Prêter attention, ça donne à réfléchir

Une photo du Penseur de Rodin pour nous rappeler que nous sommes pétris de ce à quoi nous pensons, ce à quoi nous prêtons attention

Oyez oyez brillantes lectrices et valeureux lecteurs ! Je réclame toute votre attention sur cette étrange formulation : « prêter attention ». Quelque chose me chagrine décidément dans cette expression. C’est quoi cette histoire de prêt ?

L’expression qui prête à confusion

Quand vous prêtez cinq minutes d’attention, peut-on vous les rendre ? A priori non puisque toute minute passée ne reviendra jamais. Le temps qui est donné est donné. Espérer le récupérer, c’est se voiler la face. Donc, ce qui est étrange, nous sommes bien d’accord, c’est que, quand je prête attention à quelque chose, je ferais mieux de dire que je «donne attention » à ce quelque chose. Alors pourquoi le verbe prêter s’est-il ancré dans les usages ? C’est peut-être une histoire de vieux radins. Peut-être que si nous devions donner de l’attention, on y regarderait à deux fois, en vérifiant sur notre appli de la Banque de l’Attention qu’on n’est pas déjà à découvert. Peut-être que, dans ce cas, on aurait inventé la « demi-attention » qui coûte moins cher. Ah, on me souffle dans l’oreillette que beaucoup de gens sont déjà à moitié attentifs. Il nous arrive par exemple d’écouter à moitié nos proches tout en suivant le fil de notre réseau social préféré. Il paraît même que des couples se séparent parce que le manque d’attention(s) est un vrai tue-l’amour.

L’or cérébral ou le temps d’attention disponible

Faut-il rappeler combien notre attention est précieuse ? Faire attention en traversant la rue, on voit bien à quel point c’est vital, mais ce à quoi on fait attention du soir au matin, c’est ce qui construit notre mental sur le long terme. Oui, c’est ce qui remplit nos têtes, oriente nos choix, irrigue nos plannings comme nos grands projets de vie. D’un point de vue marketing, notre attention est même au cœur du business des médias et des réseaux sociaux. On appelle cela l’économie de l’attention. Regarder une vingt-septième vidéo, distribuer des likes sur le fil Instagram des copines, ne plus savoir attendre le bus sans sortir son smartphone, décompresser en gobant d’affilée trois épisodes d’une nouvelle série Netflix… C’est à qui saura de mieux en mieux capturer notre fugace attention.

TikTok ou la guerre de la concentration

Apparemment, la palme revient désormais à l’application TikTok qui préoccupe les psychologues et les neuroscientifiques à cause de son impact encore plus addictif que celui des autres réseaux sociaux. L’enchaînement de micro-contenus avec un algorithme de recommandation redoutable fonctionne comme une machine à sous. Lobotomie annoncée avec une drogue en vente libre ? Sur des cerveaux qui ne seront matures qu’à 25 ans, le risque est en tout cas encore plus grand de nuire définitivement à leurs capacités de concentration et de motivation. Et ce n’est pas un vieux croûton qui l’analyse le mieux, mais le youtubeur Léo Duff dans cette vidéo. Alors que la version chinoise de TikTok (très différente de l’internationale) est surtout remplie de propagande du parti et de contenus éducatifs, on peut imaginer que le régime totalitaire chinois se réjouit discrètement d’hypnotiser toute une génération d’Occidentaux rendus intellectuellement inoffensifs.

Sans y prêter attention, nous voilà tous embarqués dans une guerre cognitive de l’attention (et de la désinformation par la même occasion). Alors, si nous voulons absolument « prêter » attention, assurons-nous de « toucher des intérêts » et ce n’est possible que si le sujet est… intéressant. Si on « donne » notre attention sans rien recevoir d’enrichissant, on ne nous rendra jamais les minutes d’attention gaspillées. 

Photo de Valentin B. Kremer sur Unsplash

Publicité

Et la forêt brûlera sous nos pas

Une chronique du livre de Jens Liljestrand "Et la forêt brûlera sous nos pas", déjà traduit dans 22 pays. Dans un avenir proche, la Suède fait face à des mégafeux sans précédent. Jens Liljestrand plonge ses 4 personnages dans le chaos. Prophétique ?
Paru le 24 août en France aux Editions Autrement. Brûlant.

Est-il fréquent que la sortie d’un roman entre particulièrement en résonance avec une actualité brûlante ? Je n’ai pas trouvé d’études sur le sujet, mais c’est le cas du livre qui donne son titre à ce billet de blog.

Son auteur suédois, Jens Liljestrand, n’est pas pompier, mais plutôt critique littéraire, rédacteur en chef culture et auteur réputé de livres documentaires. Déjà traduit dans 22 pays, Et la forêt brûlera sous nos pas (Éditions Autrement) a débarqué dans nos librairies le 24 août… Avec les incendies de forêt qui ont ravagé l’Europe cet été, on pouvait donc difficilement imaginer un contexte plus « propice » à son lancement.

Mégafeux et méga humains en fait…

Jens Liljestrand place ses personnages dans un avenir proche où le réchauffement climatique a déjà transformé les étés en étouffoirs, même en Scandinavie. Une dystopie climatique qui a un goût amer de prévision météo. Face aux gigantesques feux qui se déclarent au début du livre et qui transforment une partie de la Suède en véritable zone de guerre, comment réagir ? Chacune des quatre parties du livre nous entraîne dans la tête d’un des personnages. Loin d’être héroïques, ils sont emmêlés dans leurs préoccupations sexo-sentimentales, leur e-réputation dérisoire, leurs bassesses ordinaires et une angoisse totalement imprévue à leur planning. Ils se démènent comme ils peuvent avec un système de secours qui rame et un chaos auquel ils n’ont jamais été confrontés.

N’attendez donc pas une grande épopée climatique qui se termine bien et qui révèle le meilleur de personnages auxquels vous aurez longtemps envie de vous identifier. Pour mieux partager leur désarroi, Jens Liljestrand nous embarque plutôt dans le fatras des détails qui font paniquer ses personnages. Un style chaotique comme leur situation qui, je l’avoue, chahute la lecture.

Une fois à leur place, que ferions-nous ? Que resterait-il de nos beaux principes théoriques et de nos résolutions bien-pensantes ? Il y a sûrement une dose lucide de misanthropie chez l’auteur. Elle le pousse à ne pas idéaliser ce qu’il advient parfois de nous face à l’adversité.

À 80°C, on appelle Philip K.Dick

Mais on peut aussi souligner qu’avec Et la forêt brûlera sous nos pas, Jens Liljestrand la joue petit bras côté températures. Je m’explique : Philip K. Dick, l’auteur de S.F qu’on ne présente plus, était allé beaucoup plus loin en 1965 avec Le Dieu venu du Centaure. Dans l’univers qu’il imagine, il fait tout bonnement 80°C à midi. Sans chercher à justifier que la vie soit encore possible à cette température, Philip K. Dick se concentre sur les répercussions pratiques du quotidien. Il décrit un monde où les facteurs passent déposer le courrier avant l’aube, où des lois obligent les citoyens à porter des blocs réfrigérants sur leur dos… Des bricolages du quotidien pour rendre le monde vivable quoi qu’il en soit.

Si vous préférez revenir d’urgence en 2022 (et on vous comprend), vous pouvez aussi regarder avec intérêt le documentaire Incendies géants : enquête sur un nouveau fléau (arte.tv-disponible jusqu’au 14 octobre 2022). Il décrit bien l’enjeu des mégafeux et les multiples facteurs qui les favorisent, mais on y trouve aussi des solutions plus « inattendues » que la multiplication des avions Canadair. Car, décidément, rien n’est simple dans un monde où on pourrait finir par redouter l’été.

« Ne suivez que vous »

En ces temps tragiques, où certains veulent vider les mots de leur sens et pratiquer le mensonge géopolitique à une échelle apocalyptique, je n’ai pas le cœur à rire. N’ayant par ailleurs aucune compétence diplomatique ou militaire, je n’ai pas le cœur non plus au « yakafocon ». J’ai plutôt le cœur à l’absurde. Je vous offre donc une virée en absurdie au détour d’une affiche. Vous avez peut-être croisé celle pour le nouveau T-Roc Volkswagen. J’avais déjà laissé libre cours à l’inspiration sur une campagne antérieure de ce modèle. Dans cette saison 1 de 2018, on nous disait : « Il est temps d’être vous-même ».  Maintenant qu’on s’est enfin trouvé, l’affiche nous dit donc « Ne suivez que vous ». Ah oui ? Voyons voir.

« Ne suivez que vous », ça fait mal au cou

En voiture, à vélo ou à pied, ne suivre que soi, est-ce un mot d’ordre raisonnable ? On devra donc regarder tout le temps derrière soi pour se voir de dos. Au mieux, cela peut donner un torticolis chronique qui résiste aux anti-douleurs. Au pire, cela peut finir dans le mur, dans le réverbère, dans le fossé, dans la voiture de devant, etc. Je vous laisse faire votre liste. En plus quel intérêt de se prendre soi-même en filature si on sait déjà où on va ? Il faut vraiment être atteint d’amnésie foudroyante pour se suivre afin de mieux savoir où aller. Et puis, si on suit ce précepte, le moindre trajet pourrait tout à coup prendre un temps fou. Oui, un truc de fou, c’est le moins qu’on puisse dire avec toutes les artères et les bretelles d’autoroute assaillies par une chorégraphie d’aliénés qui tournent sur eux-mêmes. Une mélasse d’embouteillages tournoyants où les GPS déboussolés se suicideraient informatiquement d’épuisement à force de dire « Arrêtez de faire demi-tour dès que possible ». Une belle vengeance néanmoins, en réponse à tous les accidents de GPS et au danger que ceux-ci font planer sur notre hippocampe.

Et la curiosité dans tout ça ?

Je me demande finalement si nous sommes si nombreux que cela à vouloir nous suivre nous-mêmes en personne. Est-ce qu’on ne préfère pas plutôt suivre nos pairs, les nouvelles tendances, ou les épisodes de la saison 2 d’une série qu’il faut absolument avoir vue ? Me suivre moi ? Parfois, changeant d’avis au gré de mes réflexions et de mes recherches d’informations, j’ai du mal à me suivre justement. Cela m’inquiète donc un peu de devoir me suivre exclusivement, sans tenter un coup d’œil dans la file d’à côté pour voir si j’y suis ou pour voir si quelqu’un a plus de suite que moi dans les idées.  

Mon nombril ? Non merci

« Ne suivez que vous »… Mais alors que vont devenir les réseaux sociaux où tout le monde suit certaines et certains et où on se suit les uns les autres ? Et que vont-ils faire de tous leurs data centers si gourmands en énergie ? Si je me mets à me suivre en exclusivité sur Twitter, l’ennui va vite devenir palpable, les retweets seront de pathétiques radotages et les autolikes le comble du narcissisme. Ma bulle communautaire avec les gens qui pensent comme moi va devenir un caisson monoplace à monologue. Non, ce n’est pas la bonne conduite à suivre. Je préfère la conduite accompagnée, car les découvertes inspirées par autrui sont alors permises.

Je crois que décidément, je n’ai pas envie de me suivre. Mais avouez qu’en suivant ensemble ce mince fil lexical et absurde, nous avons juste mis notre inquiétude collective un bref moment en suspens. Cette inquiétude un peu impuissante quant à la suite à venir.    

Tangping ! On n’a qu’à rester allongés

Une jeune chinoise est allongée dans la végétation avec le sourire. Suit-elle en Chine le nouveau mouvement Tangping (qui veut dire être allongé à plat) et qui conteste le modèle chinois d'hyperactivité consumériste et capitaliste. Une contestation censurée par le pouvoir chinois bien sûr.
Photo by zhang Mickey on Unsplash

Si certains matins, une soudaine envie d’hiberner vous saisit. Si la course à la réussite vous fait douter de son sens profond. Si vous avez la flemme facile… Alors, alors, vous serez peut-être en phase avec cette jeunesse chinoise qui se réclame du mouvement Tangping. Cela rime bien avec Xi Jinping, le nom du président de la République Populaire de Chine, mais en termes d’état d’esprit, on est bien aux deux extrêmes. Le concept #Tangping soutenu par une partie de la jeunesse chinoise depuis avril 2021 signifie littéralement « être allongé à plat ». Rien à voir avec la volonté acharnée de refaire de la Chine la première puissance mondiale. Plutôt une envie de sortir de ce système pour profiter de sa vie à soi… Un futur nid de poule pour le Parti sur la Route de la Soie ?

Rester allongé, c’est la justice 

Il a suffi d’une étincelle à contre-courant pour lancer le Tangping. C’est Luo Huazhong, un jeune homme de 31 ans qui a d’abord posté un texte étrangement intitulé « Rester allongé, c’est la justice ». Cinq ans auparavant, il a quitté son usine du Sichuan pour parcourir à vélo 2 000 km et mener une vie frugale et méditative au Tibet. Son modèle économique ? Travailler seulement deux mois par an pour gagner les 200 yuans mensuels (soit 27 euros) qui lui permettent de vivre le reste de l’année. Une sorte de Diogène, le philosophe grec cynique, pauvre mais libre, qui vivait dans un tonneau et avait un sacré sens de la répartie. « S’allonger est mon mouvement philosophique. Ce n’est qu’en s’allongeant que l’homme peut devenir la mesure de toutes choses », écrit Luo Huazhong, en s’inspirant autant de Platon que du concept taoïste du wu wei, l’agir sans effort. Un retour possible à une philosophie chinoise plus proche de Lao Tseu et Confucius que du nouveau capitalisme totalitaire chinois ? 

Une tendance pas très 9-9-6

Forcément, la popularité d’un tel concept fait vraiment tache dans la Chine où il faut travailler de 9 heures du matin à 9 heures du soir, six jours par semaine. Un rythme suractif que le fondateur d’Alibaba (l’Amazon chinois) a résumé par le « 9-9-6 »… beaucoup plus éreintant à la longue que le 4-4-2 sur un terrain de foot. La censure a tout de suite flairé le problème en bloquant toutes les références au Tangping ainsi qu’un forum dédié qui regroupait déjà 200 000 membres. 200 000 ? Un grain de riz me direz-vous, mais on ne sait jamais où peut mener un ferment de paresse contestataire . La population est dangereusement vieillissante et elle ne semble vraiment pas pressée de pondre des fratries entières, même si la fin de la politique de l’enfant unique l’y autorise enfin. Alors, si on ne peut plus compter sur une jeunesse hyperactive dans un tel contexte, au secours !

La tendance contestataire Tangping sera-t-elle aplatie par le régime avant même de s’étendre ? Ou prendra-t-elle la forme d’une désobéissance civile rampante que le Parti de Xi Jinping n’avait pas imaginée ? Debout, assis ou allongés, gardons un œil ouvert vers l’Est et si ce billet vous a donné envie d’une petite sieste, tout se déroule normalement. Tant pis pour le repassage en retard.

Et si je vous envoyais Azerty chaque mois ?

Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est final-azerty.png

Figurez-vous que je viens de lancer une newsletter envoyée gratuitement chaque dernier jeudi du mois : AZERTY, la lettre qui nous parle des mots. Au programme, rien que des infos et des liens sur les mots. Les mots de l’actu, les mots rares, les mots qui nous font faire des fautes, les gros mots, les mots qu’on pourrait inventer… Une nouvelle occasion de nous retrouver autour de mes clins d’œil lexicaux du moment.

👉Pour lire les numéros précédents et vous inscrire, c’est dans cette rubrique dédiée à Azerty.

🚀Et si vous voulez vous abonner direct pour la recevoir gratuitement chaque mois, c’est par ici le raccourci.

Voilà, voilà. J’ai fini mon auto-promo avec mon clavier Azerty. J’espère qu’on se retrouvera tous les jeudis si vous vous abonnez. Et si vous connaissez des amateurs de mots susceptibles d’adorer, bien sûr, n’hésitez pas à passer le mot. Plus on est nombreux à aimer les mots, plus la vie est belle (oui, oui c’est prouvé par de nombreuses études… que je viens de commanditer bien sûr).

Présentiel et distanciel sont sur un radeau…

@Aleks Marinkovic on Unsplash

Peu satisfaite de la locution « à distance », la langue du management adore désormais le néologisme « distanciel ». Plus technocratique que « sur place », l’anglicisme « présentiel » lui sert d’acolyte. Les deux sont donc devenus inséparables, comme les lions de pierre postés de chaque côté du porche d’un manoir, créant ainsi une rassurante symétrie. Alors, thé ou café ? Distanciel ou présentiel ?

Attention, cette symétrie dans la terminaison des deux mots est plus riche qu’on ne le pense. Elle souligne bien l’envie d’en faire des jumeaux qui se complètent ou s’opposent en fonction des humeurs. Notre cerveau adore les systèmes binaires. Tout ce qui va par deux comme nos deux jambes nous réconforte. Le bien, le mal. Le noir, le blanc. Le haut, le bas. J’arrête là, vous êtes d’accord ? En plus, avec « distanciel » et « présentiel », on peut faire un beau slide avec un tableau à deux colonnes pour dispatcher les avantages et les inconvénients des deux. Comble du bonheur, les deux mots ont le même nombre de lettres : 11. C’est sûrement un signe en numérologie, mais je ne m’y connais guère. C’est surtout une satisfaction visuelle sans limite pour l’infographiste qui met en page de la typo et non des mots.

Bien sûr, entre les frères ennemis, les cartes sont rebattues depuis la crise sanitaire qui débuta au printemps 2020. Apparemment, le « distanciel » a réussi à exercer un lobbying intense auprès d’un pangolin pour que le télétravail puisse faire ses preuves à une échelle sans précédent. De son côté, le « présentiel » doit maintenant être chouchouté comme une poule de luxe par le secteur de l’immobilier d’entreprises. Rien n’est simple.

Quoi qu’il en soit, dans le match « distanciel/présentiel », les masques sont tombés au moment où il fallait en porter au sens propre. Le présentéisme s’est pris un gros uppercut et le soigneur n’a rien pu faire. C’est comme cela que le projecteur sanitaire a été braqué soudainement sur certaines réalités parfois mal assumées en entreprise. Exemples en vrac… On peut être encore dans les couloirs de la boîte à 20 h 30 sans être forcément débordé. On peut être aussi inefficace chez soi qu’à côté de la machine à café du 56e étage. On peut être dans la salle de réunion sans être forcément au taquet, mais on peut être dans une réunion en visio sans être vraiment là non plus. On peut être à distance en « performant de ouf » parce que personne ne se plaint toutes les dix minutes dans l’open space… et on peut être aussi injoignable en télétravail qu’invisible au bureau. Etc., etc.

C’est ainsi qu’il a fallu se rendre à l’évidence à défaut de se rendre au bureau : il ne suffit pas d’être dans les locaux pour être efficace ou d’être chez soi pour être un tire-au-flanc. C’est ainsi qu’on a découvert que même si on pouvait faire beaucoup plus de choses qu’on ne le pensait en distanciel, on a bien vu le revers de la médaille : la nécessité de pouvoir déconnecter, l’importance d’une frontière réinventée entre vie privée et vie pro, le caractère irremplaçable du lien physique ou la fertilité des échanges informels.   

En faisant son tour du monde, la Covid-19 a donc surligné en jaune fluo les faux-semblants du présentiel comme ses atouts à mieux cultiver. Elle a fait découvrir les bénéfices du distanciel autant que ses écueils. Histoire de dépasser les apparences et de revenir à l’essentiel. Oui, ce fameux essentiel, sujet à toutes les polémiques, dont on nous a un peu rebattu les oreilles.

Alors, restons vigilants tous ensemble et je ne parle pas seulement des gestes barrières. Même si notre box internet est devenue notre perfusion, l’intelligence naturelle (et non l’artificielle) doit continuer à faire la différence. Avec le distanciel providentiel et le présentiel essentiel, il ne manquerait plus que l’intelligence au travail finisse par rimer surtout avec « logiciel ».

Au boulot, les féministes

Vous avez un « anti-ragnagnas » dans votre entourage professionnel, les filles ? Et vous ne savez pas comment gérer ça ? Jessica Bennett, gender editor au New York Times, rien que ça, vous passe tous ses bons tuyaux dans son Manuel de Survie à l’usage des working girls, traduit aux Éditions Autrement. Son boulot actuel, c’est de donner une meilleure visibilité aux femmes dans le journal. Une mission qui lui tient particulièrement à cœur après avoir arpenté des rédactions où les évolutions de carrière s’avéraient plus aisées avec une paire de testicules.

Ne vous attendez pas à un petit livre rouge sur l’émasculation ultra-féministe. Ici, on est dans le coaching concret et l’autrice compte aussi avec bienveillance sur tous les hommes de bonne volonté pour faire reculer le mal discriminatoire. Son guide d’autodéfense contre les sexistes en entreprise réunit les stratégies de combat mises au point entre copines pour obtenir son dû. Cet esprit « fight club féministe », elle nous invite à le rendre viral pour que la solidarité féminine soit plus forte en entreprise, malgré l’esprit concurrentiel qui y règne.

En 2021, le diable sexiste se cache plus facilement dans les détails

…et le sexisme ordinaire s’est aussi réfugié dans des comportements anodins ou des ambiances qu’on croyait follement modernes et donc bien au-dessus de ça. En véritable cheffe militaire, Jessica Bennett nous a donc préparé une première partie intitulée : « Identifier l’ennemi ». Elle nous régale d’une sacrée galerie de portraits : l’homo interruptus, l’homo usurpator, le sténophallocrate, le perroquet, l’anti-ragnagnas, le materophobe, le sapeur d’ego, l’organisateur des loisirs macho, le lorgneur ou encore le tire-au-flanc professionnel… Pour chaque profil, elle y va de sa stratégie de combat bien huilée, pleine de bon sens et non dénuée d’humour. Mais bien sûr, l’autre ennemi invisible, c’est le « sabordage féminin » lié à des siècles de réflexes intériorisés. Et c’est sans doute là où Jessica Bennett nous rend un fier service. Oui, nous pouvons toutes être un jour la « maman de service », l’« éternelle redevable » ou le « paillasson ». Et là, il va falloir retravailler notre personnage pour arrêter de tomber dans les mêmes pièges. Avec son ton décontracté et ses fiches pratiques, le Manuel de Survie à l’usages des working girls invite donc tout autant à la lucidité sur nos conditionnements et nos mauvaises réponses comportementales.

L’ultime parade : la technique QFJ

QFJ pour « Que ferait Josh ? ». Ce « Josh virtuel » est le collègue masculin un brin suffisant auquel Jessica a pris l’habitude de penser quand elle sentait qu’elle était encore sur le point de réagir en « dominée ». En effet, le Josh archétypal s’en fiche pas mal de savoir rester à sa place, d’opiner de la tête comme une bonne élève ou de se réveiller le matin avec le syndrome de l’imposteur. Il a une approche tout à fait différente des relations de travail et s’imaginer dans sa peau, c’est un peu comme apprendre une langue étrangère. Sacré Josh. Dans le même ordre d’idée, Jessica Bennett nous fait bien rire en nous apprenant à repérer les différentes espèces de mâles qui racontent n’importe quoi sans en avoir l’air. Une fois de plus, la galerie de portraits ne manque pas de saveur.

Faut-il souhaiter que dans quelques années, ce guide devienne une curiosité sociologique parce que les comportements décrits seraient devenus imputables aussi bien à une femme qu’à un homme ? Sûrement. Comme le disait Françoise Giroud il y a un moment déjà : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Work in progress…

Manuel de Survie à l’usage des Working Girls – Jessica Bennett – Éditions Autrement – 16,90 €

Vous êtes mon hôte. Et réciproquement

hôte double sens définition Cet été en France, les gîtes de vacances ont fait le plein. À l’heure où une pandémie réduit les envies et les possibilités de jet lag exotique, un retour au terroir était à prévoir. Dans ce contexte et au détour d’une sélection de chambres d’hôtes, je me suis souvenu que le mot hôte était quand même un sacré agent double de la langue française. Rappelons en effet qu’il peut aussi bien désigner la personne qui reçoit que la personne qui est reçue. Il ne nous reste alors que le contexte pour clarifier son double sens. Et malheureusement, on assiste trop peu à des dialogues de ce type :

M. le Châtelain : -Je vous en prie, installez-vous dans la chambre mauve avec vos trois chiens : vous êtes mon hôte.

M. le Touriste : -Vous êtes vraiment un hôte exquis. Avant, puis-je les laisser déféquer dans votre pelouse ?

À ce stade, la lectrice éclairée ou le lecteur réveillé pourra faire remarquer que l’ambiguïté sur le sens du mot « hôte » n’est réelle qu’au masculin. Effectivement, l’usage veut que le mot « hôtesse » désigne exclusivement celle qui reçoit, car on va jusqu’à dire qu’on accueille une hôte. Quand vous êtes une hôtesse donc, pas de double sens possible. Vous êtes dans un avion pour y accueillir les passagers ou bien à l’accueil d’un hôtel pour y sourire sans faillir. Même pour l’hôtesse de charme que je vous vois déjà imaginer, on ne peut pas dire que l’ambiguïté lexicale soit au rendez-vous.

Mais revenons au mot hôte, dont le genre apparemment masculin s’apparente au final à de la neutralité (le genre, vous savez, c’est compliqué). Difficile de savoir exactement pourquoi ce mot, apparu au début du XIIe siècle, a pris et gardé un double sens. Je ne sais pas si c’est le cas dans d’autres langues. Je me suis dit que cette ambigüité de notre langue soulignait en revanche un certain art de vivre relationnel, placé sous le signe de la réciprocité et de l’égalité. Pour l’hôte qui reçoit, amabilité, serviabilité, envie de partage. Pour l’hôte qui est reçu, politesse, respect des lieux, marques d’intérêt conviviales. Ping et pong. Pong et ping. L’hôte de l’un est l’hôte de l’autre et la bienveillance mutuelle remplace la hiérarchie transactionnelle. Si chacun joue son rôle avec tout le plaisir de la sociabilité, l’équilibre est parfait et l’échange équitable. Si l’un des deux ne fait plus l’« hôte » à merveille, la rencontre est manquée et l’ambiance toute pourrie.

Ce duo à l’intérêt mutuel pourrait faire penser au nouveau savoir-vivre du masque en ces temps de Covid-19 : quand un masqué rencontre une masquée (admirez la parité), on ne sait plus qui protège l’autre, car le but, c’est de protéger tout le monde et au final la bonne intelligence est mutuelle.

Cette sacrée notion d’hôte a continué de m’ouvrir des portes à une échelle bien différente. J’ai repensé à l’espèce humaine qui a tendance à oublier qu’elle est l’hôte d’une planète plutôt que son maître absolu. Une planète hospitalière jusqu’à quand ? J’ai également songé aux milliards de bonnes bactéries que nous hébergeons sur notre peau ou dans notre appareil digestif en échange de services sanitaires irremplaçables et jusqu’à il y a peu, tout à fait insoupçonnables.

Décidément, nom d’un acarien, on est toujours l’hôte ou l’hôte de quelqu’un. Et vice versa.

REBONDS

>Toute la série documentaire bluffante qui donne une bonne claque à notre anthropocentrisme : « Une espèce à part »

>Un article très hôte : « JO : Paris ville « hôte » ou ville « hôtesse » ? »  

Haut les masques

Collection personnelle de masques cousus main- Année 2020

Franchement, à mots à peine couverts, dans la tourmente du coronavirus, on a dit et entendu tout et n’importe quoi sur les masques. En tissu lavable une cinquantaine de fois ou jetable impunément dans le caniveau, acheté à prix d’or en pharmacie ou cousu à partir de chutes de tissu ou de vieilles chemises… le voilà sur toutes les lèvres. Qu’a-t-il à nous dire sous ses airs de bouche cousue ?

Rappelons tout d’abord que nous avons beaucoup appris avec le masque manquant. Oui, quand il a fallu chercher des sources d’économies pendant le quinquennat précédent, on a sacrifié le stock de masques à renouveler régulièrement. On a croisé les doigts pour que ça ne se voit pas. Il était un peu superflu n’est-ce pas puisqu’en cas de pandémie, on aurait bien le temps d’en commander aux Chinois. Oui, c’est bien connu : en cas d’incendie, on a tout le temps de commander un extincteur sur Feu.com ou de faire venir des pompiers de Nouvelle-Zélande. D’ailleurs en parallèle, il a fallu aussi avaler que notre dépendance à l’industrie pharmaceutique asiatique était colossale… ce qui n’avait pas encore effleuré le cerveau endolori du citoyen moyen venant chercher naïvement du paracétamol dans sa pharmacie préférée.

Ensuite, on a essayé d’échapper à la polémique stérile sur « le masque est-il vraiment utile ? ». Est-ce moi que je protège ou plutôt les autres ? Suis-je du genre « responsable/on ne sait jamais » ou plutôt « invincible/on nous raconte n’importe quoi » ? C’est le psycho-test du printemps. Dans l’incertitude, l’intelligence navigue tout simplement à vue… et même masqué, on a les yeux qui dépassent quand même. Les plus survivalistes n’ont donc pas hésité à en fabriquer à la maison.

Maintenant, il faudrait apparemment s’autoriser le luxe de s’interroger sur l’impact anthropo-philosophique de cet accessoire qui ampute l’expression de notre si beau faciès. Il a, c’est vrai, un côté beaucoup plus « Gaffe aux lacrymogènes ! » que « Trop beau, le Carnaval de Venise ! » Personnellement, quand je le porte, j’essaie de renforcer les autres signes de civilité pour remplacer le sourire qui manque désormais devant la caissière. Sourire avec les yeux, assumer un mot gentil qui contrebalance l’absence de zygomatique visible. Au masque d’indifférence qui opérait aussi très bien sans tissu avant la covid-19, on peut substituer un savoir-vivre plus attentif qui contrebalance ce sourire proprement invisible. Le masque qui va nous être encore utile un certain temps dans les endroits les plus confinés, les plus fréquentés et face aux plus fragiles cache en fin de compte un tissu de paradoxes. Recto, il donne une mine forcément un peu inquiétante, car il rappelle à chacun la menace invisible qui justifie son utilisation. Verso, son port envoie aussi un signal néanmoins responsable et civique à ceux que je croise : « Si je fais l’effort de supporter ce truc qui donne chaud, c’est aussi pour nous protéger tous ». C’est réconfortant. En portant le masque comme mes congénères pendant l’épidémie, je ne me considère pas au-dessus de la menace, je fais front tout comme eux avec ma bouche et mon nez protégés. Recto, c’est un anti-virus. Verso, c’est un hacking indirect de la reconnaissance faciale. Recto, il peut être aussi neutre que les masques chirurgicaux classiques. Verso, il peut devenir un accessoire lavable, customisé et personnalisé.

Les paradoxes sont toujours fertiles. À ceux qui pensent que le masque nous ferait comme un inquiétant bâillon, nous pourrions rétorquer qu’il en va autrement si nous le désirons. Haut les masques, tant que nous saurons négocier avec nuances entre nos libertés individuelles et la sécurité du plus grand nombre. Haut les cœurs tant que nous serons debout pour pouvoir porter un masque.

 

Une grippe à double-sens

grippé, économie grippée, coronavirus, grippe En ces temps de coronavirus, certains pourraient être tentés de se barricader avec des vivres pour 3 mois. Loin des tousseurs partageurs et des fiers à bras désinvoltes qui refusent de se laver les mains.  Grâce au coronavirus, ils auraient peut-être alors assez de temps libre pour redécouvrir le double sens du mot grippé, à l’aide d’un dictionnaire qui prenait la poussière sur une étagère.

Oui, rappelons-le : quelle merveille que la langue française dont les trésors peuvent prendre sans coup férir une actualité brûlante, celle qui affiche 39,5° C sous les aisselles.

L’histoire du mot grippe n’est pas banale. Le mot a d’abord qualifié au XVIIe siècle une « fantaisie soudaine, un caprice » avant de s’étendre à l’expression « prendre en grippe » vers 1760. En parallèle, Monsieur Robert nous indique que c’est en 1743, que le mot grippe qualifie la maladie infectieuse que nous connaissons, essentiellement parce qu’elle saisit avec soudaineté sa proie à l’immunité défaillante.

Tout cela suit tranquillement son cours et puis un jour, apparemment en 1869, apparaît le mot grippage, pour désigner « le ralentissement ou l’arrêt du mouvement de pièces ou organes mécaniques, provoqué par le frottement et la dilatation de surfaces métalliques mal lubrifiées ». L’extension du domaine de l’usage finit par entraîner l’élargissement du sens au mauvais fonctionnement d’un système (l’économie par exemple).

Que les deux acceptions, médicale et mécanique, viennent en 2020 se rejoindre avec fracas, laisse rêveur. Que les auteurs de science-fiction aient toujours envisagé des fins de cycles à la sauce pandémie semble attendu. Que l’économie mondialisée se grippe sérieusement à cause d’un minuscule virus ne viendrait en revanche pas tout de suite à l’esprit du premier trader venu.

Sans vouloir offenser les victimes humaines du coronavirus (également appelé covid-19 parce que c’est quand même plus facile à écrire et que ça ne peut pas faire de tort à une bière)… donc, oui, sans vouloir minimiser le bilan humain, les dommages collatéraux économiques pourraient surpasser bien des craintes, donner des sueurs aux banques centrales et filer des frissons aux ministres de l’économie. La délocalisation à outrance des industries pharmaceutiques se révèle soudain dangereuse et un peu irresponsable. La chaîne de valeur qui permet d’économiser aux quatre coins du monde sur toutes les étapes de fabrication peut mettre à l’arrêt des entreprises en panne de pièces détachées. La mobilité humaine entre les continents s’avère être un facteur aggravant de la transmission. Le secteur des loisirs et du tourisme est alité pour une période indéterminée… Seuls les fabricants de gel antibactérien n’auraient pas rêvé une plus belle croissance.

Quelle réflexion oserons-nous avoir collectivement sur nos interdépendances mises en place pour doper la rentabilité à court terme ? Une grippe plus féroce que les autres peut-elle nous ouvrir les yeux sur ce qui est vraiment grippé dans ce monde de brutes ? Quand tout est grippé, il faut remettre du lubrifiant. Sa formule ressemble peut-être à un mélange de civisme, de bon sens, d’humanisme et de saine remise en cause de nos travers planétaires. Pour commencer, à notre humble échelle individuelle de fourmi, faites-moi le plaisir de tousser dans votre coude : cela crée dans le bus une ambiance bien plus cool que l’éternuement intempestif sans barrière de savoir-vivre. À la façon du paracétamol effervescent, l’individualisme décomplexé devrait être soluble dans la responsabilité collective.

 

Je pionce donc je suis

Je pionce donc je suis pièce de Michaël HirschEt si le sommeil était le dernier îlot de résistance face au règne de la performance utile et de la marchandisation galopante ? Et si le mode off, avec ou sans doudou, était la matrice indispensable à tous les rêves humanistes ? Avec l’humour qu’on lui connaît et l’amour des mots qui le caractérise, Michaël Hirsch monte sur la scène entouré de douillets oreillers pour nous en convaincre : c’est la pièce Je pionce donc je suis à l’affiche du Théâtre du Lucernaire (Paris). Pioncer, se mettre en veille, faire de beaux rêves ou « mettre la viande dans le torchon », ça n’a l’air de rien, mais cela peut devenir de la résistance en chambre.

Pour le chef de produit zélé Isidore Beaupieu, personnage principal de ce « seul en scène », tout démarre par une attaque malencontreuse de narcolepsie en pleine réunion de présentation d’un réveil révolutionnaire. Devenu le héros malgré lui des Homo-sapions, mouvement de résistance pro-dodo, il vit alors une révélation : celle de l’importance du sommeil dans un monde qui va trop vite, coincé entre la course à la performance de l’entreprise et l’addiction aux écrans qui dévore nos temps « morts ».

Seul en scène, Michaël Hirsch fait vivre une galerie de personnages impressionnante tout en gérant avec malice sa farandole de jeux lexicaux. De quoi soutenir l’attention des spectateurs les plus fatigués et les embarquer dans une mise en scène inventive, avec des surprises dont il ne faut rien dévoiler.

Si la forme est légère, le propos doit nous interpeler. Après le spectacle, Michaël Hirsch m’a confirmé avoir lu avec attention le livre de Jonathan Crary, 24/7 – Le capitalisme à l’assaut du sommeil. Une analyse sans concession d’un mécanisme dévorant : celui d’un idéal de vie sans pause, connectée à tout moment, où l’on cherche à réduire absolument le temps sans rentabilité du gros dodo. Chez Netflix, on dit même que le concurrent principal de la société n’est autre que le… sommeil, sur lequel il faut grignoter des parts de veille connectée.

Les dernières études de Santé Publique France révèlent que le temps de sommeil moyen en France vient de plonger en dessous des 7 heures, durée pourtant minimale pour une bonne récupération. Le plus grave serait que le sommeil soit remplacé petit à petit par un mode « veille » ou qu’un laboratoire médical découvre comment s’en passer. L’armée américaine étudierait des méthodes pour qu’un soldat puisse rester opérationnel sans dormir pendant 7 jours. La recherche militaire étant à l’avant-garde d’innovations réutilisées dans le domaine civil, on pourrait s’en inquiéter. La pression socio-économique sera-t-elle alors trop forte pour les résistants du sommeil biologique, garants de la saine alternance du jour et de la nuit et du repos naturel ? Un enchainement de conséquences cauchemardesques pourrait se cacher derrière les pas des hackers de la couette. Prenons garde à ne pas nous laisser endormir… pour au final perdre le sommeil.

Après avoir vu Je pionce donc je suis avant le 19 janvier au Théâtre du Lucernaire, il vous restera à savourer en 2020 plus de 300 gros dodos peuplés de doux rêves. C’est en tout cas ce que je vous souhaite. Prenez soin de vous.

REBONDS…

Le quotidien Le Parisien en a pensé ceci

Les Inrocks ont pensé ceci du livre de Jonathan Crary

 

« Les Possédés » de la tech, c’est bien nous

Les Possédés - Arkhé Editions Livre Tech TrashAlors comme ça, vous dégainez naïvement votre smartphone sans savoir ce que recouvrent les termes blitzscaling*, tech-brandosaure* ou les proverbes « Winner takes all* » et « Fake it until you make it*» ? Franchement, il est temps que vous souleviez le capot de la techno au pays des merveilles, en compagnie de deux fondateurs du collectif Tech Trash. Comme leur petit nom l’indique, ils ne se lassent pas de tacler les startuppers et les apprenties licornes… avec un humour caustique qui fait déjà le succès de leur e-newsletter. Dans leur livre Les Possédés publié chez Arkhé Editions, on quitte l’actu pour les retrouver en mode « analyse du problème de fond »… Que les techno-béats préparent leurs mouchoirs !

On arrête de se voiler la face

Comme de vrais gamins avec nos super jouets, nous avons eu notre période d’émerveillement béat devant les prodiges de la Silicon Valley. Mais le vent tournerait-il ? Après la lune de miel, voici que de plus en plus de voix se font entendre pour dénoncer le pompage sans vergogne de nos données personnelles, l’optimisation fiscale à gogo qui fait tache en ces temps de disette, la propagation accélérée des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux… jusqu’à la manipulation insidieuse des électeurs à grande échelle. Un retour de bâton appelé aussi « tech-lash »… mais qui peine à réduire significativement le nombre d’utilisateurs de ces démons du XXIe siècle ! Ahhh… schizophrènes que nous sommes. Pendant ce temps, bien sûr certains continuent d’apparenter Steve Jobs à un messie et d’autres d’ignorer gentiment le modèle économique des services numériques qu’ils utilisent à longueur de journée. Erreur contemporaine notoire qui signe juste l’effacement du citoyen concerné devant le consommateur individualiste, hypnotisé par l’avantage instantané, avide de simplicité… et légèrement possédé par l’afflux de dopamine dès qu’il voit un nouveau like sous sa dernière photo de chaton.

Sous-titré « Comment la nouvelle oligarchie de la tech a pris le contrôle de nos vies », le livre des deux membres de Tech Trash, Lauren Boudard et Dan Geiselhart, explore donc les nombreuses dimensions de cette toile d’araignée douillette tissée par les maîtres du Net qu’on ne présente plus : Google, Amazon, Facebook, Apple, Uber, Deliveroo, Microsoft, Airbnb etc., etc.

Le confort empêcherait-il de penser ?

Dans Les Possédés, vous apprendrez plein de choses passionnantes pour surfer en ouvrant les yeux. Vous remonterez aux sources de l’idéologie de la Silicon Valley qui se nourrit aussi bien des rêves libertaires hippies que de l’idéologie libertarienne ultralibérale qu’on peut résumer par « Le moins d’état possible et zéro régulation : les égoïsmes exacerbés et le marché roi font tout ça très bien ». Vous comprendrez en quoi nous sommes esclaves de la tyrannie de la commodité : tous ces sites et applis apportent tellement de simplicité et de fluidité qu’il est très difficile de s’en passer. Dans Les Possédés, vous découvrirez les chiffres astronomiques du lobbying de la tech et l’ampleur du « pantouflage » de ses hauts responsables… Pour vous faire patienter, je peux juste vous avouer que « En 2018, Facebook aura dépensé plus que le géant du glyphosate Bayer-Monsanto et le roi de la clope Philip Morris en lobbying européen. »

Et parce que je vous sens attirés par les chiffres, je vous promets que vous saurez exactement comment fonctionne l’optimisation fiscale des GAFA (entre autres)… avant de bien comprendre que celui qui paie la plus grosse part d’imposition lors d’une course Uber à 20 €, c’est de très très loin le conducteur. Lire la suite « « Les Possédés » de la tech, c’est bien nous »

Dans la salle d’attente avec Good Doctor

Good Doctor Autisme Intelligence artificielleVous n’êtes pas encore traités contre la boulimie de séries TV ? Vous pourriez alors avoir une ordonnance de ce type : « 2 épisodes par semaine de Good Doctor ». Depuis Urgences, le milieu hospitalier est un vrai bouillon de culture pour les séries à succès. La série Good Doctor, qui revient pour la saison 2 sur TF1 le 11 septembre, a une particularité très « Ressources Humaines » qui mérite d’être examinée… Allongez-vous, je sors le stéthoscope. Lire la suite « Dans la salle d’attente avec Good Doctor »

Carrément troublant, jamais innocent

36 carrés bleus sur fond de blog

En cette rentrée, je n’ai pas décidé de vous faire une petite rédaction sur mes jolies vacances. Non, car franchement quel intérêt ? Je vais plutôt vous parler d’un tic de langage qui m’a interpelée, comme on dit : le « carrément » à tout bout de champ. Je sais, c’est carrément ambitieux. Et Dupont aurait répondu : « Je dirais même plus : carrément. »

Un tic vaut mieux qu’un toc

Comme vous le savez… ou pas, les tics de langage et les expressions toutes faites qui se répandent comme des virus dans les conversations, peuvent donner lieu à des interprétations sociologiques et sémantiques plus ou moins pertinentes. Parmi ces nombreuses expressions qui saupoudrent les dialogues, on peut citer les « Je dis ça, j’dis rien », «en fait »,  « genre », « du coup », « y’a pas de souci », « tout à fait », « j’ai envie de dire », « effectivement »… On les remarque beaucoup plus facilement chez les autres que chez soi. Cela doit encore être une histoire de paille et de poutre.

L’un de ces tics a retenu mon attention cet été (mais pourquoi cet été ???) : c’est l’adverbe « carrément ». On ne le trouve pas dans la bouche de géomètres, de physiciens ou de fabricants de carrelage. Il est assez répandu dans une tranche d’âge allant de 12 à 26 ans (à la louche, n’est-ce pas), une période largement plus longue que celle des poux. « Carrément » sert à souligner son approbation, à ânonner qu’on « en est », qu’on est sur la même longueur d’ondes. Cet adverbe est donc porteur d’un sens qui remplit à merveille une des fonctions des tics de langage : favoriser la reconnaissance dans sa tribu, jouer l’inclusion et l’agrégation par le langage, pour mieux exclure inconsciemment ceux qui n’en font pas partie (de par leur âge, leur catégorie socio-professionnelle, leur socio-style…).

Carrément bien plus qu’une expression

Une fois le sens de cet adverbe clarifié (sans dictionnaire et sans mon aide, avouez que vous étiez bien embêtés… ahaha), il nous reste à nous interroger sur la starification de celui-ci en particulier, au détriment de synonymes comme « résolument », « complètement » ou « absolument ». Pourquoi la jeune cohorte de nos semblables a privilégié « carrément » sans même se concerter ? Lire la suite « Carrément troublant, jamais innocent »

Vos livres ont des ailes

boîte à livres bookcrossing RouenAu seuil d’un chassé-croisé estival, ça circule et ça échange. Pourquoi pas pour vos livres ? Ils se répartissent en de multiples catégories : ceux que vous relisez, ceux qui vous sont tombés des mains, ceux que vous avez prêtés mais qui ne sont jamais revenus, ceux qui ne quittent pas votre table de chevet, ceux que vous avez promis de lire… Il est temps aussi de désigner les livres-vagabonds à qui vous allez offrir une nouvelle vie en les déposant dans une… boîte à livres.

Que la boîte à livres nous délivre

Depuis quelques mois, j’ai pris une drôle d’habitude. Régulièrement, je passe sur le parvis du musée des Beaux-Arts, non pas pour y abandonner dans la nuit noire un animal de compagnie ou une encombrante machine à laver (vous n’y pensez pas !!!). Non. J’ai rempli un sac de quelques livres que je suis sûre de ne pas relire et je les confie à une des boîtes à livres installées par la municipalité. J’ai d’ailleurs découvert il y a peu qu’on les appelait aussi des micro-bibliothèques, mais je trouve que ça leur va beaucoup moins bien. J’ouvre donc la petite porte de ma boîte à livres et je regarde ce que les autres donateurs ont déposé pour faire éventuellement un échange de bons procédés. Les Annales du Bac de Français 2007 ou un sacré Emmanuel Carrère ? Un vieux polar tout jauni ou un livre de cuisine qui n’a pas servi ? Parfois, je dépose mes deux-trois livres sans rien reprendre : la pêche à la langouste est maigre. Parfois, la grande roulette du livre est avec moi et je trouve même de la philo : la pêche à la lecture a été bonne !

Rien n’est programmé

La boîte à livres, c’est de l’anti-Amazon pur et dur. Pas de recommandations qui veulent vous conforter dans des goûts supposés, pas d’optimisation fiscale qui nous la fait à l’envers. Rien n’est écrit. Tout est à lire. C’est la surprise totale et l’échange pur et simple. Ma boîte à livres, c’est un moment de hasard incongru et décalé, sous la surveillance majestueuse de deux arbres remarquables du square contigu. J’ai souvent une pensée pour les futurs lecteurs ou lectrices des livres que j’ai libérés. Ce rejeton de Bernard Werber… dans quelles mains attentionnées tombera-t-il ? Ce manuel de lecture rapide, de quel futur dévoreur de bouquins va-t-il faire le bonheur ?

J’aime ce geste de faire passer des livres à des inconnu.e.s. Pourquoi les laisser prendre la poussière alors qu’ils peuvent encore se dégourdir les pages ? Le grand cycle du plaisir de lire est décidément vertueux. Si vous disposez dans votre quartier d’une de ces boîtes poétiques, ouvrez la cage aux oiseaux du bonheur que sont nos chers livres.

TSUN-DICO déferle sur le bout de la langue

Tsun-Dico Sabine Duhamel Editions AutrementDe la même façon que le monde est plein de plats que nous n’avons jamais goûtés, les langues étrangères sont riches de mots sans équivalent dans celle de Molière. Heureusement, il y a maintenant le TSUN-DICO, sous-titré en toute clarté  : « 200 mots que le français devrait emprunter aux autres langues». Pour voyager avec le sourire, sans passer aucun portique d’aéroport.

Des mots nouveaux à picorer

J’ai ma petite collection de livres spécialisés dans les néologismes et autres mots valises. J’en raffole et j’en commets parfois. Voici un livre cousin : il n’invente rien, mais son autrice a glané aux quatre coins du monde des mots qui comblent des vides pour nos oreilles francophones. Je vais le glisser sur le plateau inférieur de la table basse pour y picorer régulièrement. Entre deux noix de cajou et une tartine de tapenade, on grignotera avec plaisir le mot tsundoku qui, pour les lecteurs japonais, désigne « l’accumulation en piles de livres qui ne sont jamais lus » ou le pana po’o hawaïen qui résume enfin cette « façon de se gratter la tête pour mieux se rappeler quelque chose ». À moins que vous lanciez à l’apéritif, mais sans viser personne, le terme indonésien jayus, une « blague tellement pathétique qu’il vaut mieux en rire »… Lire la suite « TSUN-DICO déferle sur le bout de la langue »

Notre-Dame du Phoenix

Notre-Dame de Paris, 15 avril 2019, incendie, réflexion psychologiqueEt si une cathédrale en feu pouvait symboliser l’édifice de votre existence ? Après la sidération et les polémiques entourant l’incendie de Notre-Dame de Paris, un moment de vérité personnelle peut se faire jour dans les cendres refroidies… ou pas. C’est vous qui voyez.

Pour la postérité des Internets, je rappelle que le 15 avril 2019, la charpente de Notre-Dame de Paris est victime d’un incendie désastreux. Un brasier dévore la charpente, surnommée la « forêt » et fabriquée à partir de troncs du XIIIe S. ! La flèche rajoutée par Viollet-le-Duc au XIXe S. s’effondre sous nos yeux, dramatisant plus encore la scénographie. L’émoi dépasse les frontières. Le symbole de Paris et de la France, qui fusionne profane et sacré, littérature et histoire commune, est la proie des flammes et du destin, alors que les deux guerres mondiales l’avaient épargnée.

En dehors des polémiques sur la valeur du patrimoine par rapport à la condition des « misérables ». Au-delà du paradoxe de la fiscalité des dons au patrimoine qui nous rappelle aussi que la collectivité n’a plus les moyens de sauvegarder ses trésors toute seule. Au-delà de la ferveur culturelle et des ventes relancées du roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, quel déclic peut nous offrir malgré tout l’événement ? Vous l’aurez compris : je parle de déclic, car je n’ose pas parler d’étincelle.

Moi, cette cathédrale en feu m’a rappelé soudainement que nous faisons au quotidien comme si tout un tas de choses étaient immuables. Certains monuments mythiques. Le confort de l’électricité et de l’eau potable. La présence de ceux que nous aimons. Cette longue paix sur notre continent, ensanglanté pendant des siècles par les guerres. Le contrat républicain qui protège vaille que vaille contre la barbarie ordinaire. Le chant des oiseaux, les lilas qui refleurissent à chaque printemps et tout le toutime. Le ravage de Notre-Dame de Paris a fini par me faire poser quelques questions dérangeantes. Qu’est-ce qui dans ma vie me parait aller de soi, mais qui pourrait partir en fumée sans que je n’ai rien vu venir ? Quelles sont les relations ou les domaines de ma vie que je néglige parce que tout a l’air posé là, comme « sur le parvis depuis 850 ans » ? Qu’est-ce qui a de la valeur pour moi et qui pourrait être « sacré »… au-delà des poncifs du cœur ? Qu’est-ce qui pourrait me donner le courage des soldats du feu pour batailler face au tragique ? Même les athées militants et les anarcho-libertaires nihilistes qui méprisent le patrimoine ont une espèce de cathédrale à eux planquée quelque part dans leur tête. Peut-être par exemple, un monument à la gloire de la liberté ou une construction idéologique en pierre dont les vitraux ne laissent passer que certaines lumières intellectuelles et pas les autres.

Je me suis dit aussi que sans désastre, il y aurait peu de reconstructions, de plaies fièrement refermées, de résiliences qui métamorphosent les drames. Qu’est-ce qui peut me donner la foi de reconstruire, dans ma vie routinière ? Quelles sont, dans nos existences, les incendies malencontreux qui nous ont obligés à reconstruire et avec quels effets positifs ? Quels sont aujourd’hui, les éléments de ma vie que je préférerais voir disparaître en fumée… mais que je n’ose pas embraser ?

Sur les écrans du monde, une catastrophe sensationnelle en remplace une autre. L’ennui, avec notre cerveau humain et notre émotionnelle condition, c’est que nous sur-réagissons aux événements choquants et ignorons les évolutions lentes, sourdes et implacables qui changent notre vie ou notre monde sans faire de bruit. Est-ce l’autre pan invisible de notre tragique condition ? Autant en avoir conscience et essayer de réfléchir avec un autre point de vue sur les pavés que les événements soudains font tomber dans notre mare.

 

Factfulness ou l’autre guerre du faux

Factfulness, Hans Rosling, Flammarion, raisonner à partir des faitsOn parle beaucoup de la propagation inquiétante des fausses nouvelles, boostées aux amphétamines des réseaux sociaux. On parle moins de la survie de nos a priori dépassés sur le monde dans lequel nous vivons. C’est là où Factfulness, le livre de Hans Rosling, médecin et professeur de santé publique suédois, fait office d’écarteur de paupières pour les autruches que nous sommes malgré nous. Bill Gates a rangé son livre parmi « les plus importants qu’il ait jamais lu ». Effectivement, lecture passionnante et dérangeante, car prendre des décisions fondées sur des faits plutôt que sur des opinions n’a jamais paru aussi important. En route pour la « factualité »…

Hans Rosling, le médecin statisticien…

Notre homme a été médecin, conseiller pour l’OMS et l’UNICEF, ainsi qu’un des initiateurs de l’ONG Médecins sans Frontières en Suède. Il a également été statisticien et à l’origine d’un outil logiciel de visualisation des données utilisé dans des conférences TED très remarquées. Convaincu de l’effet dévastateur des idées fausses sur la marche du monde, il participe aussi à la création de la fondation Gapminder, non pas un énième « think tank » mais plutôt un « fact tank » pour mettre en scène et diffuser les statistiques produites par les grands organismes internationaux, mais étonnamment peu vulgarisées par les grands médias.

Tous des cancres… ridiculisés par les chimpanzés.

Vous pensez encore que le monde se divise entre pays développés ultra-riches et pays en voie de développement ? Vieux reste de vos cours de géo… Les chiffres sont contrariants, car la majorité du monde se trouve aujourd’hui entre les deux en termes de niveau de vie. Vous surestimez la mortalité infantile ? Les chimpanzés qui répondent au hasard ont un meilleur score au quiz de Hans Rosling que la plupart d’entre nous. Et ce ne sont que deux petits exemples. Même l’élite du monde économique réunie à Davos en janvier 2015 a été battue par les primates sur l’augmentation de la population mondiale et la vaccination des enfants dans le monde… Lire la suite « Factfulness ou l’autre guerre du faux »

Blague à part et références communes

Boursorama Banque affiche campagne février 2019 la banque la moins chaire Boursorama Banque vient de lancer une campagne avec un budget d’achat d’art très réduit. L’épure graphique comme on dit. Le jeu typographique sur fond blanc suffit à délivrer un message des plus simples : « Nous sommes encore classés au top des banques les moins chères. Mais attention, on n’est pas que les moins chers. On est aussi des petits malins.» Une affiche a particulièrement titillé ma rétine : celle où la bravoure d’une faute d’orthographe volontaire tacle gentiment le destinataire pour l’inciter à être aussi pointu en analyse de frais bancaires qu’en orthographe.

Découpage en trois tranches de la cible

Les passants qui ont croisé l’affiche se répartissent sûrement en trois groupes.

  • Ceux qui ont vu la faute, mais qui sont du genre un peu bougon, avec myopie aggravée ou paresse avérée sur les petits caractères. Résultat : ils n’ont pas été en mesure de lire la morale de l’histoire, écrite en plus petit juste après. Alors ils ont sûrement pesté : « Non, mais franchement, c’est la fin des topinambours si on se permet des fautes pareilles sur les affiches. Il faut vraiment que Jean-Michel Blanquer mette le paquet sur la langue française. »
  • Ceux qui n’ont pas vu ni la faute, ni la phrase en dessous, mais qui, comme la vie est injuste, risquent d’avoir tout de même capté l’essentiel : Boursorama, c’est les moins chaires/chers. Simple, binaire, pas besoin d’avoir un score de 920 au Certificat Voltaire pour croire tout ce qu’on vous dit.
  • Ceux qui ont vu la faute, ont été intrigués et ont lu la suite. L’élite intellectuelle qui peut frimer en savourant un jeu de mot orthographique ? Un petit jeu relationnel très judicieux en tout cas puisque les neurosciences semblent établir que l’effort intellectuel récompensé par un clin d’œil favorise la mémorisation du message.

Savourons donc ensemble ce plaisir de snob intello pendant qu’il en est encore temps. Qui sait ? Bientôt les jeux de mots orthographiques seront à manier avec des pincettes à sucre en levant le petit doigt. En effet, si de moins en moins de gens voient la faute, il n’y a plus de jeu de mot… et fin de la partie.

Une bonne correction, c’est tout ce qu’on mérite.

Si vous travaillez dans la communication, vous savez peut-être que les correcteurs et secrétaires de rédaction vont d’ailleurs redevenir indispensables. Ils tiennent leur revanche : des supports de presse écrite qui pensaient s’en passer pour faire des économies les ont finalement rappelés pour pallier les lacunes des nouvelles recrues. CQFD avec les articles de certains médias en ligne qui balancent le verbiage aussi vite que leur ombre sans avoir bien relu. Ou avec les pauvres stagiaires des chaines d’info en continu qui nous font bien rire jaune en s’emmêlant les touches en direct pour rédiger les bandeaux en bas de l’écran. Mais, mais, mais…  le péril orthographique ne cacherait-il pas une autre forêt ?
Lire la suite « Blague à part et références communes »

La revanche de l’infusion est pour bientôt

infusion Eléphant, tisane, inventer l'eau chaudeEau chaude, tisane, infusion ou pisse-mémé… la boisson aux plantes enchante l’hiver de ceux qui ne boivent pas que du café. Tilleul pour les stressés, romarin-girofle-cannelle pour les soucieux de leur système immunitaire… : il y en a pour tous les goûts et tous les bibis. Ceux qui font un rictus de dédain devant ces breuvages de mauviettes feraient bien de s’entraîner et de planter des herbes sur leur balcon, car des chercheurs britanniques se font bien du souci pour les caféiers d’ici 2080, essentiellement à cause du dérèglement climatique. D’ici là, George Clooney et ses capsules nous auront sans doute quittés… et les derniers grains torréfiés se dealeront Place Vendôme. Sortez les mugs et les bouilloires. Ça va chauffer. Lire la suite « La revanche de l’infusion est pour bientôt »

Comment tenir ses bonnes résolutions ? (acte 2019)

« Mes bonnes résolutions » - 100 résolutions que vous allez tenir en 2019 Florence Cathala – Librio. Après avoir évité toutes les embûches de Noël, les sujets qui fâchent en plein chapon aux morilles et les cadeaux les plus moches immortalisés sur Instagram, vous voilà au seuil d’une nouvelle année. Excitation. Vous avez renoncé aux horoscopes pour nymphettes et aux voyantes pour désespérés pas si désespérés que cela. C’est décidé, le destin ne s’écrira pas malgré vous : vous le sculpterez au burin de votre propre volonté. Bref, vous allez vous reprendre en main avec une belle liste de bonnes résolutions. Je vous félicite. C’est grâce à des gens comme vous que le monde avance, grâce à des gens bien décidés à ne pas gober les jours en mode lymphatique. Ferez-vous preuve d’originalité par rapport à vos congénères ou par rapport à l’année dernière ? Mettons-nous en mode offensif, s’il vous plaît.

L’important, c’est le bon départ, la détermination et l’équipement

… et comme sur un 100 mètres, il n’y a pas un quart de seconde à perdre. Après avoir étudié la question avec de nombreux scientifiques de la NASA, du CERN et du CNRS, on peut vous donner les premiers conseils, accompagnés du kit spécial « bonnes résolutions » :

-un marque-page vierge et/ou de multiples pense-bêtes, pour y inscrire votre mission,

-un journal personnel pour vous fixer des objectifs hebdomadaires,

-la stratégie japonaise des petits pas (le kaizen),

-un livre qui tombe à pic pour vous donner avec humour de nouvelles idées : « Mes bonnes résolutions » – 100 résolutions que vous allez tenir en 2019 par Florence Cathala – Editions Librio.

En fonction de la nature de vos bonnes résolutions, vous pouvez bien sûr vous équiper de toutes les béquilles numériques que vous voudrez : les applis de coaching personnel ont fleuri avec bonheur pour mieux remplacer la petite voix intérieure vite inaudible quand la motivation décroit. Comme vous pouvez le constater, on n’est pas ici pour faire semblant, entre le 1er et le 5 janvier seulement. Non mais. Au boulot… Lire la suite « Comment tenir ses bonnes résolutions ? (acte 2019) »

Délivrez-vous !

Délivrez-vous Paul Vacca
Cellulose imprimée sur bois vitrifié, 2018

Adeptes de la pensée binaire pour/contre ou noir/blanc, passez votre chemin. L’essai de Paul Vacca, Délivrez-vous, sous-titré « Les promesses du livre à l’ère numérique » n’est ni techno-phobe, ni techno-béat. Ce n’est pas un plaidoyer pour une déconnexion devenue impossible. C’est le manifeste qui tombe à pic pour tirer le meilleur parti de ce qui est digital et de ce qui ne l’est justement pas. Le livre papier en est un excellent exemple, ce héros de la résistance, malgré un raz-de-marée sans cesse annoncé de l’e-book… et constamment remis à plus tard. Alors que l’émerveillement numérique des débuts s’estompe, il n’a jamais été aussi libératoire d’ouvrir un livre, de se laisser surprendre par les conseils de son libraire ou de prêter un livre écorné à son meilleur ami… Amis de la pensée en liberté, à vos canapés. Un bijou d’intelligence d’à peine 100 pages vous tend la reliure. Lire la suite « Délivrez-vous ! »

Comment notre monde est devenu cheap

Comment notre monde est devenu cheap Raj Patel Jason W MooreUn chanteur français toujours vivant (si, si) nous a déjà mis en garde sur l’impasse qui consiste à croire que le bonheur, c’est d’avoir. Avec Comment notre monde est devenu cheap, l’économiste Raj Patel et l’historien Jason W. Moore nous racontent comment la « fièvre du pas cher » que les auteurs appellent la cheapisation, poursuit sa course depuis des siècles, en touchant la nature, le travail, l’alimentation, l’énergie… et la vie tout court. L’invité d’honneur que l’on découvre sous un nouvel angle n’est autre que Christophe Colomb. Montez à bord qu’on fasse les comptes… Lire la suite « Comment notre monde est devenu cheap »

Le Brio, c’est d’avoir raison avec Schopenhauer.

Avoir raison avec Schopenhauer Guillaume Prigent LibrioDans le dernier film d’Yvan Attal intitulé LE BRIO, le professeur d’éloquence campé par Daniel Auteuil fait référence à un « manuel » incontournable de l’art rhétorique : L’art d’avoir toujours raison, de Arthur Schopenhauer. Ce livre de chevet des apprentis en joute oratoire contient 38 stratagèmes pour emberlificoter son monde. Intrigué(e) hein ?

Pour les divas du prétoire, mais pas que…

Dans le film LE BRIO que je vous conseille d’aller visionner dans une salle obscure, Daniel Auteuil est professeur d’art oratoire à l’université Panthéon II Assas. Il règne sur un amphi rempli d’étudiants et d’étudiantes en droit qui pourraient finir au barreau. Parmi eux, Camélia Jordana interprète une étudiante qui se distingue dès le premier cours… en arrivant en retard. En toile de fond, les difficultés d’une jeune fille qui vient de la cité comme on dit et qui porte un nom d’origine maghrébine, face à un professeur brillant mais qui s’attire la disgrâce de toute la fac par un comportement en rien « bien-pensant ». Il devient le coach de la retardataire, l’improbable future championne d’éloquence qui représentera Assas, et la met en garde d’emblée : rien à voir avec la quête de la vérité, il s’agit simplement de convaincre… L’art d’avoir toujours raison, c’est de la rhétorique, pas de la morale scientifique au service du vrai.  Son bréviaire absolu : le livre des 38 stratagèmes de Schopenhauer, philosophe allemand du XIXe S, reconnu aussi pour sa vision un brin pessimiste de la condition humaine.

Merci qui ? Merci Guillaume Prigent.

Là où nous avons de la chance, c’est que Guillaume Prigent, professeur d’art oratoire à l’université Paris-Nanterre et juré de concours d’éloquence, nous rend le bréviaire du maître plus accessible avec son livre publié début novembre : « Avoir raison avec Schopenhauer » (Librio). Il y commente chacun de ces stratagèmes accompagnés de leur parade et les illustre avec des exemples très récents, aussi bien tirés d’émissions de télévision polémiques que de débats politiques. C’est tout simplement passionnant, chers amis du verbe. Connaissez-vous la rétorsion, qui consiste à retourner l’argument de l’adversaire contre lui ? L’extension, pour interpréter l’affirmation adverse le plus largement possible pour la discréditer ? L’exception de derrière les fagots pour prouver aux oreilles crédules que l’ensemble de la théorie de l’adversaire est caduque ? Plonger dans le manuel d’éloquence de Guillaume Prigent donne l’impression de voir un peu mieux la trame de certains débats survoltés. Certains ont appris à manier ces effets. D’autres sont peut-être des Monsieur Jourdain de la conviction. En tout cas, nous cernons plus précisément notre fragilité intellectuelle face aux plus talentueux des tribuns. Ce n’est pas pour nous rassurer, mais il faut avoir le courage de soulever le voile et de saisir une chance d’être un peu moins naïfs… C’est en cela que Guillaume Prigent qualifie lui-même son livre de « manuel d’auto-défense intellectuel ». Un nouveau moyen de décrypter le débat pour gagner en esprit critique. N’hésitez pas : il ne vous en coûtera que 3 €. Cela peut être très vite amorti à la première engueulade.

Ce que nous cache le volet roulant…

Inconvénients du volet roulant
Le volet roulant est trop vilain en photo… j’ai mis son concurrent stylé.
Photo by Joacim Bohlander on Unsplash

Vous êtes plutôt persiennes ou volets roulants électriques ? Il y a comme ça des questions qui n’ont l’air de rien, mais qui en soulèvent beaucoup d’autres. Derrière le choix du volet roulant, tout un style de vie. Derrière celui du volet manuel en bois ou métal, toute une résistance. Allez, on appuie là où ça fait mal…

Sur ce sujet brûlant, il faut déjà que je me situe à vos yeux. Mon habitation est munie de persiennes métalliques, manipulées à l’huile de coude. Mais, il faut vous dire que j’ai déjà été confrontée indirectement aux effets secondaires du volet roulant électrique, au cours de réparations pénibles à gérer chez mes parents… et aussi à travers une anecdote de personnes enfermées chez elles, à cause d’une panne électrique. Je vous le dis donc tout net, sans pour autant fermer tout volet à la discussion : il y a un drame humain, écologique et urbanistique du volet roulant. Que des hôpitaux ou des résidences de personnes âgées s’équipent de ce système pour fermer tous les volets d’une unité en même temps, je pense qu’on est d’accord pour y voir un avantage majeur, compte tenu du minutage drastique de l’emploi du temps des soignants. Qu’en tant que particulier avec 8 fenêtres, on cède à la paresse en se privant de ces gestes d’ouverture et de fermeture quotidiens hautement symboliques… c’est une faiblesse dont on mesure mal les conséquences anthropologiques au moment de signer le devis. Réquisitoire en 4 points s’il vous plaît… Lire la suite « Ce que nous cache le volet roulant… »

Attrape le feu si tu peux.

feux d'artifice Festival d'Art Pyrotechnique Cannes, s'émerveiller ou filmer ?
Photo by Priscilla Du Preez on Unsplash

Il faut que je vous l’avoue : j’adore les feux d’artifice. De sincères émerveillements d’enfant, juchée sur les épaules de mon père, doivent se réveiller en moi quand le ciel s’illumine de la sorte. Le dernier spectacle pyrotechnique auquel j’ai assisté m’a donné du grain à moudre. Il fallait que je le partage avec vous, avant vos éventuels feux d’artifice du 15 août….

Écran de fumée

Dans la pénombre ponctuée de réactions d’enfants, grands ou petits, j’étais encadrée par deux vidéastes amateurs sur smartphone. Combattant la crampe et le tremblement microscopique, ils se cramponnaient à la capture de ce ciel changeant dans un petit écran de qualité médiocre. Le plaisir du feu d’artifice est tout entier dans la surprise de ce qui vient après, dans la fugacité de l’effet lumineux, dans le moment partagé avec des inconnus à la même inclinaison cervicale. Malgré tout, ces êtres pathétiques voulaient retenir un spectacle qui n’était plus que le fantôme de lui-même une fois emprisonné dans leur écran. Je le constatais bien en leur jetant un œil, entre deux panaches de poudre : mes deux inconnus aux bras ankylosés ne pouvaient pas être à la fois dans la magie enfantine du feu d’artifice et dans la surveillance de leur capture. À la fin, ils finirent simplement par comparer la médiocrité de leurs images, chapardées au temps qui fuit.

Les « viveurs » et les « reporters » sont dans un bateau

Nous y sommes, chers compatriotes 3.0 : il faut choisir. Plonger dans une réalité insaisissable pour la vivre totalement dans l’instant sans espoir de la retenir OU devenir le spectateur-transmetteur d’un morceau de vie à capturer, quitte à le vivre à moitié sur le moment. Question de distance ? Question de priorité ?

Certains affirment qu’on perd sa vie à la gagner. Et si un nouveau paradoxe nous enseignait qu’on peut aussi perdre sa vie à force de vouloir la retenir sous forme de mégaoctets ? À moins qu’un génie de la technologie nous donne prochainement le moyen de capturer toutes sensations confondues les meilleurs moments de notre vie pour les revivre ensuite, vraiment et totalement, allongés dans notre caisson virtuel. Pour l’instant, continuez à observer béatement le roulis des vagues en vous demandant si elles sont toutes un peu différentes…

« J’Y ÉTAIS. »
La capture officielle du Festival d’Art Pyrotechnique le 29 juillet 2017 à Cannes 
:

Franchement trop ou juste pas assez ?

inOUI SNCFLes inégalités se creusent et nous vivons des périodes très contrastées. Cela doit être également vrai au pays des slogans. Mon cerveau disponible a été récemment confronté à des propositions diamétralement opposées en matière d’ambition publicitaire. D’un côté, je tombe sur l’affiche Coca-Cola du moment qui me dit « mini can, mini kif » et de l’autre, je ne peux passer à côté de la polémique qui raille (ah ah ah on ne se refait pas), qui raille donc le nouveau nom du service TGV dans sa version « normal + » (si j’ai bien compris) : inOUI. Prenons le train de la discorde un verre de rien à la main…

« Mini can, mini kif »… bref, elle n’en fait pas des tonnes.

Donc, à ma gauche, une campagne d’affichage pour la mini can de Coca-Cola avec un slogan passé par la moulinette de je ne sais combien de comités de direction internationaux au service du soda mondial, pour mettre la barre le plus bas possible : « mini can, mini kif ». Mini, c’est mini quoi. Faut pas non plus trop en demander. Tu as compris ou tu reprends un cornet de frites ? L’important, c’est que tu savoures l’instant avec des bulles dedans. J’étais tout aussi caustique que ça quand mon fils de la génération Z 2000 (environ) a pris la défense des responsables marketing de Coca-Cola, en disant que cela renforçait le côté « c’est un petit plaisir comme ça, sans conséquence », que ce n’est pas une grosse promesse à laquelle on ne va pas croire. À son avis, cela aurait été le cas, si on avait choisi par exemple de dire « mini can, maxi kif ». M’a-t-il convaincue ? Je lui concède l’argument de la modestie, mais je ne suis pas d’accord en matière d’impact publicitaire. Cette affiche a surtout été conçue pour parler visuellement dans toutes les langues à la génération Instagram : la mini-canette est à la taille du cœur formé par les doigts des deux personnes. Point barre et love ton soda. Malheureusement, impossible de retrouver une reproduction de l’affiche sur le web : vous m’en voyez fort désolée ! Voilà pour la partie sucrée.

mini can mini kif coca-cola

InOUI ? Bein non…

À ma droite, une drôle d’approche de la SNCF. La marque TGV a été bâtie sur une promesse très forte, très concrète et très technique : le Train à Grande Vitesse, il va vite. Quoi qu’on en dise, on est dans le concret et le fleuron technologique de la France. Pour prendre le train de la modernité, on appela OUIGO l’offre TGV à bas coûts (rien à voir avec Bakou, en jargon marketing, on dit d’ailleurs plutôt « low cost »). Voici donc que son cousin, le service TGV classique s’appellerait désormais inOUI. Oui, oui, oui… Aussitôt, les réseaux sociaux bruissent de moqueries en tous genres, car il faut le savoir, la SNCF n’est pas une marque comme les autres. Le train est encore considéré comme un service public qui m’appartient aussi à moi, en tant que citoyen. Grèves, retards et polémiques sur les tarifs obscurs prêtent régulièrement le flanc de la SNCF à toutes les critiques. Il faut avouer que donner un nom qui veut dire à la fois «sans exemple, incroyable, extraordinaire »  et « qui dépasse la mesure et qui irrite », il fallait aller le chercher quand on se fait tacler toute l’année. On pourra nous opposer qu’il n’y a pas de tréma sur le deuxième i. Néanmoins, c’est bien le sens de ce mot commun qui restera dans l’oreille du plus grand nombre.#inOUI

Alors que Coca-Cola fait profil bas sans saveur, le rail a-t-il réfléchi au ridicule sur-prometteur de son inOui en français ? Vaut-il mieux promettre la Lune au risque d’être traîné dans le caniveau… ou raser la moquette sans casser trois pattes à un canard ? Je vous laisse faire votre propre jurisprudence… mais la communication, la bonne, doit réussir à trouver le juste équilibre entre l’étonnement qui vous extrait de l’indifférence et le parler juste qui saura vous retenir. Compte tenu de notre surexposition médiatique et de la guerre pour l’attention qui fait rage, ce n’est pas près de changer. Ah… On me dit dans l’oreillette que vous aimeriez savoir ce qu’en pense mon fils… C’est inouï comme vous pouvez être curieux, tout de même !

REBONDS

Sur InOUI, l’avis parmi d’autres de Jean-Marc Lehu, enseignant-chercheur en stratégie de marque (Paris I Panthéon Sorbonne)

-Un rappel sur la stratégie de communication Coca-Cola réinitialisée en 2016

 

Manger est un acte citoyen.

Alain Ducasse, Editions Les Liens qui Libèrent, LLL, Manger est un acte citoyen, gastronomie, écologie, permaculture, Collège culinaire de FranceEn ce 23 avril 2017, vous étiez appelés à accomplir un acte citoyen : celui de choisir entre onze prétendants à l’Élysée. On ne doute pas de son importance, au vu des tensions, incertitudes et défis qui nous guettent. Entre la poire et le fromage, je ne résiste pas à l’envie de vous parler d’un autre acte citoyen aussi anodin qu’essentiel, aussi universel que déterminant : manger, un acte quotidien et non quinquennal. Je viens en effet de dévorer le livre de deux compères qui s’y connaissent en belle et bonne nourriture : Alain Ducasse, le chef globe-trotter qu’on ne présente plus et Christian Regouby, communicant et délégué général au sein du Collège culinaire de France.

Rabâchant dans mon entourage depuis un moment déjà que consommer est devenu un acte éminemment politique, lourd de conséquences sociales et sanitaires, je ne pouvais que savourer « Manger est un acte citoyen ». Pas de livre de recettes, mais un cri d’alarme doublé d’un cri de ralliement : si nous ne voulons pas multiplier les pathologies médicales, économiques et sociales, commençons par arrêter de bouffer n’importe quoi… Lire la suite « Manger est un acte citoyen. »

Au bonheur des fautes

Muriel Gilbert Au bonheur des fautes orthographe VuibertVous n’imaginez pas à quel point l’exigence lexicale peut vous transformer en Don Quichotte qui se bat contre les moulins à fautes. La médiocrité textuelle pourrait nous terrasser si nous n’y prenons pas garde, nous, les professionnels de l’écrit. Connaissant mon implication dans le « Made in French » à titre professionnel, on m’a offert le livre de Muriel Gilbert « Au bonheur des fautes ». L’auteure est une éminente correctrice qui travaille dans un éminent quotidien : Le Monde. Même Bernard Pivot a un immense respect pour cette dompteuse du subjonctif et a chroniqué son livre dans le Journal du Dimanche

Que vous militiez contre le barbarisme ou que, au contraire, vous ne soyez pas encore réconcilié(e) avec le Bescherelle, je vous le recommande. Rien d’austère ou de prétentieux ne vous attend, car Muriel Gilbert réussit à nous faire sourire à chaque paragraphe. Grâce à elle, on plonge en fait avec amusement dans le quotidien du cassetin (compartiment d’une casse d’imprimerie et nom donné aussi au bureau des correcteurs dans la presse). On apprend une foule de choses sur les bizarreries de la langue française tout en se glissant dans les coulisses du métier de correcteur. On mène l’enquête sur l’accord du participe passé comme dans un polar nordique… et on déguste au fil du livre des apartés joliment appelés « Un bonbon sur la langue ».Muriel Gilbert Au bonheur des fautes Vuibert anagramme

Ce livre réussit donc un cocktail étonnant d’érudition savoureuse, d’anecdotes sur le parcours insolite de l’auteure et d’humour tendre sur le chef-d’œuvre en péril de la correction professionnelle.

De la résignation au mépris, il n’y a… qu’un saut de ligne !

Grâce au livre de Muriel Gilbert, j’ai aussi compris que nous ne devons pas nous résigner à la médiocrité linguistique dans les métiers de la communication et de l’information. Je ne peux en effet plus supporter qu’on me dise « Allez, on s’en fiche : de toute façon, personne ne verra la faute. » J’ai mis du temps à analyser ce qui me gênait dans cette posture faussement cool : en fait, c’est son irrespect fondamental mais non assumé. Un irrespect hypocrite et notoire pour les gens qui nous lisent, car c’est partir du principe qu’ils ne méritent pas notre exigence lexicale minimale et professionnelle. Le niveau baisse ma bonne dame et les gueux ne lisent plus, n’écrivent plus, alors on ne va pas en faire une pendule du fait qu’on écrit « quelque temps » et non pas « quelques temps ».

Jeu de dupe déguisé en discipline démodée… 

Eh oui,  l’application des règles du français, ce n’est pas hype en 2017. Ce qui est tendance, c’est d’être à la pointe de l’innovation, de réinventer les règles et de dire m… à ce qui est bêtement marqué dans un Bled. Seul l’ « orthobashing » sur les réseaux sociaux façon BescherelleTaMère peut éventuellement rendre tendance une exigence qui sent la vieille craie des hussards de la IIIe République. Il faut dire que le faux alibi de l’écriture SMS et la réforme de l’orthographe qui concède lâchement la cohabitation d’une ancienne et d’une nouvelle écriture ne font pas avancer la cause. Comme le rappelait récemment Bernard Pivot dans une interview, rien de mieux pour discréditer insidieusement une discipline que de flouter ainsi ses principes. Accepterait-on qu’en maths, 2 et 2 puissent faire éventuellement 5 ? On a les priorités qu’on veut bien se donner. Mais le laxisme orthographique ne serait pas scandaleusement hypocrite si le respect de ces règles ne servait pas ensuite à trier les lettres de motivation…

Pour finir sur un clin d’œil , il y a quand même un détail qui m’interpelle : Muriel Gilbert aurait-elle eu la fantaisie de laisser traîner une coquille pour titiller notre sagacité ? À la page 121, on peut lire en effet l’expression « de temps un temps ». Cette filouterie non dénuée d’élégance viserait ainsi à nous hisser un instant seulement au niveau d’attention du correcteur émérite, comme si on réussissait pour une fois à soigner son propre médecin… Un bref instant seulement.Muriel Gilbert Au bonheur des fautes Vuibert

REBONDS :

Le blog de Muriel Gilbert

Un petit extrait…Muriel Gilbert Au bonheur des fautes orthographe Vuibert

Aussi longtemps que dure l’amour…

Aussi longtemps que dure l'amour, Alain de Botton, Flammarion
Ici gît une rose de la St Valentin momifiée.

Maintenant que la Saint-Valentin est passée, on va pouvoir parler d’amour, celui d’origine contrôlée sans additif romantico-sirupeux à effet illusoire. C’est un peu l’objet du livre Aussi longtemps que dure l’amour signé Alain de Botton. Alors que les contes de fée se terminent lâchement par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », l’auteur nous invite à une visite guidée très particulière : celle des années qui vont suivre LA rencontre. Ici pas de recette du bonheur à l’américaine, pas de psychologie prête-à-tout-résoudre, mais une réflexion d’une lucidité épatante au fil d’une trame fictionnelle en compagnie d’un couple « ordinaire ». Tout ce que vous vouliez savoir sur l’amour, sans jamais imaginer que c’était donc cela… Lire la suite « Aussi longtemps que dure l’amour… »

Comment la PDM va détrôner la bonne résolution…

bonne-resolutionComme vous le savez sûrement, la civilisation occidentale s’est mise en mode start-up (du nom des jeunes pousses entrepreneuriales qui rêvent toutes de devenir le prochain Google). Bref, il faut constamment innover en toute agilité, sinon on tombe de vélo. Pour accompagner tous les bons vœux qui doivent présider à ce premier billet de 2017, j’ai donc décidé de m’y plier : je lance la PDM. Même pas la peine de faire une levée de fonds. Le fond, je l’ai déjà. C’est la forme du packaging qui manque le plus. Donc la PDM… Car, oui, les bonnes résolutions étant d’un convenu qui confine au ringard, il était temps de réagir, enfants du XXIè S. triomphant. Tout va trop vite et on condense pour être toujours au top. Tout nous pousse à faire équipe avec nous-mêmes pour relever le défi constant du mieux-être. Tout est « esthétique du moi » face à la pression de la réputation, sur les réseaux sociaux ou dans les apéros de voisinage. Il est donc venu le temps de la PDMLire la suite « Comment la PDM va détrôner la bonne résolution… »

Mangez-en !

pub-barillaAu secours. Je suis à deux doigts de créer la Société Protectrice des Idées Créatives : la bien nommée SPIC qui se piquerait justement d’embellir coûte que coûte le quotidien avec malice, de nous chatouiller avec de l’humour ou d’indemniser nos 10 secondes d’attention forcée avec de l’intelligence. Qui t’es toi Barilla pour me déranger avec ton affiche et penser que me dire juste « Découvrez mes pâtes machin » allait suffire à faire émerger le début de l’envie du désir de la curiosité ?
Amis de la belle accroche publicitaire, de la poésie marketing qui entre en résonance avec l’inconscient collectif, du slogan-dicton à deux balles qui va rester dans les mémoires, l’heure est grave. Il faut entrer en Résistance. Il y a des dir’com au ras des pâquerettes qui nous font honte. Ils jouent la platitude du message pour espérer ne surtout pas émerger. Ils ont oublié que pour séduire, il faut commencer par étonner, sortir du brouhaha, illuminer la grisaille. Alors voilà, les chevaliers sans tête de la Guilde de l’Impératif ont encore frappé. C’est bien connu : l’impératif, c’est rudement dynamique et il suffit de parler aux consommateurs à l’impératif pour qu’ils s’exécutent comme dans une dictature qui leur aurait lavé le cerveau. À ce rythme-là, n’importe quelle intelligence artificielle va pouvoir rédiger au kilomètre des slogans qui commenceront tous par « Faites… », « Découvrez… », « Essayez… », « Goûtez… »…  À ce rythme-là, ce ne sont pas des SDF morts de froid qu’on va retrouver dans les abribus mais des consommateurs morts d’ennui à force de voir des affiches ânonnant les mêmes types d’injonctions.

Face à cette affiche, j’ai imaginé la réunion qui a scellé son destin et l’envolée finale en rase-motte : « Bon, c’est bien gentil votre idée-là, mais en fin de compte, j’aimerais qu’on revienne à l’essentiel de notre produit. Vous savez, les gens ont besoin de simplicité, surtout ceux qui mangent des pâtes. Le bio, c’est sans bla bla, sans pesticides et sans tourner autour du pot de sauce tomate. On n’a qu’à mettre « Découvrez les Pâtes Barilla Bio » et une belle assiette de pasta. C’est bien ce qu’on veut dire au fond, non ? »

En tant que conceptrice-rédactrice publicitaire, je fais un vil métier, mais j’y mets un minimum d’honneur : respecter l’attention du consommateur en lui offrant autre chose que la platitude absolue dans un monde où chacun cherche l’étincelle. Alors, sache-le Barilla (j’espère que tu apprécieras l’emploi de l’impératif…), je ne suis pas près de les « découvrir » tes pâtes.

Préparation cognitive pour 2017

2017-lectures-citoyenÇa y est. On convoite encore nos voix. De la litanie des promesses creuses, usées ou intenables à la farandole des petites phrases qui relèguent le débat d’idées aux calendes grecques, on n’a pas fini de passer à côté de ce qui importe vraiment pour notre avenir. Notre temps de cerveau disponible étant limité, il convient de trouver un savant dosage informationnel qui ne se limite pas à des heures de politique-spectacle… l’auscultation des programmes étant tout aussi indispensable. Plus que jamais, nous devrions aussi nous forcer à alterner la lecture de titres de presse aux opinions divergentes. Plus que jamais, nous devrions découvrir des avis d’économistes contrastés sur des sujets pleins de chiffres et pourtant beaucoup moins consensuels qu’il n’y paraît. Plus que jamais, nous devrions ouvrir le champ sans écouter le chant des sirènes du « there is no alternative ». Face au bourrage de crâne qui ne fait que commencer, je dégaine une petite liste de 4 livres aux indications thérapeutiques différentes… Lire la suite « Préparation cognitive pour 2017 »

J’accuse… un retard.

retard SNCF, accuser un retard, expressions
CC Pexels

Les idées de billets tombent du ciel… ou parfois du train. J’ai eu l’idée de celui-ci en croisant, sur un écran de ma gare préférée, cette sobre annonce : « En raison d’un problème de signalisation, le train 3101 accuse un retard. » Restons calmes : à ma connaissance, aucun train ne se prend pour Émile Zola, défendant le capitaine Dreyfus. Explorons donc fissa les entrailles de cette étrange expression qui ne manque pas d’air… Lire la suite « J’accuse… un retard. »

L’illustrateur Clod fait la une de la rubrique Faits-Divers

Yvette Sisyphe en pleine action dans les corons...
Yvette Sisyphe en pleine action dans les corons…

Oyez braves gens ! L’illustrateur avec lequel j’ai commis le livre C’ETAIT MIEUX DEMAIN récidive avec un nouvel opus : « LE CALVAIRE DE MAMIE YVETTE ET AUTRES FAITS-DIVERS ILLUSTRÉS», une galerie de 50 illustrations qui rebondissent sur le titre d’un véritable fait-divers narré dans le quotidien Le Parisien… Tout un programme autour de notre comédie humaine où l’incroyable fleurit au beau milieu de l’ordinaire. Comme Didier Decoin ou bien d’autres, l’illustrateur Clod a toujours été intrigué par les faits divers, ces morceaux de dramaturgie improbables. C’est souvent dans le titre qui précède la brève que se concentre tout le pouvoir d’intrigue et d’attraction. Les faits-divers rocambolesques étant rarement pourvus d’une photo, l’illustrateur Clod laisse venir l’image et fait fuser les effets et les couleurs rien qu’à la lecture du titre. À chaque double-page, on a une nouvelle preuve que l’illustration, c’est d’abord un regard avant d’être une image…

crptzz3wiaehlb9 Il y a un autre régal pour l’esprit sur chaque page de gauche : un événement quasi-contemporain du fait-divers en question y est également mentionné, venant apporter un clin d’œil supplémentaire, en contrepoint.

Si vous êtes dans la capitale pour le week-end des Journées du Patrimoine, ne manquez pas ce monument : Clod dédicace son nouveau livre le samedi 17 septembre à partir de 17 h au Café Martin, dans le quartier Gambetta (Paris XXe).

cruz0n4wyaaf61w

crptqlqweaahstz

 

 

 

 

 

 

Pour commander votre exemplaire directement à l’illustrissime, vous pouvez aussi le contacter sur Twitter ou Facebook

En attendant, trinquons à la santé de Mamie Yvette qui a bien du courage… et qui nous a déjà abreuvés de sa philosophie anti-jeuniste dans un billet précédent. Mais est-ce vraiment la même Mamie Yvette ? Les enquêteurs sont sur le coup.

NWX Summer Festival 2016 : un web d’avance ?

NWXSF16 Rouen digitalUn ancien entrepôt à Rouen, transformé en salle de concerts dédiée aux musiques actuelles : voilà l’endroit post-industriel idéal pour interroger la digitalisation du monde pendant 4 jours de conférences, d’ateliers, de hackathon… et de DJ sets. Comme le 106 (oui, c’est le nom du lieu) est en bord de Seine, les parisiens pourraient même venir en péniche ou en hors-bord. Le Summer Festival des NWX (pour Normandie Web Xperts) , c’est un peu le mojito des neurones avant la trêve estivale : 1/3 convivialité de l’organisation, 1/3 fraîcheur des idées, 1/3 acidité pour dézinguer les poncifs. Une façon de ne pas se prendre au sérieux quand on a les doigts dans la fibre. Imaginez qu’on soit en train de vivre une époque de basculement comparable à la Renaissance, où le numérique fait bouger les lignes en créant autant de tensions que d’émerveillement, il ne faudrait pas passer à côté en restant techno-naïf tendance œillère 2.0. Donc, en fait, comme me le rappelait son président Thierry Samper, l’idée du NWX Summer Festival, c’est de faire « un pas de côté » avec des chercheurs, des entrepreneurs, des philosophes, des entrepreneurs, des sociologues etc. pour bousculer les certitudes et interroger les consciences.Thierry Samper NWXSF16

Pour la deuxième année consécutive, je voulais en être… et je n’ai pas été déçue de la journée que j’ai pu voler au flux professionnel. Impossible ici de transmettre la substantifique moelle des 11 interventions de la journée. Voilà ce qui a le plus retenu mon e-attention personnelle… Lire la suite « NWX Summer Festival 2016 : un web d’avance ? »

« La Petite Histoire » : anecdotes dans le bon ordre.

La Petite Histoire Didier Chirat LibrioLe saviez-vous ? Il paraît qu’à l’Éducation Nationale, le Dieu Cronos a du mou dans sa flèche. L’enseignement chronologique de l’Histoire serait doucement remplacé par une approche « thématique ». Un inspecteur académique a expliqué à une amie enseignante qu’il ne fallait plus aborder les sujets de façon chronologique, même en Histoire des Arts, car, devinez quoi… la jeune génération n’intègrerait pas cette notion ! Consternation, mon cher Gaston. Colère de mère, mon cher Clotaire. On a dû mettre quelque chose dans les biberons qui leur a bousillé la zone de la chronologie. Donc on se retrouve si j’ai bien compris avec des briques thématiques qui flottent dans le passé… et que les gentils crétins de la génération Z pourront, s’ils ont de la chance, remettre dans l’ordre avec des parents cultivés qui les emmènent au musée ? On va encore dire que je ne fais pas d’effort, alors que c’est pourtant évident. Ils ont du mal avec la chronologie ? On n’a qu’à faire comme s’il n’y en avait plus. Ils ont du mal avec l’orthographe ? Et hop, on dit qu’on s’en fiche… jusqu’à la première lettre de motivation à rédiger pour trouver un job. Quoi encore ? Ils n’arrivent pas à tenir la porte à la personne suivante dans le métro ? Pas grave, on va mettre des portes qui s’ouvrent toutes seules. Ok. Ok. Je me calme. Alors forcément, je dois vous le dire : quand j’ai ouvert le livre de Didier Chirat « LA PETITE HISTOIRE – 20 moments méconnus mais décisifs de l’histoire du monde », j’ai poussé un petit ouf de soulagement. Le premier chapitre qui concerne la défaite de Xerxès 1er, le roi des Perses, est bien placé avant le fantôme d’Ann Boleyn : les chapitres sont classés gentiment… dans le sens de l’Histoire. Lire la suite « « La Petite Histoire » : anecdotes dans le bon ordre. »

Pouvons-nous tous être créatifs ?

pexels-photo
CC0 pexels.com

Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je dis parfois « Je fais de mon mieux. »… mais je finis toujours par confier la vérité : je suis « créatif publicitaire ». Pour les interlocuteurs les plus éloignés de ce domaine d’activité, la question surgit rapidement : « Mais vous faites comment pour avoir des idées et être créatif tout le temps, pour ne pas sécher ? » J’explique que, comme pour beaucoup de choses, on fait travailler un muscle de plus en plus entraîné… et on ne s’autorise pas à ne pas trouver. « Pouvons-nous tous être créatifs ? » Bizarrement, je crois que je ne m’étais jamais vraiment posé la question en ces termes. Le philosophe Charles Pépin l’a mise au programme de son cycle Lundi Philo, ce lundi 9 mai de l’an de grâce 2016, au cinéma MK2 Odéon, devant une salle aussi comble que remplie de questions… Vous pensez bien que j’y étais.

Lire la suite « Pouvons-nous tous être créatifs ? »

Du côté de chez Mesdemoiselles Madeleines

Mesdemoiselles Madeleines, Marcel Proust, Madeleine
Marcel, si tu passais rue des Martyrs, tu serais fou…

Pauvre Marcel Proust ! Une œuvre immense comme une forêt… et néanmoins cachée par une petite pâtisserie : la madeleine. Car, oui, on ne va pas se mentir : les personnes qui ont vraiment lu « la Recherche » sont bien moins nombreuses que celles qui aiment faire référence à la Madeleine de Proust qu’on trempe dans le thé, comme un sésame de la mémoire émotionnelle. Peu de gâteaux ont d’ailleurs un pedigree aussi classieux et cultivé. À l’instar de la tarte Tatin, la fameuse Madeleine devrait son origine à la faveur d’un déboire en cuisine : elle aurait été créée en Lorraine, au milieu du 18e siècle, à Commercy. Suite à l’abandon des cuisines par le pâtissier lors d’un diner officiel, une certaine Madeleine Paulmier joua les pompiers et servit le gâteau qui nous occupe au prince régent de Lorraine, le duc Lesczynski.

Imaginez la postérité de Madeleine qui, depuis lors, se fait tremper gentiment dans le thé, qui vadrouille dans les cartables… après être entrée au Panthéon de la littérature sous la plume d’un dandy souffreteux, ce cher Marcel. Quel parcours… Sur LinkedIn, c’est « expert absolu ».

Morceau de bravoure à la gloire de la pâtisserie et de la littérature, la Madeleine continue à titiller les talents créatifs. En voici pour preuve, une boutique pas comme les autres qui décline le plaisir de la Madeleine avec de nouvelles recettes, sucrées mais aussi salées : Mesdemoiselles Madeleines

Lire la suite « Du côté de chez Mesdemoiselles Madeleines »

Vouloir, c’est pouvoir ou… « Ma Vie en Mieux » !

Gretchen Rubin Ma Vie en Mieux Flammarion changer
Avec Gretchen Rubin, on cherche le muscle qui agit sur nos bonnes habitudes…

Même si rien n’a fondamentalement changé entre le 31 décembre et le 1er janvier, vous vous êtes peut-être acheté deux ou trois bonnes résolutions pour 2016. Vous êtes comme ça vous : en décembre, ça sent le sapin ; en janvier, on repart du bon pied. « Reloading », comme on dit dans les milieux connectés. Là où vous ne comptiez plus sur personne pour relever le défi comme Hercule, une femme d’exception peut vous aider : Gretchen Rubin, cette ancienne juriste à la Cour Suprême des États-Unis est partie à la recherche des lois qui régissent la façon dont nous adoptons les habitudes qui jalonnent notre vie quotidienne. Je l’avoue : elle m’a beaucoup impressionnée par sa détermination de scout à débusquer les secrets de notre volonté sur nous-mêmes. Alors, êtes-vous « Petit Soldat », « Pinailleur », « Oblatif », ou « Rebelle » ? Lire la suite « Vouloir, c’est pouvoir ou… « Ma Vie en Mieux » ! »

Au secours… j’ai tout prévu !

Je viens d'inventer le feng shui de la sortie de secours...
Je viens d’inventer le feng shui de la sortie de secours…

Dernière minute : ce billet a été publié quelques heures avant les terribles attentats coordonnés à Paris… il n’y a donc aucune ironie post-traumatique dans le billet ci-dessous. Une malheureuse coïncidence que seuls les pires vendredis 13 peuvent inventer…

Franchement, je n’y connais pas grand-chose en feng shui. Il paraît qu’il y a des ondes d’énergie qui parcourent nos habitations… moi, je veux bien, car c’est aussi plausible que le Wi-Fi finalement. Mettez un ado dans une maison sans Wi-Fi par exemple. Il présente des symptômes très nets de dépérissement qui ne seront aucunement soignés par l’acupuncture… mais par une seule chose : le retour de la connexion divine. Donc, en fait, si les ados sont aussi sensibles que cela à l’absence d’ondes Wi-Fi, c’est bien que l’ensemble de l’espèce humaine peut également être sensible sans le savoir aux dysfonctionnements qui peuvent affecter la circulation des ondes du chi. Oui, le chi ou qi. Ne me regardez pas de cette façon, comme si je parlais ch’ti à quelqu’un de la Canebière. Le chi, c’est le souffle vital environnemental que se propose d’optimiser cette fameuse discipline asiatique appelée feng shui. Le chi s’évalue entre autres grâce au principe dual du yin et du yang. Sa bénéfique circulation est également favorisée ou contrariée par l’utilisation des cinq éléments que sont le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau… reliés eux-mêmes aux matériaux de nos éléments de décoration ainsi qu’aux couleurs qui égaient ou pas notre intérieur. Je vais m’arrêter là définitivement pour le côté « Le feng shui pour les trop nuls », rassurez-vous. Je voudrais plutôt vous confier un ensemble de loufoqueries personnelles liées à un micro-déménagement professionnel dans un open-space où j’avoisine assez directement… la sortie de secours. Tout de suite, allez savoir pourquoi, j’ai trouvé ça très feng shui. Imaginez… Lire la suite « Au secours… j’ai tout prévu ! »

Vous êtes fous d’avaler ça !

Estomacs solides, à vos armes !
Estomacs solides, à vos armes !

Vous buvez du thé vert de Chine parce que c’est plein de bons antioxydants ? Vous risquez surtout de siroter des pesticides. Vous adorez le paprika en poudre et vous en mettez même dans les yaourts ? Vous avez pu ingérer sans le savoir des crottes de souris broyées ! Les tomates moisies dans le coulis, vous vous dites que ça se sentirait forcément au goût ? Vous sous-estimez les talents des magiciens de la malbouffe. Vous êtes persuadé que le miel est toujours fabriqué à 100 % par des abeilles ou qu’il y a des vraies fraises dans toutes les confitures de… fraises ? Votre naïveté s’étale au grand jour en même temps que sur la tartine. Heureusement, grâce au livre-choc « Vous êtes fous d’avaler ça ! » de Christophe Brusset, l’ingénieur agroalimentaire dégoûté qui brise la loi du silence, vous allez être déniaisé et édifié ! Matières premières avariées, substituts inavouables mais tellement moins chers, chantages aux déréférencements, embrouille sur les provenances, contrôles sanitaires insuffisants… l’idée majeure, c’est de faire le plus de marge possible sans aucun scrupule pendant que vous achetez les yeux fermés. Heureusement que les pointes d’humour de l’auteur assaisonnent le frichti pour éviter de vomir tout de suite de colère. On nous prendrait donc définitivement pour des c… ? Lire la suite « Vous êtes fous d’avaler ça ! »

Vous aimerez peut-être cette sujétion.

 Suis-je un algorithme ?
Suis-je un algorithme ?

Jean d’Ormesson a raison : la langue française est formidable. À partir de deux étymologies différentes, elle a créé deux homonymes qui nous tendent un piège : suggestion (du latin suggestio qui veut dire ajouter) et sujétion (du latin subjectio qui veut dire soumettre). L’un nous laisse croire que les conseils sont gratuits et dénués d’influence… alors que l’autre avance clairement avec le glaive de l’autoritarisme à la main. Ne partez pas : ce n’est pas la séance du dico à l’Académie Française… Non, en fait, ce qui est formidable, c’est que la révolution numérique et ses nouvelles habitudes nous amènent à chatouiller un nouveau lien secret entre ces deux mots… Lire la suite « Vous aimerez peut-être cette sujétion. »

Le Journal Impubliable est une perle.

Eliane Saliba Garillon Journal Impubliable de George Pearl arléaVoilà une lecture estivale que je voudrais vous faire partager… mais je vous arrête tout de suite : je n’ai pas lu ce livre au bord de la piscine avec un mojito et un paréo, pas plus que cachée dans un bosquet de buis… c’est donc un vrai fiasco pour le cliché aoutien. Tant mieux.

On parle beaucoup en ces temps obscurs des livres « feel good » qui auraient un effet plus certain que bien des anxiolytiques . Je n’arrive pas à le placer dans cette catégorie opportuniste, mais c’est un livre qui fait paradoxalement du bien… grâce à un personnage qui n’a justement rien d’un optimiste ! Il nous évite en tout cas le côté « sucrette positive » que je supporte de moins en moins.

Sur la couverture du deuxième roman de Eliane Saliba Garillon, je suis d’emblée bien accueillie par un de mes illustrateurs préférés. Voutch a en effet croqué, sans légende cette fois-ci, ce qui pourrait résumer le personnage principal : un sacré chardon à approcher avec prudence. Mais au-delà de la couverture de ce « Journal Impubliable de George Pearl » ? Lire la suite « Le Journal Impubliable est une perle. »

350 tonnes de mégots à Paris, ça chiffre…

Un essaim ? Une termitière ? Que nenni du mégot de Paris, Valéry !
Un essaim ? Une termitière ? Que nenni : du mégot de Paris, Valéry !

Récemment, j’ai assisté à une conférence au collège de notre fils. Oui, c’est plus fort que moi, j’adore écouter des gens qui savent des trucs que j’ignore encore. Un éminent professeur en toxicologie nous a appris que le nombre de décès directement imputables au tabagisme (73 000 par an) représentait l’équivalent d’un krach de Boeing par jour. Voilà une image qui vous bouche illico les alvéoles pulmonaires. En même temps, je vous connais : avec votre soif du spectaculaire, si on vous annonçait tous les jours qu’un Boeing rempli de fumeurs s’est écrasé dans un cendrier, vous deviendriez complètement blasé et vous oseriez dire « Oh c’est bon maintenant, c’est encore pareil qu’hier ». Pourtant, niveau spectaculaire, un Boeing chaque jour, ça relativiserait presque les dommages collatéraux des pilotes de l’air dépressifs…

Donc, un petit matin frisquet, je croise un camion poubelle bien vert sur une artère parisienne, surveillé par des employés municipaux… en train de s’en griller une. Il porte cette affiche ci-dessus qui m’interpelle, avant même d’avoir siroté mon arabica Caméra Café à 25 centimes. Oui, parfois je m’étonne, car aussitôt, je me dis comme ça, sans caféine dans les veines : «  Mais comment qu’ils ont fait les employés de la Propreté de Paris pour peser tous ces mégots ? » Ils ont un pèse-mégots dans la benne. Ou alors, ils ont encore inventé une appli pour ça… Lire la suite « 350 tonnes de mégots à Paris, ça chiffre… »

Perdre un enfant, « ça ne se dit pas »…

Une pétition pour faire naître un néologisme...
Une pétition pour faire naître un néologisme…

Quand j’ai passé mon bac de philo, j’avais choisi un sujet qui posait à peu près cette question : « Notre pensée est-elle prisonnière de la langue que nous parlons ? » Depuis, j’ai toujours… pensé que l’on pensait avec la richesse de son vocabulaire. Celui-ci permet d’approcher des nuances qui alimentent une réflexion plus complexe, que les finesses de la formulation peuvent rendre compte de situations aux facettes multiples, d’une infinité de nuances de gris. J’ai toujours senti que quelque chose qui ne se désignait pas clairement n’était pas tout à fait « pensable »… et j’ai fini par constater que la bataille des « éléments de langage » en politique, en communication ou ailleurs était la vraie bataille des consciences. Le choix des mots peut vous retourner le cerveau. Alors, quand j’ai lu le récit de Marie dans Psychologies Magazine d’avril, j’ai compris ce qu’elle entendait par être « mot-dite »…

Lire la suite « Perdre un enfant, « ça ne se dit pas »… »

1 kg de culture générale ? Y’a plus… Je vous le laisse ?

Une erreur dès la couverture...  assez vite pardonnée.
Une erreur dès la couverture… assez vite pardonnée.

Certains lancent des pavés dans la mare. D’autres ont la nostalgie des pavés sous la plage. Moi, j’ai mis un pavé sur la table basse. Oui, j’y ai posé ce pavé intitulé « 1 kilo de culture générale ». La réponse iconoclaste à ceux qui veulent tout dématérialiser et laisser penser que puisque tout est sur la Toile, il suffit de ne rien savoir pour l’avoir toujours à portée de main. Inquantifiable, insoupçonnable et pourtant éminence grise de toutes vos prises de position, la culture se la joue générale. Elle se dit générale pour mieux cimenter notre socle commun. Mais, dans notre bonne société égalitaire, la culture se la joue sournoise… Lire la suite « 1 kg de culture générale ? Y’a plus… Je vous le laisse ? »

« Être Charlie », ça vient de loin…

 

De l'encre, du sang et des larmes. La contribution de l'illustrateur Clod (alias Alex Formika)
De l’encre, du sang et des larmes. La contribution de l’illustrateur Clod (alias Alex Formika)

Vous avez cru quoi ? Vous avez cru qu’on ne bougerait pas, fatigués par nos agapes au milieu d’enfants gâtés, repus de galettes des rois et avides de soldes frénétiques ? Vous avez cru qu’on avait juste enterré Voltaire, Emile Zola et Jean Moulin sous une belle coupole pour créer une énième attraction touristique ? Vous avez cru qu’on avait oublié les invasions barbares, les délires de l’Inquisition, la St Barthélémy, le couperet de la guillotine, le bruit des bottes pendant le couvre-feu, les chambres à gaz… (et ma liste est pleine de trous) ? Vous avez cru qu’on se foutait de la liberté d’expression parce qu’on n’a plus rien à dire ? Vous n’avez pas compris qu’après tous ces siècles à brandir des certitudes, nous n’avons trouvé que la liberté d’expression pour nous prémunir des abus de pouvoir. Si tout peut être dit, tout peut être dénoncé. C’est notre seul rempart contre le retour du totalitaire… C’est le contrat de la République laïque. Nous préférons les abus de libertés aux abus de pouvoir. C’est un choix et un combat sans fin, alors que nous sommes empêtrés dans nos contradictions et nos différentes conceptions de la liberté. Que les paradoxes sont notre quotidien à l’heure où des lois antiterroristes un brin liberticides sont mises en place pour protéger… nos libres démocraties. Que nous cultivons aussi bien la « flicophobie » de bon ton que le besoin de super-héros qui assurent notre sécurité. Que l’ultralibéralisme qui porte mal son nom et qui a la religion du chiffre peut finir par dévoyer cette fameuse Liberté éclairant le monde. Nous n’avons pas besoin d’être convaincus à 100 % par les prises de position d’un journal satirique pour lui laisser combattre les idéologies perfides, les intégrismes dangereux, comme les préjugés confortables des bien-pensants.

Vous avez cru qu’on pouvait prétendre au paradis les mains pleines de sang ? Nous, nous croyons que, même si le paradis existe, notre combat, c’est d’éviter de retourner en enfer ici-bas.

Les liens qui libèrent dans Courrier International :

> »Fini de rire » ou la résistance des dessinateurs de presse

>La parole de l’écrivain algérien Kamel Daoud « A nous de décider quel monde nous voulons »

Et si vous écriviez des papillotes de Noël ?

Vous avez un message...
Vous avez un message…

Un micro-trottoir dont le Petit Journal de Canal + a le secret nous a montré des emmitouflés consternants qui ne savaient pas répondre à la question « En quelle année est né Jésus ? ». Ceux-là n’iront sans doute pas à la messe de minuit. Peut-être chercheront-ils encore le 24 au matin, non pas la réponse à cette question, mais le camion de combat des Tortues Ninja ou un collier pour la Tante Sidonie qui n’était pas prévue. On a tout dit sur l’orgie commerciale de décembre, l’éternel retour du kitsch, l’œil pétillant des enfants gâtés, le problème éthique du mensonge autour du monsieur rouge, les élans de solidarité qui réchauffent, la consécration de la famille avec sa trêve des engueulades au nom de l’esprit de Noël, nom d’une bûche… Plaisir d’offrir et joie de recevoir sont à leur apogée rutilante. J’en vois qui font du shopping pendant trois semaines en se régalant de leurs choix, en élevant le paquet-cadeau au rang d’art, en confondant le réveillon avec les jeux olympiques de la gastronomie. J’en vois en revanche qui font semblant de rien dans le style « vivement janvier qu’on n’en parle plus », qui s’indignent de ce délire mercantile auquel on échappe difficilement et qui, décidément, ne digèrent pas la torture institutionnalisé du foie gras.

Je propose un petit geste en marge de la société marchande qui peut les réconcilier : la papillote à message. Du chocolat comme il se doit, mais pas que. Une fantaisie qui accompagnera le grand déballage des cadeaux, aux enjeux affectifs et financiers bien trop gigantesques parfois. On la pose sur la table du réveillon en guise de marque-place…et on trouve un complice qui lancera l’ouverture en disant : « Tiens, tiens, il y a un message très personnel à l’intérieur. » Je vous en conte le principe.

Autour d’un chocolat, j’enroule une bandelette de papier sur laquelle j’aurais écrit une phrase à offrir, un clin d’œil tendre, en hommage à notre lien de famille indéfectible ou à la contingence magique de l’amitié. Je pose les deux sur un rectangle de papier cadeau, sobre, excentrique ou rutilant, c’est selon l’envie les amis. Je referme et je tortille de chaque côté pour former la papillote. J’ajoute une étiquette qui portera le nom de l’intéressé : détail très important car, vous l’aurez compris, les messages ne sont pas interchangeables mais terriblement personnalisés. Inutile d’en faire des tonnes : on peut rappeler un fou rire, faire une blague ou donner dans le compliment sincère…. Les mots aussi sont des cadeaux.

Ailleurs Décoration, le magazine rêvé.

Emménagez page 32 sans faire et défaire les cartons.
Emménagez page 32 sans faire et défaire les cartons.

Mais pourquoi est-ce que j’achète de temps en temps un magazine de déco alors que je n’ai pas de grand projet de rénovation et un budget décidément ridicule à claquer chez les meilleurs designers ? Voilà une question qui me démangeait comme une chaise recouverte de toile de jute, alors j’ai fait un peu d’introspection en tournant les pages de papier glacé… Cadet Rousselle a trois maisons, donc j’imagine que lui il peut s’abonner à Joie & Décoration et Very Maison, mais si vous avez un appartement F3, c’est vite décoré et on ne change pas de coussins tous les quatre matins. C’est comme le luminaire Kilétrobo à 2 399 €, nombre d’entre nous ne l’accrocheront au plafond que pour la semaine des quatre jeudis. Alors quoi ??? Lire la suite « Ailleurs Décoration, le magazine rêvé. »

Taxe rose : c’est bien notre genre de payer trop…

Il est certes parfois rasoir de se faire plumer de la sorte.
Il est certes parfois rasoir de se faire plumer de la sorte.

Si vous n’avez pas encore coupé le poil qui vous relie à l’actu, vous avez sans doute entendu parler ce mois-ci d’une certaine « taxe rose ». Une association féministe a alerté les pouvoirs publics après avoir constaté que certains produits de consommation « genrés » étaient étonnamment plus chers dans leur version féminine alors que les caractéristiques du produit le justifiaient difficilement. L’exemple qui a été le plus cité est celui des rasoirs jetables. Donc là, c’est comme si Georges Sand et Madame Jourdain prenaient tout à coup leur premier cours de marketing… Lire la suite « Taxe rose : c’est bien notre genre de payer trop… »

Le distributeur de livre-surprise

sérendipité - livre-surprise
Photo fastcoexist.com

À Toronto, une librairie a installé un drôle de distributeur : contre 2 dollars, BIBLIO-MAT vous délivre un livre-surprise. Pas un truc immonde en plastoc dans un œuf en chocolat, non un livre en vulgaire papier. La librairie en question fait parler d’elle avec cette machine improbable au look carrément vintage. Elle en profite aussi de cette façon pour écouler des livres d’occasion ou d’arrière-étagère qui ont plus de mal à trouver preneur que les best-sellers, même chez les rats de bibliothèques. Moi, j’aime beaucoup cette idée, parce qu’elle réintroduit dans la jungle prévisible de la personnalisation une notion totalement aléatoire de sérendipité. Mettre 2 euros comme on joue au casino intellectuel et faire une découverte… qui n’est en rien adaptée à mon profil Facebook ou mes dernières recherches Google dans les 3 semaines précédentes. L’anti-profilage couplé au hasard total de la rencontre fortuite. Le sel de l’aventure moléculaire dans un monde de coïncidences. Une sauvagerie quantique qui a échappé à la matrice. Pic nic douille, vive la lecture imprévisible qui fait la nique à tous les « Vous aimerez peut-être… » Quel frisson !

>> pour en savoir plus assurément sur cette machine (dans la langue de Shakespeare)

>>pour potasser un brin sur la sérendipité avec Sylvie Catellin

Ni vu, ni connu…

On surveille la grande porte et ça passe par une petite fenêtre.
On surveille la grande porte… et ça se faufile par une petite fenêtre.

L’été indien a fait tomber à l’eau votre envie d’hiberner dans une yourte. Vous avez donc sûrement entendu parler des étudiants de Hong-Kong qui manifestent pour réclamer de vraies élections démocratiques… avec des candidats qui ne seraient pas forcément choisis par le pouvoir en place. Nous autres, enfants gâtés de la démocratie post-Lumières, nous leur envoyons des bonnes ondes, pour nous rejoindre dans le camp des peuples libres à disposer d’eux-mêmes. En même temps, on devrait en profiter pour se souvenir que la démocratie, c’est comme l’amour, on n’a peut-être jamais fini de veiller à ce que ça dure. Je vous dis ça parce que je viens de finir une lecture très dérangeante… Lire la suite « Ni vu, ni connu… »

Pas son genre

Pas-son-genre-emilie-dequenne - Loïc CorberyOn peut le dire : ce n’est pas trop mon genre de me jeter systématiquement sur le livre qui a servi de base au film que je viens de voir… car vu le nombre d’adaptations au cinéma, toutes mes heures de lecture y passeraient. Mais en sortant de la salle où je venais de rencontrer les personnages de PAS SON GENRE, film de Lucas Belvaux, je me souviens avoir déjà eu envie d’en savoir plus sur eux. La rencontre en dédicace avec l’auteur du livre, Philippe Vilain, m’a pour ainsi dire donné le signe du destin pour cette lecture nécessaire. Si vous ne l’avez pas encore vu/lu, je vous résume la problématique comme on dit… François, un jeune professeur de philosophie très parisiano-mondain, se voit muter à Arras, par manque cruel de points. Le voilà donc projeté dans l’ennui consternant de la province septentrionale (point de vue du personnage, on est d’accord…). Ouf, il réussit à grouper ses cours sur deux jours d’apnée et revient vite fait respirer l’air de la capitale intellectuelle. C’est peut-être l’affaire d’une année, ma foi. Ayant quitté une parisienne parce qu’il ne souhaitait décidément pas s’engager, le voici qui erre le cœur vide dans des rues « arrassantes » (mille excuses, c’était trop tentant). Mais son rendez-vous chez le coiffeur va lui donner l’occasion de remplir ce vide par une nouvelle relation amoureuse, avec Jennifer, coiffeuse de profession. Est-ce fait pour durer ? L’aime-t-il vraiment ? Est-ce comme dans les contes de fées où l’amour triomphe de la distance sociale, culturelle et intellectuelle… parce que les bergères qui épousent les princes, c’est vraiment le top du cool ?

Lire la suite « Pas son genre »

Tri subjectif

tri rentréeL’odeur de rentrée devient envahissante et aucun masque ne nous en préservera. Alors, nous avons fait du tri sélectif (admirez le pléonasme qui ne choque plus personne). Nous avons jeté quelques cahiers de CM1 qui survivaient encore discrètement dans un coin… Mon fils a même mis à la corbeille avec détermination le journal intime dont il avait cessé de remplir les pages. Un modèle avec cadenas s’il vous plait pour que les secrets soient mieux gardés. J’ai un gros pincement au cœur en imaginant la benne à ordures emporter sans le savoir ces lambeaux d’enfance, au milieu des épluchures de pomme de terre et des pots de yaourt. Il y a des mues qui sont à ce prix… et des chrysalides désormais superflues.

J’ai aussi préparé un carton pour la déchetterie avec de «l’électronique » atteinte d’obsolescence aggravée. Il est troublant de mettre en parallèle la préciosité de ces objets lors de leur acquisition et leur anéantissement pathétique lors de la première panne irréparable. Il va falloir aussi « transmettre » des livres à la bouquinerie ou au Secours Populaire, car la place manque cruellement dans les bibliothèques. Se demander pour chacun si on y tient, si on le relira un jour, s’il prend de la place pour rien. Trier est un exercice organique qui s’effectue au niveau de l’intestin psychologique. Objets généalogiques, aide-mémoires, tiroirs à souvenirs, poches à foutoirs, greniers à débris… : l’attachement irrationnel que nous avons pour certains objets nous laisse sans argument lorsqu’on essaie de nous les faire jeter. Le distinguo rationnel entre superflu et nécessaire n’existe plus dans ces contrées. Pour l’anéantir, il suffit d’un péremptoire « Parce que c’est lui, parce que c’est moi… ce machin, vois-tu je ne le jetterai pas. »

Mais bon voilà : à chaque changement de saison, votre magazine préféré vous conseille une petite cure de détoxification. Jus de pissenlit, de bouleau ou de radis noir ? Quelle que soit la plante qui sera l’élue de votre instinct nettoyeur, pensez à accompagner la démarche diététique de quelques séances de tri. Le nettoyage mental accompagnera à merveille le drainage physiologique. Dans ce tri désiré ou un peu forcé, vous risquez de déplacer de la poussière. Je ne vous l’ai jamais dit, mais j’ai une fascination poétique pour ce symbole méprisé de la fugacité de toute existence. Un sac d’aspirateur est une chose peu ragoûtante qui invite malgré tout à la méditation (et non à l’inspiration, malheureux). Matière étrange que la poussière qui rend visible à nos yeux aveuglés le délitement aussi microscopique qu’imperturbable de ce qui nous entoure. Cellules mortes, fibres textiles insoupçonnables, micro-miettes et acariens tenaces communient alors dans les interstices de notre quotidien. Entre cette poussière qui vient déjà du passé et l’odeur de cahier neuf, vous vous tenez là, entre la nostalgie du révolu et l’excitation de l’avenir… alors bonne rentrée à tous.

Rebond dans la poubelle…

7 days of garbageConsommer, trier, jeter… : des activités hautement humaines mises en scène par le photographe Gregg Segal pour dénoncer l’accumulation de nos déchets.

Vacances, je vous hais…

vacances

Peine de mort, ISF, corruption des élus, etc. : vous adorez jeter des pavés dans le charbon de bois au moment des brochettes… au risque de vous prendre une chipo sur le coin de la face ? C’est en effet un sport estival qui peut mettre en joie. Avez-vous essayé « Franchement, les vacances, c’est la plaie… » ? Oui, je sais : c’est assez kamikaze avec ce début de bronzage et vos solaires sur le dessus du crâne. Vous faites partie des révolutionnaires en bermuda… Lire la suite « Vacances, je vous hais… »

Déclaration d’indépendance du parfum

Divin'enfant Etat Libre d'OrangeLa singularité devrait toujours être l’essence du luxe. C’est ce qui pousse parfois certains à être originaux à tout prix. Dans le domaine du parfum, il est par exemple assez désagréable et fort troublant de croiser l’odeur du sien dans le sillage de quelqu’un d’autre. On bascule alors dans la fadeur de l’ordinaire. Mon nez intellectuel est donc par principe à la recherche de parfumeurs qui officient en dehors des sentiers battus… question aussi de statistiques de population et de probabilités. Parmi eux, il y a une griffe olfactive qui ne se laisse pas émouvoir par les faux-semblants du packaging ou les clichés usés du glamour. ÉTAT LIBRE D’ORANGE, c’est le nom de ce parfumeur français, est bien loin des jus marketés et consensuels. Son credo : rester furieusement libre et constamment révolutionnaire, comme le symbolise la cocarde qui orne les flacons. Mais pour une amoureuse des mots, le plaisir est aussi dans le nom de baptême des jus créatifs de la maison. A la question « Ça sent bon. C’est quoi ton parfum ?», il faut donc vous tenir prêt(e) à répondre : « Rien », « Putain des Palaces », « Éloge du Traître », « Fat Electrician » ou « Nombril Immense »… Lire la suite « Déclaration d’indépendance du parfum »

Je vous fais un dessin ?

A l’heure où l’image animée occupe mobiles, tablettes et ordinateurs aussi largement et sans doute plus compulsivement que le vieil écran de télévision, la rétine pourrait-elle se lasser ? Elle fait du foie gras de pixels toute la journée… et pour en rajouter une couche, elle adore prendre des photos à tous les coins de rue pour les partager avec la planète sur Picpic&stagram ou Face de Bouc. Plus ou moins réalistes, plus ou moins retouchées, plus ou moins en 3D, plus ou moins allumées, plus ou moins léchées, avec ou sans filtre… la photo et sa copine la vidéo sont partout.

Et si c’était pour ça, que, dans notre paysage urbain, on revoyait fleurir en même temps des campagnes publicitaires dignes d’affichistes, avec… des dessins ! Du beau travail d’illustrateur, qui va du pictogramme signalétique de maestro au calligramme qui donne soif… histoire peut-être de se distinguer dans ce flot quotidien d’images photo-vidéo.

Balade où on trouve à boire et à manger :

salvetat affiche été 2014Salvetat nous la joue très frais et très ensoleillé à la fois, recentré sur la bouteille à la façon d’une réclame, avec en prime un travail de la typographie remarquable. L’œil pétille autant que cette boisson en croisant cette affiche.

campagne RICARD 2014L’eau c’est sympa, mais vous aviez une envie de pétanque pour dégommer de la cigale. Votre œil est intrigué par ces calligrammes à l’anis de la plus belle facture pour la marque RICARD. On voit étonnamment bien la marque dans ce fatras de lettres… qui pourrait orner un mur peint. Présence à l’esprit, force du code coloriel… et rebond ludique pour qui veut lire !

Tout cela vous a donné faim et vous croisez dans le hall de la gare de grands pictogrammes façon pochoir qui, comble de la simplicité et de l’impact, n’ont même pas besoin d’être signés McDonald’s pour être attribués au roi du BigMac et autres hamburgers controversés. Quand on en est là, le réflexe pavlovien peut-il remplacer n’importe quel argumentaire ?

campagne pictogrammes mcdonald'sLe propre de l’illustration publicitaire, mais aussi son défi permanent, c’est de provoquer un choc de nouveauté en imposant son style. Si prendre une trop bonne photo qui fait le buzz paraît à tort de plus en plus à la portée de tout le monde, réussir une illustration talentueuse, parlante et attachante relève encore de la « magie » et renouvelle l’émerveillement. Cela me fait tout à coup penser à l’expression « Il s’est illustré par… » qui veut justement souligner la singularité qui rend fameux. La racine latine illustris signifie « éclairé, mis en lumière ». Que la lumière éclaire aussi brillamment et pour longtemps le talent des illustrateurs…

Merci à @VeroniqueRoyne, vigie des médias et des tendances, qui m’a inspiré ce vrai billet lors d’une de nos discussions « face to face », dans une vraie rue.

La tendance « capuche polaire » en question…

la mode de la capuche polaireL’avez-vous au moins remarqué : la mode de la capuche avec bord en fourrure s’est encore maintenue cet hiver. Parkas et doudounes arborent facilement ce couvre-chef très pratique, qui se moque de la bise et qui sait comme nulle autre vous sauver le brushing si un nuage d’hiver se soulage au-dessus de votre tête. Ce qui reste intriguant, c’est l’aspect intergénérationnel du phénomène : sur le parvis cher aux cadres de Paris-La Défense ou à la sortie des collèges, même mot d’ordre : mets ta capuche…à poils. Les déboires internationaux de l’humanité ne doivent pas nous faire passer à côté de questions aussi essentielles que celle-ci : pourquoi un tel engouement pour la capuche façon « explorateur polaire qui a la moustache qui gèle » ? Permettons-nous plusieurs hypothèses… Lire la suite « La tendance « capuche polaire » en question… »

« Au Grand Rex hier soir, le Roi, c’était bien vous Monsieur Einaudi. »

Grand Rex Einaudi 21 janvier 2014Si j’avais été une musique, j’aurais aimé être un titre de The Divine Comedy, une sonate de Scarlatti ou un morceau de Ludovico Einaudi… la terminaison en i n’étant ici que pure coïncidence. Hier soir au Grand Rex, j’étais donc pour ainsi dire plongée en moi-même, lors du concert de votre tournée « In a time lapse ». Vous étiez là, au piano, en compagnie d’une dizaine de musiciens (violonistes, violoncellistes, percussionnistes, guitaristes…), plongés ensemble dans une troublante semi-obscurité.

Il y a dans vos compositions Monsieur Ludovico Einaudi une forme de mélancolie particulière qui se laisse toujours rattraper par l’urgence. L’urgence de vivre malgré tout pour faire parler son destin ? Instants volés mais figés, aussi fugaces en réalité qu’éternellement vivants quelque part. Quelques notes qui suggèrent les dilemmes de la condition humaine moins maladroitement que de trop longs paragraphes… Des mélodies minimalistes comme nos pulsions de vie, répétitives comme nos obsessions ou nos faiblesses. Il n’y a pas à dire : mon clavier azerty est un peu jaloux des 88 touches du vôtre, Monsieur Einaudi. Ce concert à guichet fermé nous a plongés dans une vague continue. Vu la pénombre entretenue, étions-nous dans la caverne de nos états d’âme ? C’était parfait, car les smartphones étaient ridiculement handicapés pour capter quoi que ce soit de cette beauté instantanée.

Les arrangements pour la scène ont magnifié vos plus grands morceaux en nous les faisant redécouvrir. Les applaudissements en standing ovation d’un public acquis ont accompagné le « bœuf » final telles des percussions improvisées. Cette clôture a achevé de souligner le luxe suprême qui est le vôtre : brouiller les pistes entre exigence classique, audace contemporaine, virtuosités jazz et recherche électro…

Maintenant, je peux vous le dire, une fois remise de mes émotions : merci Monsieur Einaudi pour cette brèche magnifique que vous avez ouverte dans le déferlement constant de médiocrité qui est le nôtre.

Rebonds : le site en italien de Ludovico Einaudi et sa page Wikipedia 

Une année défunte, une de retrouvée.

visite du Père Lachaise
Que l’année 2013 repose en paix.
Crédit photo : @cekabd sur Instagram

Voici donc mon dernier billet de 2013. A l’heure où une joie scintillante et vaine a envahi depuis plus de 15 jours toutes les rues, alors que les papiers-cadeaux ont fini froissés au fond d’une poubelle et que les cartes bancaires sont essoufflées, l’année 2013 va pousser son dernier soupir. Bêtisiers consternants, palmarès des personnalités de l’année et revues de presse mélancoliques sont à l’ordre du jour… mais personne ne se recueille vraiment sur le cercueil entrouvert de cette quasi-défunte année. N’est-ce pas injuste et inconsidéré ? Ne doit-on pas déposer une gerbe sur la tombe de celle que nous avons la chance de voir finir ? En fait, je n’aurais pas penser à tout cela si nous n’avions pas visité en ce 29 décembre le cimetière du Père Lachaise en compagnie d’un guide exceptionnel :  Bertrand Beyern, conférencier, écrivain et « nécrosophe » incontournable. Plus de 3 heures de visites sous un miraculeux soleil d’hiver et sur le thème « Humour noir au Père Lachaise ». Un véritable must, tant les talents de conteur, les réflexions philosophiques et les connaissances de cet expert valent le détour dans cette nécropole escarpée. Si vous n’avez pas pu finir l’année en beauté dans les allées du cimetière le plus visité, vous pourrez aisément vous rattraper en 2014 : je vous donne le lien vers son site et son programme en fin d’article. Que cela ne vous force tout de même pas à sortir une jolie chrysanthème sur la table du réveillon, c’est trop… et il faut toujours s’assurer de l’humour noir de ses compagnons de fête avant de tenter des choses aussi décalées.

Toutes les bonnes choses ayant une fin, je vais devoir vous quitter, mais non sans vous encourager à écouter la dernière chronique de Gilles Vervisch (4 mn à peine), philosophe-chroniqueur sur la radio Le Mouv’ qui nous fait réfléchir sur l’art de tirer sa révérence en posant la question « Est-ce que c’est triste une fin ? ». Une question qui traverse toute la philosophie, car comme nous le rappelle Montaigne : « Philosopher, c’est apprendre à mourir ». L’occasion aussi de rappeler que la fin de n’importe quoi, c’est toujours le début d’autre chose… et que la vie continue toujours sous une forme « atomique » différente. Oui, car indubitablement Armand, « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme… » et c’est bien ce qui pique notre orgueil de mortel.

Ce billet prend son pied à être en contre-pied total avec l’ambiance hautement festive du 31…  c’est pour mieux vous souhaiter une belle année 2014. Qu’elle vous réserve autant de fous rires que de balades inspirées dans les plus beaux cimetières : il faut de tout pour faire une vie et savoir se souvenir avec humour de ce qui lui donne du sens.

Rebonds :

>le site de Bertrand Beyern, avec ses visites guidées et sa  bibliographie ainsi qu’une vidéo-interview du nécrosophe

>le podcast à écouter en ligne de la chronique « Est-ce que c’est triste une fin ?  » de Gilles Vervisch

>mon billet sur les épitaphes du XXIème siècle

Spéculations sur le financier

financiers Bonne Maman recetteAvant les orgies de bûches au foie gras, d’huîtres au chocolat et de koulibiac aux airelles, j’ai justement décidé de nous offrir un sujet plus léger que la défense de la démocratie ou la maladie d’Alzheimer.  Léger, léger… je m’avance peut-être un peu trop parce qu’il y a quand même cent grammes de beurre et quatre-vingt grammes d’amandes. Venons-en au fait : tout en déplorant que certains financiers des plus cyniques puissent orienter le destin du monde, j’ai un faible pour les financiers aux amandes les plus délicieux que j’oriente vers mon gosier. En traînant au rayon des biscuits, j’ai repéré les financiers aux amandes Bonne Maman… et en retournant la boîte, une particularité peu courante a retenu mon attention : la marque me donne la recette sur l’emballage ! Non mais je rêve… Lire la suite « Spéculations sur le financier »

La vie privée ? Quelle vie privée ?

privacy big data et vie privéeMonsieur Vinton Cerf est l’un des « pères fondateurs » de l’Internet. Rien que ça. Depuis, il est devenu « chief evangelist » chez Google, le gentil moteur de recherches qui aspire vos données personnelles négligemment égrenées sur la toile. Monsieur Vinton Cerf vient de se faire remarquer en lançant dans une interview : « En réalité, la protection de la vie privée est peut-être une anomalie… ». Je ne suis pas sûre de savoir ce qu’il entend exactement par « anomalie », mais en tout cas, pour lui,  la « protection de la vie privée » est un concept récent (lié au besoin d’anonymat des grandes agglomérations) et sûrement appelé… à disparaître ! Monsieur Cerf n’hésite pas à convoquer à la barre les villages de nos grands-parents où tout se savait… et où tout cela ne posait aucun problème à la CNIL. Oui, ça nous arrive tous de regarder dans le rétroviseur pour justifier ce qui nous arrange. En tout cas, tout ça, c’est rudement chouette, car on peut en profiter pour rappeler certains fondamentaux aux « Netocrates »… Lire la suite « La vie privée ? Quelle vie privée ? »

« Antoine, t’as lancé la machine ? »

A utiliser avec des vrais pinces à linge en bois, des pinces à linge pour homme !
A utiliser avec devraies pinces à linge en bois, des pinces à linge pour homme !

C’est bien connu : les préservatifs à la fraise sont pour les femmes et les lessives parfumées au lilas… tout autant. Devant tant de sexisme sensoriel, et pour mieux faire la nique à la fumeuse théorie du genre qui veut nous faire prendre des prostates pour des utérus, certains partiraient-ils en croisade contre les produits faussement unisexes ? Prenez la lessive par exemple : elle est censée nettoyer aussi bien les petits débardeurs à bretelles de Madame que les chaussettes de Monsieur. Et pourtant, on peut s’offusquer de sa fragrance invariablement « féminine »… comme si LA lessive ne s’adressait qu’à LA ménagère et à LA machine à laver, en oubliant qu’il est question de laver LE linge. Une sombre histoire de parité lessivière cherche donc à trouver son dénouement au fond du tambour en inox. Un rééquilibrage qui va bien évidemment dans le sens contraire de ce qui se passe dans l’hémicycle ou les conseils d’administration. La Lessive pour Homme est née… Lire la suite « « Antoine, t’as lancé la machine ? » »

Le voyage dans l’escalier

atelier de curiosités le rêve de l'escalierVotre pouvoir d’achat est en Berne ? Vous avez perdu votre passeport à Vesoul ? Vous ne prenez plus l’avion depuis les accords de Kyoto ? Il reste le voyage immobile dans une coque de noix remplie de livres… C’est en tout cas ce que nous avons expérimenté avec succès ce mardi 22 octobre 2013, lors d’un nouvel «Atelier de Curiosités » à la bouquinerie « Le Rêve de l’Escalier », sise 14 rue Cauchoise à Rouen, non loin du bûcher (pas celui des vanités mais celui de Jeanne, soyons clairs). Pour nous guider dans nos jeux littéraires, le maître des lieux et l’auteure-animatrice Dorothée Piatek avaient invité Antonia Neyrins. Cette artiste globe-trotteuse consigne souvenirs, impressions et sensations dans des carnets de voyage dont elle avait apporté quelques fabuleux spécimens. Antonia Neyrins en publie certains et transmet son savoir-faire lors de stages de « carnets de voyage » très recherchés… Les jeux littéraires de cette soirée tournaient donc autour du défi suivant : faire un tour en francophonie, mais hors de nos frontières pour trouver la signification de mots ou d’expressions… souvent hermétiques aux métropolitains. « Avoir les baguettes en l’air », « camembérer », « avoir de l’eau dans sa cave », compter sa « dringuelle »… autant d’expressions du Cameroun, de Belgique ou d’ailleurs qui nous ont inspiré autant de fous rires que d’interprétations loufoques… avant de découvrir leur vraies significations.

Merci encore aux instigateurs de ces « word-parties », merci au tirage au sort qui m’a permis de dire « j’en étais », merci à Antonia venue nous rendre visite entre deux voyages, merci aux fées des papilles qui nous avaient concocté des canapés, mignardises et verrines de haute volée pour alimenter notre cerveau, merci la vie…

 Rebonds :

•le billet sur le précédent atelier avec Christian Clères, scénariste

•La page Facebook de la bouquinerie « Le Rêve de l’Escalier »  qui comme cela ne vous avait pas échappé est également une nouvelle de Dino Buzatti.

•Le blog d’Antonia Neyrins, pour découvrir ses livres, son travail et son agenda de stages

•le site de l’auteur-jeunesse Dorothée Piatek, la grande fée de l’atelier

Apple avance d’un pouce.

Apple iPhone 5c   5SLa marque à la pomme est une icône qui a réinventé la façon d’écouter de la musique (avec l’iPod), qui nous a donné l’envie de rester partout connecté et pas seulement par la voix (avec l’iPhone), qui a rendu l’ordinateur portable « very has been »  avec la tablette numérique à tout faire. Ce n’est pas rien pour l’homo-numericus, devenu depuis totalement dépendant de ses multiples écrans mobiles. Pendant combien de décennies, une marque de légende peut-elle prendre systématiquement une longueur d’avance, déclencher un culte hystérique chez ses fans, inventer et réinventer pour être sûre d’être mal copiée, être toujours là où on ne l’attend pas ? Bonne question…Pour l’automne qui est, rappelons-le, la saison des pommes, Apple a sorti deux trucs fantastiques.  Lire la suite « Apple avance d’un pouce. »

La nouvelle est dans le sac

concours e-crire auféminin.comDepuis quelque temps maintenant, j’ai des envies de fiction. Je vous assure, c’est vrai. J’ai donc commencé à écrire ce que l’on appelle des nouvelles. Chers lecteurs fidèles du VOUSTOMBEZPILE, ou heureux « passants par hasard », je vous invite à lire celle que j’ai inscrite à un concours organisé par le site aufeminin.com. Si ma nouvelle « Le sac adoptif » vous a plu, vous avez jusqu’au 8 septembre 2013 minuit pour voter sur le site via Facebook (oui, c’est le seul moyen apparemment d’exprimer son engouement). Un jury parrainé par Tatiana de Rosnay décernera le 1er octobre 2013 un prix aux trois meilleurs textes, parmi quatorze nouvelles présélectionnées par les lectrices et la rédaction du site aufeminin.com. Le concours bénéficie également du soutien du magazine Muze  et du maroquinier Longchamp.

 >pour la lire, on clique

Si j’ai souhaité participer, c’est parce que j’ai tout de suite été séduite par l’un de trois thèmes proposés : « Mon sac, je glisse toute ma vie dedans. Mais… où est-il passé ? » Cela a fait comme un ricochet dans mon for intérieur, car j’ai toujours été intriguée par le statut du « sac » chez la femme, son compagnon de route, objet de mode autant que support d’analyse psychologique. Que se passe-t-il dans ma nouvelle ? Le dernier sac acheté par sa fille incite une mère à lui raconter un souvenir lointain mais toujours vivace : une anecdote concernant la disparition de son propre sac…

Si le sac est un accessoire de mode qui n’en finit pas d’attiser les convoitises de ces dames, c’est aussi un objet d’étude. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann a même écrit un livre à ce sujet (oui je l’ai même glissé dans mon sac il y a quelques mois pour le lire…).Le sac Jean-Claude Kaufmann

Le sac est aussi un objet chargé de mystère pour la gent masculine, qui n’ose pas toujours y plonger la main ou les yeux, tant la part d’intimité qui s’y cache peut lui sembler intimidante… Oui, on ne peut parfois que se demander avec Camille ce qu’il peut bien y avoir vraiment dans le sac des filles…

>Ecouter un extrait de la chanson Le sac des filles – Camille

Combien pèsent vos vacances ?

vacances ryan airA l’heure où je vous parle, je m’adresse par la force des choses à trois types de personnes bien distincts : les bronzés qui ont rangé les valises avec quelques grains de sable encore à l’intérieur et qui doivent maintenant veiller à entretenir leur hâle tout en travaillant, les veinards qui me lisent peut-être sur la terrasse de leur lieu de villégiature avant de se remettre de la crème… et les visages pâles qui font la check-list de tout ce qu’il ne faut pas oublier en vue du futur grand départ. Il parait que les vacances constituent une sorte de paroxysme hédoniste pour les classes laborieuses que nous sommes. Il y aurait beaucoup à dire sur ce non-sens qui consiste à perdre sa vie à la gagner, tout en fantasmant sur les 5 semaines de liberté conditionnelle qui nous sont accordées une fois l’an. J’aimerais d’ailleurs vous encourager à soigner encore plus la réussite de vos week-ends pour la simple et bonne raison qu’il y en a 52 dans une année et qu’ils reviennent beaucoup plus souvent. Si vous détestez votre job, j’aimerais même vous inciter à mettre plus d’énergie à en changer… comparée à celle que vous gaspillez en vous languissant de ces vacances qui ne représentent qu’une toute petite partie de l’année. Et pendant que j’y suis… puisque nous passons le tiers de notre vie à dormir, n’oubliez pas de bien choisir votre nouveau matelas ! Considérer les choses qui composent notre existence en fonction du temps qu’elles nous prennent peut nous donner l’occasion de voir les priorités sous un autre angle.

J’ai fait récemment une autre expérience quantitative qui m’a donné à penser… J’ai réservé un vol sur Ryan Air ! Les tarifs sont légers. Les bagages doivent l’être aussi… Lire la suite « Combien pèsent vos vacances ? »

« Orthotweet, tu l’écris comment ? »

orthotweet couvDes instituteurs défricheurs tentent des expériences pédagogiques en utilisant Twitter avec leurs élèves (si, si) et des e-crivains se lancent dans la twittérature en 140 caractères (oui, c’est ce qu’on peut appeler du format ultra-court). On peut donc dire que le réseau social qui gazouille tente une percée au pays des lettres. Sandrine Campèse, jeune journaliste et blogueuse au service de la langue de Voltaire, vient nous le prouver avec son opuscule récemment paru aux Editions de l’Opportun et intitulé « ORTHOTWEET 140 signes pour ne plus faire de fautes d’orthographe ». Grands-parents exaspérés sur le point d’assommer ces chères têtes blondes avec un Bled, parents englués dans l’accord du COD avec l’auxiliaire avoir, dirigeants médusés par les perles contenues dans les courriels de vos collaborateurs, reprenez espoir… Lire la suite « « Orthotweet, tu l’écris comment ? » »

Chez nous, c’est les mots.

photo
Je n’ai pas assez de mots pour vous demander de me pardonner pour ce piètre cliché, volé dans la pénombre de 22 h 46…

L’ « atelier de curiosités » auquel j’ai participé mardi dernier était un authentique atelier de jeux littéraires. Une première mais déjà un must qui a affiché complet. Où ça ? Au « Rêve de l’Escalier », un antre rempli de bouquins d’occasion et garanti sans ascenseur, situé au 14-16 rue Cauchoise à Rouen, tout près de la Place du Vieux-Marché. Un incontournable des bibliophiles incurables. Les protagonistes organisateurs ? Monsieur Rêve, le bouquiniste des lieux et son complice Jeremy Dupuis ainsi que l’épatante Dorothée Piatek, auteure en littérature jeunesse. Assis autour d’une longue table enchâssée au milieu des livres, nous voici réunis comme pour un banquet du verbe. Que va-t-il se passer ?

Lire la suite « Chez nous, c’est les mots. »

On a la mémoire qui flanche…

mémoire souvenirJ’ai un grand ami, rencontré au collège. En dehors de ses qualités, en dehors de « parce que c’était lui, parce que c’était moi », c’est une chance d’avoir un ami comme lui : il a une mémoire fantastique. Lorsqu’il me dit quelque chose du style « Tu te souviens de Machin qui avait une mère dans les services secrets… », je lâche parfois un « oui… » un peu évasif, alors que vraiment, j’ai du mal à retrouver la fiche. C’est un problème d’avoir une mémoire de poisson rouge, mais heureusement, il est là pour se rappeler de tout un tas de détails et anecdotes, avec les dates et les lieux. Alors que ce soit lui qui me parle de ce drôle d’article de Pierre Barthélémy sur l’implantation de souvenirs, c’est assez troublant. De quoi parle l’article de ce journaliste scientifique qui tient le blog passionnant « Passeur de sciences » sur la plateforme du quotidien Le Monde ? Eh bien, il raconte comment une équipe de chercheurs néerlandais a réussi à créer de faux souvenirs chez des soldats revenus d’Afghanistan…  Lire la suite « On a la mémoire qui flanche… »

Enchaînez-les à un clavier.

écriture contre clavierC’est un petit article qui démarre en page 17 du N°69 (mai 2013) de Philosophie Magazine, mais c’est comme tout ce qu’on trouve dans ce magazine : de la sacrée matière à penser. Une drôle de nouvelle comme ça, c’est peut-être ce qu’on appelle désormais un « signal faible » : un de ces faits mineurs qui peuvent s’avérer être des graines de futur. Faible peut-être, mais voilà que la consternation ne me quitte plus. Figurez-vous que l’enseignement de l’écriture cursive ne sera plus obligatoire à la rentrée 2014 dans les écoles élémentaires de 45 états américains... Lire la suite « Enchaînez-les à un clavier. »

Notre vie est un grand louping.

ne rien louperIl se passe toujours quelque chose dans le centre-ville, mais aussi aux confins du Rajasthan, sur votre page Facebook, sur les 148 chaînes de télé du salon, sur la toile mondiale, etc.  45 billions d’opportunités d’épanouissement cérébral et sensoriel toutes les minutes… et toujours 24 pauvres heures dans une  journée. Avec tous nos outils connectés, s’il y a bien quelque chose qui s’est immiscé dans nos vies, c’est le vertige de la profusion permanente. Tant d’articles à lire, de vidéos à voir, de livres à dévorer et d’humains numériques à rencontrer… ça fiche tellement le tournis qu’on reste sur sa faim. Avez-vous senti  le renforcement de cette sensation de tout le temps louper quelque chose ? Lire la suite « Notre vie est un grand louping. »

On va dépasser le mur du con.

mur des cons 1On a eu le Mur de la Honte tombé en 1989. On a toujours le Mur des Lamentations. Il nous manquait le Mur des Cons. Quelque chose qui ressemble un peu aux Tables de la Loi dans un domaine plus flou : la connerie. Je présente d’ores et déjà mes excuses aux yeux prudes qui seraient choqués par cet amoncellement de gros mots, mais le sujet nous y oblige. Rappelons brièvement les faits, pour la postérité ou pour les personnes qui rentrent d’un long trekking en Papouasie… Dans leur petit local, les magistrats adhérents du Syndicat de la Magistrature ont un hobby « défoulatoire » du meilleur goût : sur leur Mur des Cons, ils affichent les photos de ceux qu’ils jugent dignes de porter cette appellation contrôlée. Des hommes politiques (surtout de droite apparemment puisque le syndicat est reconnu plutôt de gauche), des journalistes désagréables, des plaignants revendicatifs… surtout des gens qui ne sont pas de leur avis, si j’ai bien compris. Boulette de chez boulette : quelqu’un diffuse l’existence de ce petit délire entre amis. Stupéfaction. Oui, on est vraiment naïfs nous les gueux… Lire la suite « On va dépasser le mur du con. »

Mettez sur silencieux… ou sur haut-parleur.

mobile silenceSi vous avez pris le train récemment, vous avez encore entendu cette annonce qui vous intime d’utiliser votre portable depuis les plateformes. Sourire amusé de votre blogueuse, car si tout le monde s’invitait sur les fameuses plateformes de 2 m sur 1,50 m, on aurait entre chaque wagon une boîte de sardines en pleine conversation, rendant la circulation entre wagons ou l’accès aux toilettes impossibles. Le « portable » ne désignant pas uniquement un mobile et le « mobile » ne servant pas qu’à téléphoner…vous voilà, madame SNCF, prise, de surcroît, en flagrant délit d’anachronisme… Derrière cette annonce censée faire vibrer votre goût pour le savoir-vivre, il y a aussi quelque chose qui m’a longtemps intriguée… Oui, monsieur le chef de bord qui récite la petite phrase dans le haut-parleur avec entrain, en quoi une conversation au téléphone peut-elle plus me gêner que celle des quatre mamies surexcitées qui ont réservé le « carré » juste devant moi ? Hein, on fait moins la fière… Pour protéger la quiétude des voyageurs, avez-vous ouvert des wagons-cages spéciaux insonorisés pour les classes de CE2 en goguette avec leurs institutrices aussi dépassées que résignées ? Non… même pas. Pourquoi vous en prendre alors plus particulièrement aux appels téléphoniques ? Votre annonce est sûrement restée ancrée en 1999, à l’époque où les prothèses numériques n’avaient pas envahi à ce point le paysage… et où les jaloux s’offusquaient autant de l’utilisation de cet outil barbare que du fait… qu’ils n’en possédaient pas encore, eux. Mais n’en restons pas là : il y a une raison à l’agacement du voyageur qui entend son voisin parler au téléphone… avec une voix qui n’est pas plus forte que celle des deux tourtereaux de derrière. Une revue scientifique anglaise a publié récemment une hypothèse intéressante… Lire la suite « Mettez sur silencieux… ou sur haut-parleur. »

Fin de l’Occident, naissance du monde ?

renault zoéEn 2017, le dernier tweet de la première Dame était «Ils réclament du pain ? Donnez-leur donc des macarons Ladurée… ». C’était juste avant que les systèmes informatiques des bourses de Francfort, Londres, Paris et New York soient piratés… De la fiction historique bien sûr… mais en refermant le dernier livre enthousiasmant du journaliste économique Hervé Kempf, je me suis posée une double question : « Au XVIIIème siècle, avait-on conscience qu’un faisceau d’idées communes réunissaient les penseurs des Lumières ? La lame de fond qui allait emporter la vérité éternelle de la monarchie absolue avait-elle été détectée par quelque climatologue de la politique ? » A cause de la myopie politique, à cause de l’inattendu qui survient, la réponse est sans doute non… même si Diderot a écrit à Louis XVI en 1774 une phrase d’une lucidité prophétique : «Si vous n’êtes pas capable de trancher pour faire des réformes, ce même couteau vous coupera en deux. » Aujourd’hui il y a un faisceau d’idées qui tracent une voie « révolutionnaire » avec ses propres penseurs : Edgar Morin, Emmanuel Jaffelin, Hervé Kempf, Joseph Stiglitz, Jeremy Rifkin, Pierre Rabhi, Patrick Viveret… et j’en oublie de nombreux. Qu’ont-ils en commun ? Lire la suite « Fin de l’Occident, naissance du monde ? »

Le Décalage, ça déchire.

Le Décalage Marc-Antoine MathieuEn matière de bandes dessinées, on peut dire que Marc-Antoine Mathieu est plutôt du genre difficile à mettre dans une case. Ce n’est pas étranger au fait que chacun de ses albums est ouvert par mes soins comme une pochette surprise, avec une gourmandise intellectuelle très particulière. Entre récit philosophique et fantaisie rhétorique, on jubile et on peine à identifier les zones du cerveau qui sont ainsi sur-stimulées. Après la mise en abîme réussie de 3’’ et la fable de DIEU EN PERSONNE, celui qui n’a de cesse de tester les limites de la narration a encore frappé fort avec le dernier album sorti le 6 mars : Le Décalage. Dans le rayon de votre libraire, vous allez d’abord relever une étrangeté : la couverture de cet album n’est pas une couverture mais… déjà une planche. A partir de là, évitez absolument de le feuilleter, car vous allez vous gâcher la surprise. Vous allez peut-être remarquer au dos cette mention : « Attention. Cet album comporte des anomalies qui sont parfaitement volontaires et en constituent même le sujet. » Vous voilà prévenu…

Lire la suite « Le Décalage, ça déchire. »

Le blues spatio-temporel

SONDAGEVous êtes plutôt crinoline ou langage vénusien ? Argghh… vous ne vous êtes peut-être pas encore posé la question. Imaginez qu’on vous demande, pour une étude, si vous préféreriez prendre un aller simple pour le passé ou un visa pour le futur… C’est ce qui est arrivé aux victimes consentantes de ce sondage qui m’a tout de suite laissée perplexe. Vous avez sûrement relevé qu’une majorité de l’échantillon retenu se décide pour une fuite dans le passé. Pratique : cela corrobore la thèse selon laquelle le français moyen de 2013 a peur de l’avenir et ne trouve aucune raison de se réjouir pour ses pauvres enfants, en l’absence de leader charismatique qui ouvre la voie vers un futur radieux. Bon, l’écart entre les deux camps n’est pas non plus abyssal, mon cher Tugdual.  L’intérêt d’une telle question est sans doute ailleurs… Lire la suite « Le blues spatio-temporel »

Je clignote, tu clignotes, nous CLIGNOTHON !

clignotant oubliéChers concitoyens (quel drôle de mot tout de même…), les pouvoirs publics réfléchissent sérieusement à l’organisation d’un immense CLIGNOTHON. Un grand élan de générosité national permettrait en effet de soutenir la recherche scientifique pour trouver une méthode thérapeutique efficace contre l’anticlignotose. Expliquons-nous rapidement sur cette affection… Lire la suite « Je clignote, tu clignotes, nous CLIGNOTHON ! »

Vivre ou live-tweeter, telle est la question…

présence scrabbleIl y a maintenant quelque temps, j’ai croisé un de ces chiffres qui vous la coupent : lors d’un sondage aux Etats-Unis, 11 % des interrogés de moins de 25 ans trouvaient normal d’envoyer des SMS pendant l’acte sexuel. Chez les plus de 25 ans, la tolérance à cette pratique baissait à 6 %*… Après la consternation de mise, je me suis d’abord dit qu’un partenaire moins attractif qu’un SMS n’avait rien à faire dans votre lit. Ensuite, j’ai fait l’optimiste en me disant qu’il y avait quand même 89 % d’amoureux prêts à déconnecter . Et enfin, j’ai préféré remettre en cause la méthodologie de l’étude… Tout cela en à peine 2 minutes parce qu’on n’a quand même pas que ça à faire ! Et c’est ainsi que le temps a passé sur l’humanité, avec son flot de SMS et de coïts interrompus pour de multiples raisons. Mais voilà, il y a quelques jours, je tombe sur un autre article… Lire la suite « Vivre ou live-tweeter, telle est la question… »

L’agenda ? En papier, nom d’un plumier !

agendas moleskineChers lecteurs,

Aujourd’hui, c’est ma 100ème publication sur ce blog et c’est le 1er janvier. Je tenais donc en préambule à vous remercier pour votre fidélité et à vous souhaiter surtout une excellente année 2013 : un grand cru qui vous apporte amour et fantaisie, succès et lucidité… et tout ce que vous voudrez bien y ajouter. Aujourd’hui, je ne vous parlerai pas cartes de voeux, bonnes résolutions ou prédictions astrologiques. Non… Récemment, on m’a demandé pourquoi j’avais encore un agenda en papier, fabriqué donc à partir de bois d’arbre… alors que les agendas digitaux des smartphones sont tellement pratiques sans leurs ratures. L’inauguration de cette année 2013, volée au nez et à la barbe des Mayas, me donne l’occasion de donner toutes mes raisons, sans la présence de mon avocat. Lire la suite « L’agenda ? En papier, nom d’un plumier ! »

Mon cheveu brille lorsqu’il est content.

cheveux d'@HemmapilJ’ai promis à ma fée-coiffeuse un texte spécial, entièrement dédié à son talent. Comme ça, parce que c’est elle, parce que c’est moi. Ce sera son cadeau de Noël. Vous en avez la primeur.

«Dites-moi comment on s’occupe de vos cheveux et je vous dirai qui vous êtes… Si vous vous attachez à la fée de ces lieux, c’est que vous avez connu bien des mésaventures dans des mains peu scrupuleuses… Lire la suite « Mon cheveu brille lorsqu’il est content. »

« Elle va refaire sa vie … »

Je dédicace ce texte à mon amie Hélène qui m’a soufflé qu’une phrase aussi absurde que celle-là méritait bien un billet d’humeur. A ce moment-là, je venais de terminer le dernier livre de Philippe Delerm « Je vais passer pour un vieux con »… Derrière ce titre aussi provocateur que peu représentatif du contenu réel de l’ouvrage, l’auteur part justement de l’agacement ou de l’amusement mélancolique qu’éveillent en lui certaines phrases toutes faites. Une fois de plus, il nous offre de vraies pépites et nous montre l’acuité de son regard, qui sait débusquer la vérité dans les détails. « Elle va refaire sa vie »… C’est l’expression que m’a donc soufflée Hélène : une phrase pleine de naïveté qui s’applique pourtant la plupart du temps à des personnes de plus de sept ans…

Lire la suite « « Elle va refaire sa vie … » »

Ici gît l’épitaphe de l’homo-numericus…

Chers amis mortels, je ne peux patienter jusqu’à la Toussaint pour vous entretenir de ma petite découverte danoise. Comme le disait Shakespeare : « Nous sommes faits de la même matière que les rêves. » Un jour ou l’autre, pffff… Et justement, nous aimerions tous laisser autre chose qu’une pierre tombale laconique et 13 456 photos coincées dans un disque dur d’ordinateur inutilisable. Heureusement, les scandinaves qui ont toujours eu un gros moral, ont innové au cimetière danois de Roskilde… Lire la suite « Ici gît l’épitaphe de l’homo-numericus… »

On a le style Yves Dauteuille ou on ne l’a pas…

J’ai une annonce à faire… J’ai reçu une nouvelle qui a forcément touché ma vanité d’auteur en plein cœur : je fais partie des lauréats du concours organisé par Flammarion autour du recueil des petites annonces de Yves Dauteuille. Ce publicitaire était doté d’un garage fort garni. Il décida donc de déposer  des petites annonces pas comme les autres sur le site leboncoin.fr pour vendre son bric-à-brac. Les petites annonces, rédigées avec une plume aussi alerte que drolatique, firent un vrai buzz sur la Toile… et finirent dans un livre.

Pour le concours, il fallait écrire à la manière d’Yves Dauteuille sa propre annonce pour vendre un vélo. Je vous livre donc en exclusivité  le fruit de ma participation gagnante et j’arrête de rouler des mécaniques… Lire la suite « On a le style Yves Dauteuille ou on ne l’a pas… »

La démagogie nuptiale a encore frappé…

Diantre, il y a encore des mariages hétérosexuels. Celui auquel nous fûmes invités dernièrement m’a amenée sur les chemins de ce billet d’humeur, comme on mène la mariée à l’autel. Robe magique, soleil follement généreux  et chapeaux chics : tout s’est malheureusement passé comme prévu… Lire la suite « La démagogie nuptiale a encore frappé… »

Quelle est la maison qui vous habite ?


Crédit photo : @cekabd sur Instagram

Ça sentira bientôt le cahier neuf et vous êtes peut-être déjà de retour au bercail. Vous n’avez pas encore rangé la crème indice 15, mais le cœur n’y est plus. Pourtant, en repassant, avec vos valises sableuses,  le seuil de l’antre qui vous sert de résidence principale, vous avez eu un pincement affectueux, là tout près du sternum. Lire la suite « Quelle est la maison qui vous habite ? »

« Déshabillez-mots » invente le strip-dico.

Les mots ont une âme et des choses à dire. Avec le talent, ils peuvent même prendre chair : c’est ce que nous prouvent Léonore Chaix et Flor Lurienne, les auteurs et interprètes de la pièce « Déshabillez-mots » à l’affiche du Studio des Champs-Elysées  jusqu’au 1er juillet.  Comme je ne sais pas résister à la fantaisie lexicale, je suis donc allée déguster moi aussi mon « Déshabillez-mots » : je vous invite à faire de même avant qu’il ne soit trop tard (avant le 1er juillet donc !).

D’abord sous la forme de chroniques radiophoniques, la pièce a joué les prolongations avant de rebondir pourquoi pas dans quelque temps sur le petit écran.

C’est quoi le principe? C’est quoi l’idée ? Les deux actrices piquantes incarnent littéralement et à tour de rôle des mots triés sur le volet. Lors de sketchs- interviews, ces mots-personnages vont pouvoir s’exprimer en toute sincérité  sur ce qui fait leur succès ou leurs déboires, sur les malentendus dont ils souffrent, sur leur sens caché ou suggéré…  De « procrastination » à « paresse » en passant par le duo des confondus « ennuyant-ennuyeux », ça fuse d’intelligence et de malice, ça nous pousse dans les retranchements du glossaire. L’étymologie rencontre la psychologie, le tout ponctué de trouvailles de mise en scène qui soulignent le glamour du strip-texte. J’ai eu un faible pour la « paresse » avachie et pitié de la « pusillanimité » en disgrâce… J’ai adoré les signes de ponctuation. A quand le tome 2 mesdames ? Car j’ai détesté que ça se termine même s’il le fallait bien : tout à une fin, même si on n’a jamais le dernier mot.

> Le site de la pièce

> Le lien pour découvrir leur success story

M’sieur Bradbury, je suis une femme-livre…

Vendredi 8 juin à 17 h 15. J’ai rendez-vous à La Bibliothèque Villon de Rouen. Je ne viens pas consulter un livre rare dans la réserve. Non, je suis devenue le passage d’un livre et je m’apprête à le réciter devant la caméra de Ingrid Gogny.

Son idée ? Proposer aux lecteurs rouennais d’apprendre un paragraphe, un chapitre et de devenir ainsi un « homme-livre » le temps du tournage. Elle fait bien sûr référence au livre-culte de la SF, écrit par Ray Bradbury (qui nous a quittés la semaine dernière) et adapté au cinéma par François Truffaut : Fahrenheit 451. Je vous rafraîchis la mémoire : l’auteur met en scène une société totalitaire où les livres sont interdits, brûlés et « remplacés » par des écrans déversant les images contrôlées par une seule source gouvernementale… Des rebelles décident néanmoins de sauver ce patrimoine en apprenant des livres par cœur et en les transmettant oralement.

Même si nous ne nous sentons pas menacés à brève échéance par une telle dictature, le projet de Ingrid Gogny pose la question de l’omniprésence des écrans et du développement de nos prothèses technologiques qui se substituent de plus en plus à notre  mémoire. Pensons-nous davantage et mieux depuis que nous pouvons nous reposer sur les ordinateurs et les smartphones pour libérer de l’espace-mémoire dans nos cerveaux ? Bonne question…

J’ai pour ma part choisi d’apprendre un extrait des « Propos sur le bonheur » du philosophe Alain. Ce texte, je l’ai choisi parce qu’il nous rappelle avec un exemple tout simple que nous pouvons être les maîtres de notre humeur, modifier notre perception et choisir de voir la bouteille à moitié pleine. Terriblement utile actuellement et d’une sagesse troublante. Alain doit apprécier que je choisisse son propos « Sous la pluie », car juste avant mon arrivée à la bibliothèque, il m’envoie une petite ondée, comme pour me rappeler qu’il faut avant tout mettre en pratique ses conseils…

Me voilà. Un accueil qui met à l’aise. Le tournage va avoir lieu tout simplement devant une des tables de la bibliothèque. Un peu plus loin, des étudiants studieux font semblant de rien. On sent un émerveillement inattendu de la réalisatrice devant ces gens qui viennent se prêter au jeu, comme les grimoires vivants d’un nouveau genre. On me pose le micro-cravate d’une façon indétectable… et me voilà face à mes responsabilités : regarder la lentille d’une caméra et faire comme si je savais depuis toujours ce petit texte de 21 lignes. Plusieurs prises sont prévues et permettront un montage inspiré… ouf ! Je me rends compte qu’il faut faire abstraction de tout et surtout de l’incongru de la situation pour s’immerger dans le texte. A la fin, le dialogue s’engage sur « pourquoi ce texte ? » puis sur l’originalité du projet. Je repars ensuite plus légère : j’ai accompli ma mission ; j’ai déposé les lignes dans la caméra.

J’ai simplement hâte d’être le 14 décembre pour assister à la projection de ce film-livre ouvert, compilation de tous ces fragments de lecture habités.  Il faudra combattre le narcissisme qui me gênera aux entournures et qui consistera à guetter un peu gênée mon propre visage sur l’image.

Et vous, si vous étiez la couverture d’un livre, lequel serait-il ?

>Le lien vers le site des Bibliothèques de Rouen qui présente le projet

Le paradoxe de la moderne solitude

A travers un sondage datant de mai dernier, le journal Le Monde nous révèle comme ça, sans ménagement, que « près d’un jeune adulte sur deux se sent seul ». La larme à l’œil, je m’enfouis dans l’article pour étancher ma curiosité malsaine. Et là je découvre aussi ceci :

« En moyenne, les jeunes sondés disent avoir 7 amis, dont 4 à 5 sur lesquels ils peuvent « compter ». Sur Facebook, les jeunes disent avoir 178 amis mais ne communiquer qu’avec 12 % d’entre eux. 55 % des jeunes considèrent d’ailleurs qu’Internet « favorise la solitude ».

C’est pas plutôt le tricot qui favorise la solitude ?

Vous me voyez plongée dans un abîme de perplexité. Nous voilà dans une société où la parole s’est libérée et la mobilité accrue… alors que pendant des siècles le village et ses cancans pouvaient servir d’horizon à toute une courte vie. Nous voilà dans un monde où le moindre collégien troue ses poches avec un mobile…quand les ados des générations précédentes quémandaient pour accéder 5 minutes le soir au téléphone fixe de la maison. Nous voilà dans un monde où tous les savoirs, toutes les rencontres et tous les centres d’intérêt sont à portée de clavier dans un gazouillis numérique sans précédent… alors que Marco Polo a dû aller en Chine pour découvrir les nouilles.

C’est ce que je pourrais appeler le « paradoxe du trop fort potentiel ».

C’est lui qui crée dans notre société de consommation le vertige de l’hyper-choix qui tue le désir. C’est lui qui pousse l’étudiante amourachée à penser que l’homme idéal ne peut pas être celui qu’elle vient de rencontrer au cours de Lettres Modernes, vu le potentiel  qu’il y a sur les sites de rencontres qu’elle n’a pas encore essayés. C’est le « paradoxe du trop fort potentiel » qui fait penser à ce lycéen que quand certains ont 18 000 amis sur la toile, il ne peut pas se contenter d’une poignée de potes depuis le collège. C’est lui qui crée l’angoisse que je ressens régulièrement face à tous ces livres passionnants que je n’aurai pas le temps de lire, tous ces festivals de musique où je n’ai pas le temps d’aller, tous ces sites internet merveilleux que je n’ai pas encore découverts… Je n’aurai pas assez d’une vie pour tout découvrir et tout apprendre, et cela me rend parfois mélancolique. Le numérique met le monde à notre porte en permanence, mais nous ramène en même temps à notre finitude et nos triviales limites quotidiennes. Nous jugeons notre situation à l’aune d’un potentiel imaginé et c’est le moteur de notre insatisfaction.

Enfin, malgré toutes les possibilités offertes par le progrès technologique, le nombre de relations humaines qui comptent le plus pour nous reste encore paradoxalement limité. Une amitié qui compte se crée dans la durée avec une vraie personne et pas seulement avec un pseudo et une photo sur un profil. Humain, trop humain… Un jour, le personnage que nous nous créons à travers les réseaux sociaux ne fait que nous renvoyer à ce que nous sommes vraiment…  Rien de tel que de lever la tête de l’écran pour « tâter du vrai gens ». Oui, contre cette moderne solitude, les contacts démultipliés qu’Internet nous permet ne doivent surtout pas nous éloigner des échanges en 3D de la vraie vie. C’est donc là que je vous abandonne, car j’ai un bien sympathique rendez-vous 😉

>A lire aussi, les résultats d’une autre étude sur vraie vie sociale et vie en ligne : je clique

 

All you neeed is the good gift…

Ce billet est coincé entre mon anniversaire et la Fête des Mères : il fallait faire quelque chose. La providence s’est invitée à ma table et j’ai découvert tout à fait par hasard la plateforme internet neeed. J’ai donc aujourd’hui l’honneur de vous entretenir de la terrible chasse aux cadeaux…

neeed

A l’heure de la dinde et du sapin, il m’est déjà arrivé de m’interroger de façon quasi-métaphysique sur les fameuses listes que les proches réclament dès fin novembre. Le manque d’imagination et l’angoisse sourde de tomber à côté nous poussent en effet à quémander la fameuse liste de vœux. Dès lors, il faut savoir que, paradoxalement, la liste en question peut devenir très laborieuse à rédiger pour l’intéressée : non seulement, on ne se rappelle plus tout à coup de ce qui nous faisait tant envie le mois dernier… mais en plus, il faut faire preuve d’imagination pour tous les budgets ! Cette coutume a un autre inconvénient à mes yeux : elle gomme complètement la magie de la surprise et transforme le plaisir de recevoir en fausse-joie de « commander ».

Le fondateur de la plateforme en ligne neeed a peut-être réfléchi à tout cela… ou pas ! En tous cas, Patrice Cassard peut sans doute remédier à mon dilemme, car son site/réseau social neeed (encore en version alpha) vise à résoudre joliment le problème de la liste d’idées- cadeaux. Après avoir créé le site lafraise (de bien beaux tee-shirts de graphistes talentueux) et archiduchesse (de la belle chaussette made in France, madame), on lui fait entièrement confiance.

Le principe :

-vous ouvrez votre page personnelle sur neeed et vous intégrez dans votre barre de favoris le petit bouton neeed,

-tout au long de l’année, au fil de vos balades sur internet, vous picorez des envies,

-à chaque nouvelle merveille, vous cliquez sur votre bouton neeed et hop, le bidule de vos rêves est aussitôt ajouté à votre page personnelle.
A tout moment, si on souhaite vous faire plaisir, un petit tour sur votre page neeed renseigne discrètement.

Au final, c’est autant un aide-mémoire pour soi qu’une liste toujours à jour pour les amis/parents en mal d’inspiration. En se baladant sur les listes d’envies des autres « neeedeurs », on se découvre aussi plein de nouvelles envies, cher Patrice, et ça, c’est diabolique au niveau du social 2.0…

Neeed n’est pas le seul prétendant pour récupérer la future manne du « wish-list social » mais il est moins fouillis que Pinterest et plus généraliste et francophone que Svpply ou Nuji . Tout ce dont on a besoin !

Et vous, pensez-vous que ce type de réseau « liste de vœux » peut rencontrer le succès ?

La pensée, c’est magique. La superstition, c’est logique…

Vous avez un rite très personnel qui vous donne la foi totale avant d’aller quêter une augmentation ? Vous faites un geste chamanique secret avant de passer une jolie radio des poumons ?  Vous êtes attentif à certains signes et pas seulement aux chats noirs ? Rassurez-vous : tout cela est tout à fait logique compte tenu des découvertes récentes sur le fonctionnement de nos hémisphères cérébraux. L’être humain a développé très tôt des réflexes de « pensée magique » ou de croyance métaphysique. Pour l’homme préhistorique, il était en effet devenu vital de soupçonner une intention (c’est-à-dire un prédateur) derrière un mouvement de branchages, une empreinte ou un nuage à forme anthropomorphique…  au lieu d’ignorer cette « intention » prête à le dévorer !

Le dernier numéro de l’éminent magazine New Scientist nous vante les bienfaits anthropologiques de la superstition… antichambre de la pensée positive (dont nous avons plus que jamais besoin en ces temps qui attaquent notre optimisme à l’acide chlorhydrique).

De très sérieuses expériences psychologiques nous le prouvent par A+B ! Je vous livre l’extrait d’un article passionnant que je viens de lire à ce sujet sur l’excellent site InternetActu.net : «  La première expérience demandait aux sujets d’effectuer une épreuve dans laquelle certains disposaient d’une “balle de golf chanceuse”. Résultat, ceux qui ont utilisé la balle “porte-bonheur” (ou plutôt qu’ils croyaient telle) ont obtenu de meilleures performances que ceux qui se sont servis d’une balle présentée comme “neutre” – une petite note d’importance s’impose ici : un prétest avait établi que 80% des sujets croyaient aux pouvoirs des porte-bonheur. Cette expérience montre donc que les gens superstitieux sont plus enclins à réussir certaines tâches en fonction de leur croyance, mais pas que des personnes sceptiques puissent se retrouver inconsciemment sous l’influence d’une superstition… ». Et c’est là que c’est formidable : tout le monde se fiche de savoir si les pouvoirs de votre médaille porte-bonheur sont avérés scientifiquement, puisque votre cerveau préfère y croire. Bref, c’est ça la vraie magie : le mental. Je clos donc cet article par une dédicace spéciale à notre ami Hakim qui résuma un jour tout ceci d’un trait de génie : « Le mental, c’est fondamental. »

P.S. Je croise aussi les doigts pour que vous lisiez l’article complet de Rémi Sussan sur InternetActu.net 😉

J’ai refait la Fnac.

De la fnac d’hier à celle de demain ?

J’étais en train de lire sur ma liseuse Cybook (si, si Cybook… et pas Ki Ki Kindle). Donc j’étais en train de lire avec des yeux en mode « batterie faible » et j’ai piqué du nez (sans laisser choir sur le sol dur la précieuse liseuse, on n’est pas des sauvages…)… et là, dans les bras de SuperMorphée, je me retrouve à la Fnac dans un futur proche. Mais ça ne ressemble pas à la Fnac. La vieille dame agitatrice a finalement renoncé à vendre du petit électroménager. Une fois de plus, trop de concurrence pour les machines à café, dans le e-commerce comme dans les enseignes « physiques ». Non, ils ont finalement eu un flash. La Fnac est devenue un lieu de vie autour des loisirs culturels : le Forum des Nouvelles Affinités Culturelles. Dans chaque Fnac, il y a, plusieurs fois par semaine, un concert gratuit dans le « magasin », avec des pépites locales ou des têtes d’affiches. Les clients peuvent rencontrer les musiciens et télécharger sur place leur album, directement sur leur smartphone-wallet ou leurs tablettes synchronisées*. A l’autre bout, c’est l’heure du forum de lecture : on s’inscrit pour venir présenter son livre adoré du moment… aux côtés de l’écrivain invité, venu lui aussi pour présenter son dernier bébé. Tout est retransmis en direct sur le réseau vidéo de la Fnac… Oui, car la Fnac est devenu un bar à culture : des petites tables rondes où on peut s’installer entre amis ou s’en faire de nouveaux, avec des écrans de découverte où l’on peut télécharger MP3, livres ou films… On peut aussi y regarder en direct l’un des 52 concerts qui ont lieu dans les autres Fnac de France… ou suivre les forums de lecture en direct, toujours sur ce fameux intranet Fnac, qui n’est visible que sur place. Comme les livres de cuisine ont toujours autant de succès, il y a toujours de bonnes odeurs : un des espaces a été transformé en atelier de cuisine. Tous les apprentis-cuisiniers repartent avec 1 ou 2 livres et sa part de canard aux olives préparée sur place avec ses petits doigts boudinés. Les parents aussi adorent venir ici, car à l’entrée il n’y a pas une piscine de balles en plastique mais une halte-médiathèque pour ces bichounets, avec des animatrices trop trop imaginatives.

Oui, la Fnac a eu un flash, car si les théâtres sont encore pleins, si les cinémas ne se sont pas vidés malgré la VOD… ça tient à la force de « l’expérientiel » : le live, la rencontre, l’échange et la saveur irremplaçable d’une sortie ludique avec lesquels aucun site de vente en ligne ne pourra rivaliser. L’internet a simplifié le shopping. La vraie vie n’a plus qu’à revenir dans la boutique, constamment en 3D réalité garantie, source constante de nouveautés, de sérendipité et de surprises en tous genres, entre vrais gens. Mais je me suis réveillée… et j’ai téléchargé un autre bouquin sur Internet.

Et vous, vous le voyez comment votre prochain mégastore de la culture vivante ?

*oui j’applique la règle de proximité pour l’accord en genre…>voir le post «  Les accords sont faits pour nous rapprocher »

Lien ajouté le 11 juin 2013 :

Comment Relay va innover dans ses kiosques avec le « bar numérique »…

 

« Le Magasin des Suicides » : trop mortel

Vous avez fait le plein de Valium ? Et vous avez décidé de voter noir aux prochaines élections… parce que voter blanc, c’est décidément trop joyeux ? C’est vrai que l’avenir est franchement incertain et l’horizon pas seulement bouché par le dioxyde de carbone. Mais croyez-moi, rien n’est jamais perdu. On peut rire jaune en broyant du noir et finalement voir du rose là où on ne l’attendait plus. C’est exactement ce qui se passe avec le livre de Jean Teulé que je viens de dévorer : « Le Magasin des Suicides » (paru en 2007, disponible chez Pocket). C’est une pépite burlesque qui nous plonge au cœur d’un improbable commerce de proximité pour mieux nous tirer de notre déprime.

Imaginez un futur où décidément l’humanité touche le fond. Dans ce monde, n’en déplaise à Claude Allègre, la couche d’ozone s’est fait la malle sur une autre planète ; les pluies acides arrosent le quotidien et les défenestrés suicidaires animent constamment les façades des immeubles. Nous faisons la connaissance d’une espèce de famille Adams qui tient avec un zèle aussi pessimiste que surréaliste une boutique où on trouve absolument tout ce qu’il faut pour en finir.  L’officine roule sur l’or en vendant depuis des générations des cordes à se passer autour du cou, des breuvages ultimes qui vous envoient au ciel direct ou des pommes au cyanure… quand on est fan d’informatique. Chaque membre de la famille, du père au dernier rejeton, porte le prénom d’un suicidé célèbre : Mishima pour le père, Lucrèce pour la mère, Vincent pour le fils aîné, Marilyn pour l’ado et Alan pour le petit dernier. Alan, c’est en hommage au mathématicien britannique Alan Turing, un des pères de l’informatique, qui dirigea le décryptage du système de codage Enigma des nazis… et se donna la mort avec une pomme au cyanure,  façon Blanche-Neige.

Dans le livre, tout irait pour le mieux dans le pire des mondes si ce petit Alan ne désespérait pas ses parents avec son sourire béat, sa joie de vivre insultante et sa manie de voir tout en positif. Une vraie graine de délinquant. Je ne vous ferai pas le mauvais tour de vous narrer comment tout ça va finir… Je  vous conseille  de lire tout simplement cette fable réjouissante. Elle nous rappelle que tout ce qui compte, c’est bien sûr le regard que nous portons sur le monde, notre vie et notre entourage. Pour nous, de la naissance à la mort, ce monde se résume surtout à ce que nous pensons qu’il est. Tout est perception…

En super bonus, rien de tel qu’un bref exposé par un grand gourou de l’optimisme : Philippe Gabilliet, professeur à l’ESCP Europe…

Message personnel : « D’ailleurs Guillaume, si tu m’entends, tu devais me prêter son livre majeur à Philippe Gabilliet : « Eloge de l’Optimisme »… en échange du « Trop Vite ! » de JL Servan-Schreiber que je t’ai passé. Je reste optimiste : si tu tombes dessus dans ta bibliothèque, tu vas peut-être y penser… »

iSommeil et il a pas vu passer l’heure fantôme !

Dans la nuit du passage à l’heure d’été, je ne faisais pas de cauchemar à propos de cette heure de sommeil en moins dont on nous rebat les oreilles (oui, on rabat les rétros et on nous rebat les oreilles… vous pouvez vérifier). Je ne l’ai pas vu cette heure en moins, car je dormais. Si j’avais été dans le train, je serais au moins arrivée une heure plus tard… Là, je n’ai même pas raté un rêve. J’ai même une preuve qu’aucune heure  n’a disparu dans un « pffft ».

Cette nuit-là, mon mobile intelligent (oui un smartphone quoi) enregistrait mes ronflements et mes éventuelles apnées du sommeil grâce à l’application iSommeil. Alors si une heure s’était évanouie, ça aurait fait un peu de bruit.

L’apnée je vous le rappelle, n’est pas réservée à ceux qui ont un ami dauphin et des ouïes sur le côté. Certaines personnes font de l’apnée quand Morphée leur chante une berceuse, suffisamment longtemps pour qu’à la longue, ça leur abîme la santé (mauvaise oxygénation, fatigue cardiaque, épuisement anormale dans la journée…).  Et au réveil, le Grand Blanc : ils ne se souviennent de rien.

Grâce à l’application iSommeil, j’enregistre pendant toute la nuit mes ronflements ou mes mouvements et je découvre le graphique le matin sur mon mobile intelligent. En plus, je me suis réveillée avec la musique de mon choix, y compris une des ritournelles de ma musicothèque portable. Je peux même faire dans la journée des tests pour évaluer ma vigilance. Cette petite merveille gratuite sur l’AppStore donne même les adresses des centres du sommeil si jamais la marmotte qui sommeille en vous réclame un docteur.

Un exemple de graphique à découvrir le matin au réveil, avec le croissant. Ce n'est pas le mien... j'ai un peu de pudeur tout de même.

Comment ? Vous pensez que je raconte des histoires à dormir debout ? Il ne vous reste plus qu’à aller sur l’App Store ou sur isommeil.com

A quand l’application pour enregistrer les rêves ? Jamais, je l’espère…

Promis, craché, on va nous sortir de là !

Moi j’aime bien quand le cynisme fait la courte échelle à la lucidité. Les petites phrases qui cachent le manque d’idées, les clivages qui empêchent de réfléchir, les idéologies dépassées et les recettes qui ne marchent plus… on en a marre. Mais cette « une » nous suggère peut-être quelque chose d’essentiel sur notre précieuse démocratie : toutes les promesses que l’on vous fera pendant cette campagne n’engageront que vous. Ce qui est vrai dans le joyeux contexte du lundi, est déjà faux une fois qu’on s’enfonce dans la mouise noire du jeudi… alors imaginez sur une échelle de 5 ans !

Mensonges par compromission, petits arrangements avec la vérité ou hallucination collective ? De toute façon, chacun voit le monde différemment selon le type de lunettes avec lequel il le regarde à longueur d’années. Et les lunettes, on ne les remarque plus lorsqu’on regarde à travers.

Je me demandais donc si les psychanalystes s’intéressaient à la façon dont leurs clients votent… parce que forcément, nous ne votons pas avec notre carte d’électeur, mais avec notre système de valeurs. Vous recherchez l’autorité du père, la justice et l’ordre ? Vous ne voterez pas comme la personne qui rêve avant tout de la protection et de l’assistance d’une maman qui a toujours plein de bonbons dans ses poches. Vous faites partie de ceux qui croient que l’homme est foncièrement bon et ne demande qu’à entraider son prochain ou à léchouiller la main qui le nourrit ? Vous ne voterez pas comme celui qui affirme que rien ne vaut la liberté et le mérite dans ce monde où l’homme sera toujours un loup pour l’homme.

Quelle que soit la couleur de nos lunettes, c’est quand même le moment de cogiter sur « où on va ? ». Pour cela, je vote déjà pour 3 livres qui m’ont fait forte impression. Si le coeur vous en dit, je vous en souhaite une bien bonne lecture !

Hervé Kempf : « L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie » (Seuil)

>oui, on peut voter et se faire quand même confisquer le pouvoir républicain : vive la lucidité de cet économiste/écologiste/ journaliste (le Monde)

• Edgar Morin «La Voie » (Fayard)

>un livre brillant à la croisée des chemins de notre civilisation : attention si vous avez le vertige !

• François de Closets « L’échéance » (Fayard)

>Querelles de chiffres entre candidats ? L’économiste qu’on ne présente plus passe au crible la note de frais qu’on nous présente : parfaitement anti-idéologique et édifiant sur plusieurs décennies de gestion pitoyable.