Est-il fréquent que la sortie d’un roman entre particulièrement en résonance avec une actualité brûlante ? Je n’ai pas trouvé d’études sur le sujet, mais c’est le cas du livre qui donne son titre à ce billet de blog.
Son auteur suédois, Jens Liljestrand, n’est pas pompier, mais plutôt critique littéraire, rédacteur en chef culture et auteur réputé de livres documentaires. Déjà traduit dans 22 pays, Et la forêt brûlera sous nos pas (Éditions Autrement) a débarqué dans nos librairies le 24 août… Avec les incendies de forêt qui ont ravagé l’Europe cet été, on pouvait donc difficilement imaginer un contexte plus « propice » à son lancement.
Mégafeux et méga humains en fait…
Jens Liljestrand place ses personnages dans un avenir proche où le réchauffement climatique a déjà transformé les étés en étouffoirs, même en Scandinavie. Une dystopie climatique qui a un goût amer de prévision météo. Face aux gigantesques feux qui se déclarent au début du livre et qui transforment une partie de la Suède en véritable zone de guerre, comment réagir ? Chacune des quatre parties du livre nous entraîne dans la tête d’un des personnages. Loin d’être héroïques, ils sont emmêlés dans leurs préoccupations sexo-sentimentales, leur e-réputation dérisoire, leurs bassesses ordinaires et une angoisse totalement imprévue à leur planning. Ils se démènent comme ils peuvent avec un système de secours qui rame et un chaos auquel ils n’ont jamais été confrontés.
N’attendez donc pas une grande épopée climatique qui se termine bien et qui révèle le meilleur de personnages auxquels vous aurez longtemps envie de vous identifier. Pour mieux partager leur désarroi, Jens Liljestrand nous embarque plutôt dans le fatras des détails qui font paniquer ses personnages. Un style chaotique comme leur situation qui, je l’avoue, chahute la lecture.
Une fois à leur place, que ferions-nous ? Que resterait-il de nos beaux principes théoriques et de nos résolutions bien-pensantes ? Il y a sûrement une dose lucide de misanthropie chez l’auteur. Elle le pousse à ne pas idéaliser ce qu’il advient parfois de nous face à l’adversité.
À 80°C, on appelle Philip K.Dick
Mais on peut aussi souligner qu’avec Et la forêt brûlera sous nos pas, Jens Liljestrand la joue petit bras côté températures. Je m’explique : Philip K. Dick, l’auteur de S.F qu’on ne présente plus, était allé beaucoup plus loin en 1965 avec Le Dieu venu du Centaure. Dans l’univers qu’il imagine, il fait tout bonnement 80°C à midi. Sans chercher à justifier que la vie soit encore possible à cette température, Philip K. Dick se concentre sur les répercussions pratiques du quotidien. Il décrit un monde où les facteurs passent déposer le courrier avant l’aube, où des lois obligent les citoyens à porter des blocs réfrigérants sur leur dos… Des bricolages du quotidien pour rendre le monde vivable quoi qu’il en soit.
Si vous préférez revenir d’urgence en 2022 (et on vous comprend), vous pouvez aussi regarder avec intérêt le documentaire Incendies géants : enquête sur un nouveau fléau (arte.tv-disponible jusqu’au 14 octobre 2022). Il décrit bien l’enjeu des mégafeux et les multiples facteurs qui les favorisent, mais on y trouve aussi des solutions plus « inattendues » que la multiplication des avions Canadair. Car, décidément, rien n’est simple dans un monde où on pourrait finir par redouter l’été.

Merci pour tes informations – Bonnes lectures 🙂