeait comme une chaise recouverte de toile de jute, alors j’ai fait un peu d’introspection en tournant les pages de papier glacé… Cadet Rousselle a trois maisons, donc j’imagine que lui il peut s’abonner à Joie & Décoration et Very Maison, mais si vous avez un appartement F3, c’est vite décoré et on ne change pas de coussins tous les quatre matins. C’est comme le luminaire Kilétrobo à 2 399 €, nombre d’entre nous ne l’accrocheront au plafond que pour la semaine des quatre jeudis. Alors quoi ???
J’entends déjà ceux qui vont me rétorquer que si justement, eux ils changent tout le temps, parce qu’ils achètent d’occasion (c’est plus abordable) et revendent sur des sites web entre particuliers (ça fait de la place). Une bonne manière de changer le « look & feel » du séjour dès qu’une envie bariolée ou gris souris les prend, après avoir encore regardé « La Maison France 5 ». Néanmoins, il faut quand même y consacrer beaucoup de temps et d’énergie et, je ne sais pas vous, mais moi j’ai plein d’autres choses à faire (y compris rédiger ces petits billets sur ce blog ;-)).
Non, il y a dans le vagabondage à l’intérieur d’un magazine de décoration bien autre chose. Il y a surtout le plaisir de se projeter ailleurs à bon compte. Il y a des villas de rêve où l’on peut s’imaginer vivre ou simplement passer. Il y a des intérieurs où ma doublure imaginaire se régale de la disposition des meubles, de la belle lumière et de ce choix de carrelage vraiment exquis. Il y a une autre vie parallèle, qui reflète la plus design des promesses de bonheur. Dans la vie du magazine de décoration, je me projette dans un univers plus clean, plus beau, plus tendance, toujours neuf et sans cesse renouvelé… avant de reprendre le cours de mon ordinaire. Au fil des pages, il y a tout sauf la chambre de l’ado qui n’est jamais rangée, la peinture qui s’écaille dans l’entrée, les éléments de cuisine qui ne sont déjà plus top tendance…
Nous nous projetons tous et tout le temps. En allant au cinéma, en croisant les « people » dans le vieux Gala du dentiste, en mitraillant l’adversaire dans un jeu vidéo, en lisant un sacré bon roman qui nous fait imaginer les lieux et les personnages, etc. Notre tête est donc un vidéo-projecteur constamment allumé. La vraie vie continue, mais la fausse, coincée entre fantasmes et fiction, finit incidemment par en faire partie… Finalement, ce canapé vert olive, vous l’avez tellement regardé page 28 que c’est comme si vous vous en étiez déjà lassé.
Une sorte de voyage intérieur…
Un peu à la fois du Pschitt pour voyager sans bouger de chez soi ???
Mais donner vie à ces rêves de Papier Glacé, rendra-t-il mon intérieur chaleureux ?
C’est bien là une bonne question… entre appropriation personnelle de l’espace ou espace imaginaire.
C’est vrai que rêver, ça coûte pas cher. Et c’est 100% écolo !
Et en même temps, si les rêveurs remplacent les faiseurs, on va pas aller loin… 😉
Ce post me parle beaucoup ! Allez séquence Colombo… Quand j’ai rencontré ma femme, il y a de cela pas mal de temps, elle achetait une demi-douzaine de mags déco par mois. Aujourd’hui, c’est le double. Il est vrai qu’entre-temps, elle est devenue décoratrice d’intérieur. Du rêve sur papier glacé aux intérieurs chaleureux pour de vrai, c’est souvent une question de budget, mais aussi d’un certain talent d’assembleur (Ensemblière sur les films qu’elle était aussi !). Toutes ces belles pages, ces beaux chantiers déco : du rêve mais aussi de l’inspiration, j’ai l’impression. Moi qui suis arrivé dans sa vie avec un sac et une paire de tiags, toutes ces années déco m’ont rendu probablement un poil plus civilisé… Dois-je remercier Côté Sud, Art & Décoration, Elle Déco, Maison Française, etc ? Un peu sûrement.
Merci pour ce joli texte en tout cas…
Merci beaucoup pour cette confession Stéphane, qui semble indiquer que le cadre de vie peut aussi nous influencer à force d’imprégnation. Etrange interaction tout de même entre un univers intime que nous construisons à notre image et qui va nous modeler psychologiquement aussi en retour au fil des jours. Serais-je la même dans un espace ultra-design au sens froid du terme alors que je vis dans un mélange de genres moderne-brocante ?