Il faut de l’expérience pour repartir de zéro

Voici l'affiche Grimbergen pour sa bière sans alcool avec le slogan "Il faut de l'expérience pour repartir de zéro"... Mais nous arrive-t-il vraiment de repartir de zéro, nous les humains ?

Cela tombe plutôt bien : avec la bière sans alcool Grimbergen, vous êtes sûrs de garder 100 % de lucidité pour réfléchir sur cette curieuse promesse publicitaire. J’avoue qu’elle m’a interpellée. Faisant désormais partie des femmes « d’expérience », je me suis presque sentie concernée. Avant notre propre date limite de consommation et la mise en bière, il est toujours bon de se remettre en question pour tenter des choses nouvelles. C’est une nécessité absolue, car à la vitesse où s’enchaînent les tendances et les technologies qui remplacent les précédentes, les êtres humains ont vite fait d’être touchés également par l’obsolescence.

La jouvence et la sagesse enfin réunies 

Comment faire pour retarder le moment où nous serons dépassés ? Un coach pourra peut-être nous aider. Et bien sûr, pour voir si le courant passe, il est conseillé d’établir un premier contact avec cette personne. Par exemple, autour d’une bière à déguster avec modération. Mais, ne nous égarons pas dans la mousse épaisse de la pression. Dans l’attente d’un coach, voyons si on peut déjà débroussailler le chemin nous-mêmes.

Repartir de zéro en sachant déjà tout ce que l’on sait, c’est un sacré avantage. C’est un peu comme ce que veut nous signifier l’adage « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ».  En fait, le vieux rêve de l’humanité, c’est même de savoir comment agir exactement avant même de se lancer, un peu comme si on avait regardé la fin du film en douce. Les cartomanciennes, pythies et autres voyants en ont même fait leur fonds de commerce.

Repartir de zéro, est-ce vraiment partir de zéro ?

« Il faut de l’expérience pour repartir de zéro » tire aussi sa saveur de son paradoxe brassé avec amour par Grimbergen. Mais en fin de compte, avec l’expérience, on ne repart jamais tout à fait de zéro, tout comme on ne « refait » jamais vraiment sa vie. On ne repart pas de zéro, car on utilise toujours consciemment ou inconsciemment ce qu’on a appris. On jette des passerelles utiles entre le nouveau et l’ancien, entre les échecs passés et les possibilités à venir.  

La Grimbergen est une bière d’abbaye d’origine belge dont la production a été lancée à l’abbaye de Grimbergen au début du XVIIe siècle par les moines Prémontrés. Autant dire qu’au niveau patrimoine historique à mobiliser dans le cadre de la loi Évin, on peut compter sur de l’ancienneté.  L’objectif des marques bien implantées, c’est de continuer à dire qu’elles feront toujours mieux que les nouvelles. Mais, comme dans une recherche d’emploi, le nerf de la guerre, c’est surtout d’avoir bien conscience que l’expérience n’est pas un capital acquis une fois pour toutes, mais un jardin à entretenir en permanence avec l’arrivée de nouvelles pousses, de nouvelles graines et de nouvelles compétences.

Et si finalement, le secret de l’expérience bien utilisée, avant même de revenir au point zéro, c’était surtout de n’être jamais arrivé au bout façon « Je sais tout. Point final » ?

REBONDS

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Quand la Citroën AMI rime avec ironie

Avez-vous récemment croisé des Ami dans la rue ? Non je n’ai pas oublié le s à la fin de Ami, puisque je ne parle pas de vos potes et autres copines, mais d’un modèle Citroën qui a fait de ses défauts apparents toute une campagne de communication. L’occasion de se demander comment on peut recycler aussi les défauts  ? Approchons-nous d’abord du véhicule.

Citroën Ami, le permis de rouler sans

Commercialisée depuis mai 2020, la Citroën AMI n’a pas un physique facile. On peut le dire sans risquer la sortie de route : c’est l’antithèse du coupé sport. Elle est là pour réinventer la mobilité urbaine à 4 roues, alors le physique, on s’en bat les jantes. Comme disait ma grand-mère, « la beauté ne se mange pas en salade » (oui deux guerres mondiales, ça marque au niveau de la hiérarchie de survie)…. mais revenons à cette AMI qui nous veut du bien. Accessible sans permis, à partir de 14 ans, AMI ne mesure que 2,41 m de long et ne pourra dépasser les 45 km/h. 100 % électrique, elle a une autonomie annoncée de 75 km et peut embarquer un passager qui veille apparemment sur 64 litres de rangement devant lui (l’équivalent d’un bagage cabine). Tout cela pour 19,99 €/mois (après un premier loyer de moins de 3 500 €). Il n’est pas indispensable de se rendre en concession : il suffit de passer par exemple chez Darty ou de commander en ligne. Voilà pour les caractéristiques techniques essentielles à approfondir ici si le cœur vous en dit.

Citroën AMI vous fait des clins d’œil dans le rétro

Voiture sans permis revue à la sauce électro-numérique, la Citroën AMI cible donc a priori les jeunes urbains qui assument le décalage de son parti-pris esthétique, pour ne pas être mouillés en scooter. La disruption esthétique et l’originalité de son mode de distribution sont au cœur de son ADN. Alors, forcément, anticonformisme, ironie et autodérision ne sont pas en option dans la campagne signée Buzzman. Les affiches Citroën AMI parlent d’elles-mêmes et ont assurément fait parler. Une exception rafraîchissante dans un secteur automobile qui se contente souvent en affichage d’une image du véhicule et (parfois) d’un discours revu et rebattu sur l’affirmation de soi et la folle liberté de rouler des mécaniques.

Assumer ses défauts, est-ce une marque de sincérité marketing ? Une nouvelle façon de créer de la connivence avec des consommateurs avertis qui auraient d’autres valeurs ? La sur-promesse des grandes années de surconsommation décomplexée est-elle derrière nous ? Faut-il croire plus facilement une marque qui nous montre fièrement ses talons d’Achille ? Que de questions à débattre entre ami.e.s…

Fausse sincérité ou vraie flatterie ?

Face à des défis sociétaux sans précédent, la population est peut-être en demande d’un discours plus engagé et moins convenu commercialement. Le succès d’une marque « citoyenne » comme C’est qui le patron ? en donne une preuve inattendue quand la démarche reste cohérente et transparente jusqu’au bout. Il faut des preuves solides, car les jolies promesses qui fleurent trop l’opportunisme éthique (greenwashing, engagement social restant à prouver…) ont du mal à duper totalement une population plus méfiante que jamais. De plus en plus de consommatrices et consommateurs aspirent à un discours de marque plus sincère, en rupture avec la condescendance supérieure du meilleur produit du monde. Alors pourquoi pas en mettant sur la table de chouettes défauts assumés pour mieux casser les codes de son secteur ?

Ou alors… cette ironie décalée est-elle simplement une façon de jouer avec notre ego de consommateur singulier et différent ? Serait-ce une nouvelle ruse du renard automobile pour causer plus efficacement au corbeau consommateur, bombardé de messages qui ne le flattent plus suffisamment ? C’est vous qui achetez, c’est à vous de répondre avec votre carte bancaire. Oui, je sais, ça met un peu la pression sociétale. À moins que, fatigués de cultiver la singularité individuelle, nous nous mettions à penser que la normalité absolument normale, c’est vraiment trop hype. Encore un nouvel angle de non-marketing ?  

LE SAVIEZ-VOUS ? Je publie désormais chaque mois une newsletter que j’envoie gratuitement par e-mail à celles et ceux qui le demandent : AZERTY, la lettre qui nous parle des mots. Mots de l’actu, mots pour frimer, néologismes, gros mots… tout ce qui peut nous mettre les mots à la bouche. Pour lire le dernier numéro et vous abonner, c’est par ici. On se dit « à tout de suite chez Azerty » alors !

Azerty, la lettre qui nous parle des mots

Alors, ça va de l’avant aujourd’hui ?

Il faut savoir continuellement s’étonner. Il paraît que cela maintient aussi jeune que les antioxydants et l’acide hyaluronique. Devant cette affiche de recrutement pour l’Armée de Terre, je n’ai nullement remis en cause la bravoure et l’abnégation de ceux qui sont prêts à mettre leur vie en danger pendant que nous sommes vautrés devant une VOD. Non, ce qui m’est venu, c’est plutôt « Tiens, c’est curieux : on dit à tout bout de champ aller de l’avant et on n’entend jamais aller de l’arrière. » Et là, nom d’un abribus, c’était parti. Déjà, c’est bien gentil de nous dire d’aller de l’avant, mais franchement, le temps passant inexorablement, on y va de toute façon vers l’avant, juchés sur notre flèche chronologique inarrêtable.

Sous le pléonasme, l’injonction

Notre langage courant est truffé de pléonasmes auxquels on ne prête même plus attention. Suivez mon regard vers les faux prétextes, les bips sonores, les monopoles exclusifs et les autorisations préalables. Si on est d’humeur bienveillante, on peut dire que c’est juste pour bien insister, surligner et en remettre une couche. D’accord, soyons magnanime. Mais « aller de l’avant » ne passe pas vraiment pour un pléonasme, car il recèle sans doute autre chose.

Cela fait des décennies qu’on ne peut plus se contenter d’aller tout court. Cela pourrait revenir à faire du sur place et c’est tout simplement inacceptable dans un monde où la nouveauté permanente et la croissance ininterrompue font tenir la machine. Grand mot d’ordre des séminaires de team building, l’injonction est devenue aussi permanente que subliminale. La pensée positive à toutes les sauces tient là aussi sa plus belle carotte, tendue aux ânes que nous sommes pour nous faire avancer de toute façon. Progressons droit devant et faisons toujours plus et mieux, car sans cela, il n’est point de bonheur conforme. Il faut donc aller de l’avant bien évidemment, ne pas trop regarder en arrière et ne pas trop réfléchir sur place.

Tourne 7 fois la boussole sur ta route

Attention, je ne dis pas qu’il faut aller de l’arrière pour se sentir mieux. Quelle drôle d’idée. J’aime en revanche la distinction qu’il faut faire entre l’innovation et le progrès. La première est immédiatement constatable puisque la nouveauté est instantanément manifeste ou pas. Le deuxième demandera en revanche du recul pour pouvoir juger dans un second temps du progrès effectivement réalisé. Donc, sur « aller de l’avant », je me dis juste que cette expression survalorisée cache peut-être notre tendance à confondre les deux. Parfois, on a l’impression de progresser alors qu’on fait juste du moonwalk, qui d’ailleurs n’a pas été inventé par qui vous savez. Et si la prochaine fois qu’on nous dit d’aller de l’avant, on soulignait d’abord que cela tombe sous le sens parce que le temps ne nous laisse pas le choix ? Et si on prenait ensuite le temps de déplier notre carte, au sens figuré, en ajoutant, « Ok, mais on va où finalement ? »   

Liberté, égalité, beau fessier… au secours !

liberté égalité beau fessier le temps des cerises pubParmi les féministes, il y a un peu de tout. Il y a des personnes plutôt cool qui viennent en paix vers le genre humain, mais qui aimeraient bien que les usages et les droits progressent plus vite qu’un escargot dans une trace de suie. Il y a aussi des personnes qui ont la moutarde au nez facile parce que des siècles de déni phallocrate, cela peut transformer l’impatience en grosse colère. On s’en douterait : dans l’ensemble, cette campagne de la marque Le Temps des Cerises ne leur a pas vraiment plu en février-mars dernier. Après avoir suscité la polémique, jusqu’à son retrait dans certaines communes, la voici de retour en novembre dans les rues. L’occasion de revenir cette fois-ci sur le sort qu’elle réserve au mot « fraternité ».

La fraternité à la trappe

Comment dire… Remplacer le mot « fraternité » de notre devise républicaine par « sororité » afin de souligner le combat pour rendre les femmes plus visibles et plus écoutées dans tous les domaines, on voit l’idée. Remplacer « fraternité » par « beau fessier », là, disons-le, on n’est plus dans l’amicalité et le progrès du genre humain.

« Habillez-vous donc chez nous et vous aurez de plus belles fesses » n’était pas trop jouable… et puis c’est trop long, voire un peu sur-prometteur. Il vaut mieux s’en tirer avec une revendication pseudo-révolutionnaire et une rime qui balance pas mal des hanches. Au pire, c’est le bad buzz des Chiennes de Garde, mais pourquoi pas ? C’est quand même du buzz… On brûle d’envie de consulter les recommandations du planning stratégique sur cette campagne. Sous-titrage pour les non-communicants : le planning stratégique n’a rien à voir avec le planning familial. Dans les agences de pub, c’est le service réunissant des têtes pensantes très à la pointe des tendances marketing et sociologiques pour identifier le bon angle à donner à un message publicitaire hyper en phase avec son époque.

Le marketing de la fesse, c’est compliqué

À la place, nous devons nous contenter de la justification de la marque face à la polémique sur les réseaux sociaux (sur son site également): Lire la suite « Liberté, égalité, beau fessier… au secours ! »

Un Épicure de rappel ?

Vignerons de Champagne, luxe, fête, quotidien, EpicureLe saviez-vous ? Le bling bling, c’est vraiment très has been. La preuve avec la nouvelle campagne de communication des Vignerons de Champagne : place au luxe quotidien dans toute sa sobriété. Personnellement, comme j’adore me régaler de bonnes sardines à l’huile sur une tranche de pain au levain légèrement tartinée de beurre, je ne pouvais que tomber en arrêt devant l’une des affiches où le vin pétillant accompagne mon festin marin. Trinquons ensemble à la santé des oxymores…

Nature morte pour célébrer la vie

Nous voici donc en pleine nature morte, un peu hors du temps. S’il n’y avait pas cette boîte en métal entrouverte et fort industrielle, un peintre hollandais du XVIIe S. pourrait se trouver dans la pièce. On a commencé à croquer dans la tartine en fermant les yeux. La table a l’aspect du béton ciré : un luxe qui ne dit pas son nom, tout en rudesse et sans apparat. Elle trône fièrement cette flûte, élancée vers le ciel dans le sens des bulles qui s’échappent aussi vite que les secondes de délectation. Au lieu de savourer distraitement le breuvage royal dans une assemblée festive et bruyante, nous voilà semble-t-il en solo, en douce et sans confettis.  Le champagne tente de se désolidariser de ce qui fait son univers de prédilection : la fête, l’anniversaire, la célébration, l’exception. Dans un oxymore imparable, le voici « réservé à toutes les occasions ». Le prix moyen d’une bouteille de champagne permet-il au breuvage de remplacer votre eau pétillante ? Attention, il faudrait que vous demandiez à votre banquier et à votre médecin généraliste. Je le rappelle : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé et votre porte-monnaie. À consommer donc avec modération. »

Le champagne : autant de bulles que de questions.

Avec un tel bouleversement de notre échelle des valeurs entre la sardine et le caviar, un flot de questions ne tarde pas à nous assaillir dans l’abribus… Lire la suite « Un Épicure de rappel ? »

Soyez inspirés !

Inspiration Soyez Inspirés ! Barilla Comment avoir des idées ? Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais il suffit qu’on me dise « Sois spontanée et naturelle » pour que tout à coup, un indélicat parfum d’injonction paradoxale se dégage dans la pièce. On ne peut être spontané que si personne ne nous a rien demandé. De la même façon, je me demande vraiment si on peut être inspiré… sur commande ?

Mais au fait, c’est quoi l’inspiration ?

En pleine suspicion de paradoxe, soyons donc méthodiques au pays des muses. Allons d’abord pêcher la définition. Larousse.fr nous dit ceci : inspiration définition Comment avoir des idées ?On s’aperçoit donc qu’en ce qui concerne l’inspiration, deux canaux sont possibles. On peut la chercher en soi comme une impulsion ou un feu follet qui s’amuse à vous échapper quand vous croyez la contrôler. On peut aussi l’espérer comme une intervention extérieure venant d’une source mystico-invisible : Dieu, muse, ange-gardien, esprit bienveillant, etc.  Donc, dedans ou dehors ? D’emblée, cette chose, on ne sait jamais où on l’a rangée : voilà qui ne facilite pas les choses. Dans un cas comme dans l’autre, cela peut se terminer par une banale sauce tomate sur les fusilli si l’inspiration a décidé d’aller crécher ailleurs. Je vais vous faire un aveu fondé sur mon humble expérience personnelle : s’en remettre à l’inspiration, il n’y a finalement rien de plus bloquant. C’est un tremplin à excuses. Lire la suite « Soyez inspirés ! »

Être ou ne pas être soi-même… en T-Roc.

Volkswagen T-Roc affiche Il est emps d'être vous-mêmeVous ne pensiez pas qu’avec une Volkswagen, on pouvait avoir du Nietzsche en option ? On n’arrête pas le progrès philosophique, surtout à 130 km/h. Avec cet appel à devenir enfin soi-même, ce Nouveau T-Roc roule à la singularité et nous donne une leçon de conjugaison. Introspection automobile…

Le crossover T-Roc, pour celles et ceux qui savent lire.

Tout d’abord, je voudrais rendre hommage à l’équipe créative qui a osé faire des affiches avec des accroches textuelles au moment où je croise de plus en plus d’affiches « muettes » pour des constructeurs automobiles. Une photo, un nom de modèle et un prix. N’ont-ils plus rien à dire ? On compatit. Sous la signature « Il est temps d’être vous-même », le Volkswagen T-Roc a récompensé mon attention en me donnant à réfléchir. Que me dit-on ? Lire la suite « Être ou ne pas être soi-même… en T-Roc. »

May the softness be with you

Eric Bompard cachemire publicité 2017 Soft is the new strongLa trêve de Noël peut être propice aux épanchements utopiques. On peut rêver que toutes les familles se réconcilient autour de la bûche, que la paix universelle entraîne la liquidation totale des industries de l’armement. Générosité, douceur et volupté… En attendant, et à défaut de changer le monde avant l’année prochaine, Éric Bompard nous propose de toucher du cachemire. Divinement chaud et incroyablement doux, le poil de chèvre de Mongolie pourrait-il faire fondre le cœur d’un dictateur et le transformer en agneau ? On peut bien sûr sérieusement en douter.

Bien emmitouflés dans le « soft power »

Qu’à cela ne tienne : dans la grisaille, le béton et les arches de métal, un ange voilé de rouge survole la dureté du monde sur son skate-board. « Soft is the new strong » nous dit Éric Bompard. Effectivement, à l’heure du soft power, la force ultime est plus que jamais dans le pouvoir charismatique et sans contrainte. Tout en douceur, en séduction et en évidence, s’appuyant sur d’autres leviers que la violence. Dans l’entreprise, l’autoritarisme ne permet déjà plus de retenir les meilleurs éléments qui marchent plus que jamais au management qui donne du sens, au leadership qui fait confiance. La force douce, c’est aussi l’accumulation des gouttes d’eau qui creusent une à une la pierre sans relâche ou les millions de pétitionnaires sur Internet  qui font pencher la balance.

Sous le charme de l’évidence avec Hannah Arendt ?

La force douce ne serait-elle pas à rapprocher de la définition de la véritable autorité par la philosophe Hannah Arendt ? Ni coercitive, ni bavarde en argumentation, la véritable autorité décrite par Hannah Arendt s’impose en toute légitimité par son évidence indiscutable. Non coercitive, parce que contraindre, c’est déjà avouer son impuissance sur le long terme. Avare d’arguments à rallonge, parce que trop expliquer, c’est déjà mettre en doute sa légitimité. Le paradoxe de cette autorité tient-il aussi à un parfait dosage entre mystère charismatique et évidence des faits, qui en renforce la transcendance ? On peut imaginer parfois que comme pour se lover dans un pull à la chaleur et à la douceur idéales, tout cela ne tient qu’à un fil… mais quel fil !

 

Peut-on toucher sans retoucher ?

Photo non retouchée, Damart, Décret PhotoshopAu printemps dernier, on apprenait que Claudia Cardinale avait été retouchée sur l’affiche du Festival de Cannes. Alors, comme ça, au royaume de la fiction, on ne se contente pas seulement de raconter des histoires, on maquille la réalité ? Heureusement le « décret Photoshop » va désormais nous rappeler que certaines perfections féminines ne sont accessibles qu’après de nombreux clics de souris… qui, vous l’aurez remarqué, rime avec bistouri.

La vérité au fond du filtre ?

La mention « photo retouchée » veut ramener de la transparence là où les défauts ont été floutés. Mais la vérité toute crue, ce n’est pas si simple. Notre premier réflexe est de toute façon d’envisager la photo comme un miroir neutre de la réalité, alors même que la technologie numérique a aggravé l’écart possible entre la photo et le réel. Comment cette mention empêchera-t-elle l’image de flouer, de faire déduire, spéculer ou fantasmer ?

Susan Sontag nous avait pourtant ouvert les yeux…

En 1977, avant même le déploiement de la photographie numérique, Susan Sontag nous rappelait dans son essai « Sur la Photographie » que « la façon dont l’appareil photo rend la réalité dissimule toujours plus qu’elle ne montre. »  Construite, cadrée, modifiée, « filtrée », etc., la photo à des fins publicitaires (comme à des fins narcissiques sur notre compte Instagram…) est une image qui mêle matériau réel et un retravail du ressort de la  fiction. Tout dépend alors du contrat de confiance qui lie le spectateur et le photographe. Avec « Photo non retouchée », Damart veut sans doute nous associer à un refus du jeunisme et nous y sommes plutôt bien disposés. Mais nous voilà bien démunis pour nous assurer de l’authenticité de cette affirmation qui, au final, s’appuie sur notre confiance « aveugle ».

En fait, il faudrait, dès le Cours Préparatoire, apprendre à ne jamais confondre au premier regard image et réalité, photo et vérité vraie. Devant une image dont on ignore les coulisses, tout reste à interroger. Sans cela, chaque photo, qu’elle soit un exercice esthétique ou un morceau journalistique de la réalité, risque de nous renvoyer dans la caverne de Platon, enroulés dans la peau de bête de nos illusions…

« N’importe quelle photographie est chargée de sens multiples ; en effet, voir une chose sous la forme d’une photo, c’est se trouver en face d’un objet de fascination potentielle. Au bout du compte, l’image photographique vous lance un défi : « Voici la surface. A vous maintenant d’appliquer votre réflexion, ou plutôt votre sensibilité, votre intuition, à trouver ce qu’il y a au-delà, ce qui doit être la réalité, si c’est à cela qu’elle ressemble. »

Susan Sontag, Sur la photographie – Dans la caverne de Platon – Traduit par Philippe Blanchad – Éditions Christian Bourgois

 

 

Marre de me lire ? Écoutez-moi dans #2050LePodcast

#2050LePodcast Rebecca Armstrong podcastJe peux vous dire que vous allez m’entendre ! Attention : aucune menace autoritariste derrière cette expression. Il faut l’entendre au premier sens du terme. Rebecca Armstrong m’a en effet invitée à parler publicité et philosophie en 2050. Un mix étrange et taillé sur mesure pour ma pomme, enregistré chez les Normandy Web Xperts. On airLire la suite « Marre de me lire ? Écoutez-moi dans #2050LePodcast »

Algorithm’n’blues

TSF Jazz, publicité, robot, algorithme, It's a human thing

Quand vous êtes d’humeur chagrine le lundi matin, il vous arrive de vous demander entre collègues et entre deux cafés si vous serez bientôt remplacés par des robots ? Voilà une inquiétude bien légitime face à la surenchère technologique des prodiges de l’intelligence artificielle. Notre monde pourrait basculer dans un cauchemar de science-fiction ou au contraire inventer un nouvel âge d’or du farniente.

Algorithme ? Est-ce que j’ai une gueule d’algorithme ?

Heureusement, même les plus pessimistes s’accordent pour dire que la créativité pure et les métiers du soin seront encore pendant quelque temps l’apanage de l’être humain. Comme pour nous rassurer en musique, TSF Jazz a choisi de souligner que le jazz en est l’illustration : une échappée constamment réinventée, entre improvisation et standards, qui ne répond à aucun programme et préfère toute la gamme des émotions à l’alignement des 0 et des 1. Nous voilà donc ravi.e.s de voir notre apprenti cyber-trompettiste totalement dépité. C’est bien joué tout ça, mais vos doutes sur ce qui nous rend irremplaçables ne s’en vont pas ?

Descartes avait tiré les choses au clair…

Néanmoins, si des intelligences artificielles peuvent désormais composer de la musique (oui, oui), il n’est pas inutile de revenir avec Descartes sur ce qui nous distingue au final de la machine et de l’animal. Être humain, c’est ne pas pouvoir compter sur les schémas très encadrés de l’instinct animal. Être humain, c’est ne pas pouvoir fonctionner selon un programme préétabli comme un machine. Être humain, c’est donc se confronter au tâtonnement, à l’échec et… à la terrible liberté de choix. Aujourd’hui, face à tous les assistants numériques et prédictifs qui colonisent notre quotidien en nous profilant, la résistance va peut-être consister à rester encore plus imprévisibles qu’un solo de jazz.

Et puis, avec notre connaissance intime et millénaire de l’échec, qui sait si un jour nous ne serons pas les mieux placés pour venir en aide à des robots déprimés… car incapables d’improviser aussi bien que nous ?

Rebond bonus avec philosophie magazine

La série scandinave Real Humans qui brouille les cartes et nous affole les circuits imprimés.

Détartrage obligatoire

affiche Fnac septembre 2017, souriez, c'est la rentréeS’il est de bon ton de claironner « Vivement les vacances ! », il est tout aussi logique de souligner l’effort résigné que nous faisons pour reprendre le chemin du labeur. La vérité toute crue, c’est qu’il n’est pas tenable de s’épanouir 5 semaines par an seulement… en passant les 47 autres à gagner de quoi repartir.

Faites un effort, pas la gueule.

Heureusement, la Fnac, grande pourvoyeuse de distractions en tous genres, sait nous remonter le moral dans ces moments difficiles. Puisque nous savons que ce retour à la dure réalité est inéluctable, sourions à la rentrée et à ce que ce nouveau cycle saura nous apporter. Nouveaux défis, nouvelles découvertes, nouveaux succès… : voilà ce qui nous attend et puisque «quand on veut, on peut… », il suffit de sourire un bon coup pour repartir du bon pied. L’image qui nous est présentée souligne qu’il vaut mieux avoir de belles dents et une carnation qui en fasse ressortir la blancheur. Si vous n’avez pas une dentition parfaite à offrir à la vue de vos semblables et si vous trouvez cette pression positive un peu culpabilisante, tentez une autre approche…

Le sourire stoïque, qui ne connaît pas la panique.

Marc-Aurèle, empereur romain et philosophe, nous a livré l’essence de la sagesse stoïcienne dans une vraie astuce de coach. Elle se résume dans une prière : « Donne-moi la force d’accepter ce que je ne peux pas changer, la volonté de changer ce que je peux changer, et la sagesse de savoir distinguer les deux. ». Voilà une distinction qui a changé la vision de nombreux managers et qui peut être utile face aux échecs et réussites à venir. La rentrée est là et vous ne pouvez rien y changer. Si vous vous lamentez sur ce qui n’est pas en votre pouvoir, vous n’avez plus assez de force pour « performer » là où vous le pouvez vraiment.

Sourire en faisant tout cela sera bien sûr un atout auto-persuasif. Si vous n’y arrivez décidément pas, seul Confucius peut vous aider. Avant de créer son cabinet de recrutement, il aurait en effet asséné : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. »

 

Un coyote pour chacun, tous pour mon coyote.

avertisseur Coyote, affiche juillet 2017, radars, légalité, HobbesVous larguez la routine pour la route des vacances ? Dans ce monde automobilistique très balisé, la technologie vous permet quand même de déjouer d’indésirables pièges. Une technologie que la campagne de l’avertisseur Coyote a choisi de cacher derrière son animal totem. Même si vous pensez disposer d’un ange gardien, ce coyote est assurément l’animal embarqué le plus utile pour signaler les radars…

Bienvenue dans la « meute ».

Cet outil… pardon, ce rusé compagnon à poil brillant, indique en réalité les « zones dangereuses », car il est illégal d’indiquer l’emplacement exact d’un radar. En accédant à cette technologie, le conducteur solitaire rejoint néanmoins avec intérêt une communauté d’utilisateurs connectés, appelée… « meute ». Chaque conducteur se connectant à cette intelligence collective pour signaler la présence d’un « danger », c’est même toute la « meute » qui veille sur chaque conducteur… et non un seul coyote. Que de sollicitude. On peut alors s’interroger sur ce regard vert un brin menaçant au centre de l’affiche : en guise de protecteur bienveillant, ne suis-je pas plutôt face à une espèce de Leviathan omniscient et scrutateur ? Paradoxal…

C’est là où Hobbes sort de sa tanière.

Au XVIIe S., l’anglais Hobbes marqua la philosophie en considérant que la prétendue sociabilité de l’être humain s’était simplement installée à cause de sa crainte de la mort violente dans un chaos sans foi, ni lois. Abdiquer sa sauvage liberté contre une entrave juridique protectrice, ce serait le vrai deal de la vie en société. Au XXIè S., on ne voit plus les choses avec le même écran : l’homme n’est pas un loup pour l’homme, mais chaque conducteur est un coyote pour chaque conducteur… de façon à s’affranchir autant que possible des limitations désagréables de l’État. Serait-ce le nouveau filon de l’économie collaborative, même s’il faut pour cela rester connecté sous des regards plus ou moins inquisiteurs ?

En attendant la réponse, précisons que le coyote à poils ne pouvant atteindre qu’une vitesse de 60 km/h, nous espérons que vous rejoindrez votre lieu de villégiature un peu plus rapidement…

REBONDS

Oups, révisons notre Hobbes

Et hop, ouvrons le capot du Coyote

L’intelligence artificielle, on peut en mettre partout.

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L’intelligence artificielle, elle entre dans nos vies et donc dans la pub…

À cette heure bien tardive, il fait encore 30° C à l’extérieur, fin juin, au Nord de la Seine. Mes circuits sont un peu en surchauffe et je me demande si je ne résisterais pas mieux à tout cela une fois transformée en androïde, avec climatiseur 3.0 intégré. Nous sommes humains, trop humains et particulièrement sensibles à notre environnement. Nous en prenons cruellement conscience alors que le XXIe S. voit émerger toutes sortes d’assistants informatiques, d’applications bienveillantes et d’objets connectés et surdoués… tant qu’ils sont alimentés en énergie électrique. Emploi, santé, éthique, défense… : l’intelligence artificielle s’invite dans la plupart des débats. L’algorithme et le robot émergent donc aussi dans l’imaginaire publicitaire. Terminator ou C3PO ? Peut-être rien de tout ça… ou les deux à la fois. Pour nous y retrouver, j’ai semé des cailloux-liens dans le texte qui suit…

Vous avez dit « intelligence » ? Comme c’est artificiel…

Elles calculent bien plus vite que nous, modélisent à merveille, supprimeront à terme tous les emplois de comptables ou de taxis. Ce sont les intelligences artificielles (IA). Oui, artificielles, car nous les avons créées de toutes pièces, en inventant les mathématiques puis l’informatique. Mais, n’est-il pas primordial à ce stade d’interroger ce qu’on entend exactement par « intelligence(s) » : la naturelle et l’artificielle. Une définition indispensable avant de cerner les frontières entre ce que nous pouvons déléguer aux IA et ce que l’on peut encore espérer conserver, nous les vrais humains, comme chasse gardée. Je vous conseille donc en préambule de vous plonger dans ce tour du propriétaire de l’intelligence tout court, signé Yann Gourvennec : caillou-lien.

Techno-béat ou techno-cassandre ?

C’était un bon début avant de rappeler que des esprits brillants ont déjà émis des doutes sérieux sur le danger du développement naïf d’intelligences artificielles. C’est l’avis de Stephen Hawking ou même de Bill Gates : caillou-lien. C’est vrai cela : elles pourraient finir par comprendre que la Terre se porterait beaucoup mieux sans les humains et par faire sauter les pauvres verrous de sécurité que ces derniers leur ont collés.

A contrario, les transhumanistes de la Silicon Valley s’imaginent déjà vivre éternellement grâce à leur pacte faustien avec les biotechnologies et l’IA. On appelle même ça la singularité et de richissimes humains seraient bien sûr prêts à en être. Mais comme d’habitude, entre l’angoisse et l’utopie, la vérité est peut-être ailleurs : en tout cas, c’est ce que nous expliquait récemment Jean-Gabriel Ganascia, professeur d’informatique et expert IA : caillou-lien.

Mouliner de la data, c’est pour vous les IA…

algorithme et recrutement Randstad intelligence artificielleQuels que soient les futurs effets secondaires de l’IA, on s’accorde, pour l’instant, sur le partage des tâches entre nous et elle. La campagne de la société d’intérim Randstad illustre bien la banalisation de la puissance de l’algorithme et de ce terme très technique qui rentre désormais dans le langage courant. L’intelligence artificielle est en train de rafler la mise lorsqu’il faut chercher une aiguille dans une boîte de foin : trouver quasi-instantanément l’info sur Internet, faire coïncider le profil de candidat et le poste ad hoc, trouver le bon itinéraire plus vite que tout le monde… analyser en somme une quantité de critères et de datas en un temps record pour répondre à un objectif précis. Comme je l’évoquais dans un billet précédent à propos de l’appli Jobijoba, le recrutement s’est déjà emparé de la puissance algorithmique… et ce sera peut-être un jour une bonne nouvelle pour faciliter le retour à l’emploi.

Son autre destin à l’intelligence artificielle, c’est de pister tous les signaux prédictifs et de faire du profilage pour détecter des événements à éviter… y compris les suicides : caillou-lien. Si cela vous rappelle Minority Report, c’est que vous avez décidément trop de culture. On touche bien sûr là du doigt une des pierres d’achoppement éthiques du Meilleur des Mondes sous intelligence artificielle. Mais ce n’est pas la seule. Les nouvelles générations d’intelligence artificielle sont capables d’apprendre par elles-mêmes pour progresser dans la pertinence du service rendu : c’est ce qu’on appelle le Machine Learning, et encore plus fort le Deep Learning. Apprendre c’est bien mais jusqu’où ? Au point de nous échapper ? Fin 2016, les chercheurs du programme Google Brain découvrent que deux IA ont réussi à créer dans leur coin un algorithme unique pour communiquer sans être comprises des autres intelligences… : caillou-lien.

…faire des trucs imprévisibles, c’est pour les humains.

TSF Jazz Campagne pub 2017 It's a human thingComme l’illustre la publicité TSF Jazz, l’humanité essaie néanmoins de se remonter le moral, en glorifiant des atouts indépassables liés à sa sensibilité et à un fonctionnement aléatoire et mystérieux du cerveau biologique. C’est une bouffée d’espoir narcissique et d’ailleurs les prospectivistes considèrent que les voies d’orientation les plus sûres pour nos bambins (en dehors de l’ingénierie informatique) sont celles qui font appel à la créativité artistique ou au relationnel humain pur qui réclame de l’empathie : caillou-lien. Créativité, peut-être. Néanmoins, une agence publicitaire a déjà testé pour Toyota la création publicitaire assistée par intelligence artificielle, pour sortir 1 000 slogans adaptés à 100 cibles différentes : caillou-lien.

De la pub peut-être mais pas touche à la littérature ? Plumitifs imbus de votre verbe, tremblez : d’autres grands voyants de la technologie voient les robots écrire de « vrais livres » dès 2049 : caillou-lien. L’écrivain Antoine Bello nous y a déjà fait croire assez aisément en 2016 dans son roman ADA, dont je conseille vivement la lecture.

Je vous le dis tout net : cela va devenir compliqué. On aura peut-être un label bio du type « 100 % écrit par un auteur humain ». Vous-même, êtes-vous bien sûr que c’est Anne DEBRIENNE en chair et en os qui a écrit ce que vous venez de lire ? Je vous laisse à votre perplexité pour recharger ma batterie et remettre mes circuits imprimés au frais.

REBONDS

Vous pensiez vous rendormir tranquille ? Laurent Alexandre va vous mettre un brin la pression :

La grande vaisselle

Liquide vaisselle Maison Verte, élu produit de l'année 2017, élu et efficace, c'est possible

En cette période où nous prenons le chemin des urnes, les éditorialistes aiment nous rappeler que dans de nombreux pays, les électeurs sont enclins au « dégagisme ». Magnifique néologisme pour dire qu’il y a une envie de rompre avec ceux qui s’accrochent aux rênes du pouvoir depuis trop longtemps. Un ras-le-bol du « On prend les mêmes et on recommence… ». Alors, c’est vrai que pour passer un bon coup d’éponge et retrouver des élus tout propres, rien de tel qu’un bon liquide vaisselle. En plus, s’il est plutôt « éco-responsable », un tel coup de torchon ne peut qu’accroître notre bonne conscience… Eh oui, l’année où aucun parti « purement » écologiste ne se présente aux élections présidentielles, c’est un liquide vaisselle écoresponsable qui se fait élire « produit de l’année 2017 » par les 10 000 foyers d’un panel de consommateurs. Les foyers laveraient donc déjà plus vert alors qu’il n’y a plus que les dinosaures ou les réactionnaires monomaniaques pour avoir oublié le développement durable et la survie de notre écosystème dans leur programme politique ! Mais je m’égare dans l’évier rempli de mousse… car je voulais vous faire remarquer que Maison Verte surfe aussi sur la vague du grand discrédit qui touche nos élus. Un clin d’œil opportuniste aux lamentations des Français au coin du zinc. Disposant de privilèges qui passent de plus en plus mal en période de serrage de ceintures, les élus seraient accusés en plus de ne pas faire correctement leur boulot au service de l’intérêt général. Ils seraient bien chers payés pour ne pas tenir leurs promesses et cultiveraient volontiers le conflit d’intérêts en lieu et place de l’intérêt général. Comme dans beaucoup de domaines, j’espère seulement que c’est le comportement honteux ou l’incompétence crasse de certains qui cache la forêt de tous ceux qui sont honnêtes et impliqués. C’est quand même dommage de gâter la soupe comme ça avec des bouts de pain moisis. Mais ce n’est pas tout : cette affiche captée à 7 H 38 m’a évoqué autre chose. Figurez-vous que dans la caste des liquide-vaisselle, je découvre qu’on ne se fait pas élire avant d’avoir prouvé son efficacité, du genre « je lis ton programme au dos de la bouteille et je te désigne comme président des liquide-vaisselle ». Non, là le liquide-vaisselle Maison Verte a été élu parce qu’il a apparemment fait ses preuves ! C’est une reconnaissance au mérite et non un blanc-seing pour faire à sa sauce pendant cinq ans. Comme quoi, il faut faire ses preuves pour être élu liquide-vaisselle de l’année 2017, alors que pour être Président de la République, il suffit de faire des promesses. Pour calmer votre trouble, je peux simplement vous concéder la taille de l’échantillon : normalement nous devrions être plus de 10 000 à glisser un bulletin dans l’évier.

Il me reste à vous souhaiter une bien bonne vaisselle. Évitez au moins de gaspiller l’eau, vous serez gentils.

Et si la Réalité était une espèce à protéger ?

La Peugeot 3008 vient d’être sacrée « Voiture de l’année 2017», devenant d’ailleurs le premier SUV à recevoir ce prix. Je n’ai pas décidé de vous vanter ses qualités comme un pigiste de la presse auto. Non, je ne vais pas vous embarquer là-dedans. Cette consécration a simplement fait remonter de ma mémoire son spot publicitaire dont le concept avait titillé mes centres d’intérêts du moment. Le mâle du spot est en train de se faire un kif « pilotage extrême » à l’aide d’un masque de réalité virtuelle… quand finalement la réalité vraie reprend ses droits. Tout un symbole de ce qui nous taraude en 2017 ? Replay SVP…

Le slogan nous met donc bien le point sur le i de réalité : « Et si la réalité était la sensation la plus excitante qui soit ? » Un clin d’œil aux futurs véhicules autonomes qui ne se conduiront même plus, laissant sur leur faim les nerveux adeptes du levier de vitesses ? Peut-être… Une ode à l’aventure, la vraie (mais avec les airbags tout de même) ? Faut voir… En tout cas, l’appel de la réalité vraie, ce n’est pas une question pour de rire à l’heure où les technologies de Réalité Virtuelle veulent nous faire vivre des expériences ultimes garanties en sensations fortes, sans les risques qui y sont liés. Survoler New-York tel un oiseau comme au MK2 VR de Paris ou piloter un XWing comme dans StarWars n’offre pas de sensations « fausses », même si ce qui les a provoquées est artificiel. Le sujet est de savoir si le jeu de dupe du virtuel peut faire bouger les lignes quant à notre perception générale de ce qui est « réel », puisque désormais tout ce qui est numérique ou digital fait partie de notre réel. Le problème est de savoir si la pauvre réalité imparfaite pourra supporter la concurrence de l’univers virtuel paramétré selon nos désirs du moment. À force de nous offrir des expériences ultimes et de plus en plus personnalisées, la technologie va-t-elle nous rendre la vraie vie particulièrement terne et décevante ? Ne va-t-on pas aussi vers une scission entre ceux qui préféreront se réfugier dans le « virtuel » et ceux qui, dans le rejet du « faire semblant », revaloriseront ce qui ne se vit qu’une fois, par hasard et sans appuyer sur un bouton ?

Ce n’est peut-être pas une coïncidence si le débat enfle en parallèle autour des fake news, de la novlangue politique chère à Orwell ou de la post-vérité incarnée par Donald Trump. Si la frontière devient de plus en plus poreuse entre ce qui est vrai et ce qui pourrait l’être, la notion même de réalité pourrait perdre son importance… au point de devenir aussi floue et brumeuse que l’atmosphère irrespirable de Shangaï. La liberté d’expression et la rapidité des échanges va même peut-être de pair avec l’extension de notre crédulité, nous les créatures finalement plus « croyantes » que « raisonnantes »… Eh oui, certaines vérités sont changeantes et la réalité fort complexe. Il fut même une époque où l’on croyait que la Terre était plate… parce qu’on n’en avait jamais fait le tour. C’est vous dire si notre crédulité est vaste.

Heureusement, avant de vous replonger dans l’empire du faux avec le Gorafi ou un jeu vidéo, vous avez 5 mn pour découvrir en podcast pourquoi au final la vérité nous importe si peu… Replay SVP.

Mangez-en !

pub-barillaAu secours. Je suis à deux doigts de créer la Société Protectrice des Idées Créatives : la bien nommée SPIC qui se piquerait justement d’embellir coûte que coûte le quotidien avec malice, de nous chatouiller avec de l’humour ou d’indemniser nos 10 secondes d’attention forcée avec de l’intelligence. Qui t’es toi Barilla pour me déranger avec ton affiche et penser que me dire juste « Découvrez mes pâtes machin » allait suffire à faire émerger le début de l’envie du désir de la curiosité ?
Amis de la belle accroche publicitaire, de la poésie marketing qui entre en résonance avec l’inconscient collectif, du slogan-dicton à deux balles qui va rester dans les mémoires, l’heure est grave. Il faut entrer en Résistance. Il y a des dir’com au ras des pâquerettes qui nous font honte. Ils jouent la platitude du message pour espérer ne surtout pas émerger. Ils ont oublié que pour séduire, il faut commencer par étonner, sortir du brouhaha, illuminer la grisaille. Alors voilà, les chevaliers sans tête de la Guilde de l’Impératif ont encore frappé. C’est bien connu : l’impératif, c’est rudement dynamique et il suffit de parler aux consommateurs à l’impératif pour qu’ils s’exécutent comme dans une dictature qui leur aurait lavé le cerveau. À ce rythme-là, n’importe quelle intelligence artificielle va pouvoir rédiger au kilomètre des slogans qui commenceront tous par « Faites… », « Découvrez… », « Essayez… », « Goûtez… »…  À ce rythme-là, ce ne sont pas des SDF morts de froid qu’on va retrouver dans les abribus mais des consommateurs morts d’ennui à force de voir des affiches ânonnant les mêmes types d’injonctions.

Face à cette affiche, j’ai imaginé la réunion qui a scellé son destin et l’envolée finale en rase-motte : « Bon, c’est bien gentil votre idée-là, mais en fin de compte, j’aimerais qu’on revienne à l’essentiel de notre produit. Vous savez, les gens ont besoin de simplicité, surtout ceux qui mangent des pâtes. Le bio, c’est sans bla bla, sans pesticides et sans tourner autour du pot de sauce tomate. On n’a qu’à mettre « Découvrez les Pâtes Barilla Bio » et une belle assiette de pasta. C’est bien ce qu’on veut dire au fond, non ? »

En tant que conceptrice-rédactrice publicitaire, je fais un vil métier, mais j’y mets un minimum d’honneur : respecter l’attention du consommateur en lui offrant autre chose que la platitude absolue dans un monde où chacun cherche l’étincelle. Alors, sache-le Barilla (j’espère que tu apprécieras l’emploi de l’impératif…), je ne suis pas près de les « découvrir » tes pâtes.

Le jeunisme, ça va faire pschitt…

kronenbourg affiche jeunismeRegarde, Mamie Yvette, tout fout le camp : si tu ne sirotes plus des bières à 69 ans en boîte de nuit, tu peux aller directement jouer au memory à la Résidence de l’Ultime Délivrance. De toute façon, les grands-mères ne peuvent plus être vraiment vieilles. Elles font des treks au Népal entre deux liftings et grignotent des baies de goji en snappant sur SnapChat. Ah… Mamie Yvette me signale dans l’oreillette que c’est grâce au bourrage de crâne du jeunisme pour vendre des trucs qui empêchent de vieillir. Elle dit que d’ailleurs, à l’inverse, tous les jeunes ne rêvent pas de monter une startup en buvant de l’élixir de Taureau Rouge… mais veulent plutôt dans leur majorité un boulot de salarié qui leur permette de commencer à vieillir, et qu’il faudrait arrêter avec les clichés à deux euros. Elle déplore qu’il n’y ait pas d’études d’âge, alors qu’il y a des études de genre. Oui, elle est comme ça, Mamie Yvette. Mamie Yvette, vous m’entendez ? J’entends un petit ronflement. Mamie Yvette nous a lâchement plantés là pour aller faire une petite sieste postprandiale, toujours la bienvenue à son âge. En attendant qu’elle se réveille, nous avons juste le temps de nous appesantir sur un des paradoxes de notre merveilleuse époque…

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«L’Homme Nu » passe la visite digitale

mon nouvel appart orange affiche

Regardez bien cette affiche signée Orange… On dirait qu’avec la 12G et l’Ultra Wi-Fi, vous pourriez avoir votre résidence secondaire dans tous les Hilton de la Terre. Une fois les frontières abolies et les vilains États leveurs d’impôts démantelés, vous pourriez devenir le nomade libre d’aller et venir sur la planète geek. Plus de racines, plus de vie privée, plus de CDI…. Un vrai « citoyen » du monde. Le problème, c’est qu’au moment où cette affiche m’a tapé dans l’œil, j’étais aussi en pleine lecture du livre « L’Homme Nu » de Marc Dugain et Christophe Labbé, et forcément, je l’ai vue autrement ma jolie affiche… Lire la suite « «L’Homme Nu » passe la visite digitale »

Le voisin a tout… et surtout ce que je désire.

IKEA mai 2016 Ne laissez pas votre place aux autresAvec ce week-end de l’Ascension presque estival, on aurait pu avoir de nouveau l’illusion que le soleil brille pour tout le monde. Comme c’est trompeur. A l’heure où vous cherchez le fauteuil de jardin idéal pour vos pauses impromptues sous le figuier, la marque d’ameublement jaune et bleue est là pour vous le rappeler. Dans un élan ultralibéral à tendance darwinienne, IKEA vous le dit clairement : « y’en n’aura pas pour tout le monde alors, struggle for chair » !

Dans un contexte social un brin tendu, peut-être plus encore que le cannage de ce sacré fauteuil VIKTIGT, on peut y voir au choix : un encouragement à l’individualisme résigné ou un précepte de développement personnel pour aider ceux qui ne bronchent pas quand on leur passe devant chez le boucher. Quand j’ai vu cette première affiche de la série, je me suis dit que bien sûr, pour vendre une édition ultra limitée, il était aisé de jouer à fond la rareté : un boulevard conceptuel avec un clin d’œil entre la notion de « place » et le visuel du fauteuil… et hop on passe au brief suivant. Si on a fait la queue pour chaque nouvelle génération de smartphones de la marque à la pomme, c’est aussi grâce à cet art de la pénurie qui entretient le désir. Oui, je rappelle d’ailleurs aux non-latinistes que « désirer » vient du latin desiderare signifiant regretter l’absence de. Créer du manque perpétuel avec des objets que le voisin risque d’obtenir (et pas moi) est donc le moteur essentiel du marketing et de la consommation.

Mais attention, à peine une heure plus tard, je tombe sur une autre affiche IKEA,  la sœur jumelle survoltée :IKEA mai 2016 Court-circuitez tout le monde pour l'avoirEh eh, il ne s’agit plus de tenir sa place, mais bien de mettre les doigts du voisin dans le 220 V. Chouette ambiance dans les rayons du magasin IKEA…  Le monde décidément se partage en deux camps. D’un côté, les libertariens convaincus qu’il vaut mieux laisser les individus se disputer ce qu’il reste pour créer une saine émulation : il paraît que c’est le vrai moteur du progrès qui surpasse de loin les méfaits de l’intérêt général et de la solidarité dispendieuse. De l’autre, ceux qui commencent à douter de l’issue d’une crise sans fin entretenant habilement la compétition entre citoyens, à douter du retour de la croissance qui se fait désirer comme Godot,  et à douter aussi de l’intérêt du « toujours plus » au détriment du « moins mais mieux »…

Promettez-moi d’y penser lorsque vous vous jetterez sur le dernier VIKTIGT du rayon après avoir plaqué au sol le consommateur aux dents longues qui tentait de vous court-circuiter. À cet instant bien sûr, vous n’aurez pas du tout en tête cette phrase du philosophe Ollivier Pourriol : « Quelle que soit l’époque, une société dont le ressort est l’émulation est une société d’esclaves. » (CinéPhilo – p. 258)

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour garder votre place au soleil ? Allez-vous reprendre la place de citoyen que certains souhaitent vous voir abandonner pour occuper uniquement celle de consommateur insatiable ?

REBOND : « Le monde est clos et le désir infini » de Daniel Cohen, économiste

> Chronique à lire

> Replay à voir : 27 mn avec l’auteur et R. Enthoven (Arte Philosophie) 

 

 

 

Jobijoba : quand on cherche, il nous trouve.

Un job vous cherche sur jobijoba.comAvant, c’étaient les chômeurs qui cherchaient un job… et croyez-moi, chercher une aiguille dans une botte de foin ne donne absolument pas envie de faire les moissons. Il fallait y mettre beaucoup d’énergie, de sagacité et… de rapidité pour être plus réactif que le chômeur d’à-côté. Des heures au téléphone, des liasses de CV envoyés, des tonnes de CO2 gaspillées pour se rendre à des rendez-vous stériles. On se demande comment on a pu supporter une technique aussi préhistorique. Mais avec Jobijoba, une autre ère de l’employabilité s’offre à nous… Lire la suite « Jobijoba : quand on cherche, il nous trouve. »

Veuillez attacher votre système de divertissement.

système de divertissement campagne EmiratesUn jour, cher Blaise Pascal, tu as dit quelque chose de très important : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir  demeurer en repos, dans une chambre. » (Pensées, 139). Tu voulais nous rappeler un truc flippant : ne rien faire du tout peut vite nous confronter à l’absurdité de notre condition humaine, voués que nous sommes à une fin funeste… et en même temps nous obliger à une réflexion indispensable sur le sens que nous pourrions quand même donner à notre existence. Bon, tu as dit cela alors que la VOD, la Play Station 4 et les smartphones n’existaient pas. Tu ne parlais donc sans doute pas du même « divertissement ». Qu’aurais-tu pensé de cette campagne web pour une compagnie aérienne qui vante son « système de divertissement à bord » ? La tête du jeune ahuri, casté pour l’occasion, n’aurait pas manqué de t’interpeller, certes. Mais c’est sans doute ce diable de mot « divertissement » qui aurait aussitôt fait tilt…

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Le Bouton DARTY : une crise d’acné technologique ?

Une femme est experte en bouton, c'est bien connu...
Une femme est experte en bouton, c’est bien connu…

Il faut savoir tirer la sonnette d’alarme… et pas seulement dans les trains. C’est le mot d’ordre que DARTY veut remettre au goût du jour avec son Bouton. Une question sur le drôle de bruit que fait votre four à pyrolyse avant l’explosion ? Une envie de crise de nerfs, accroupi près de votre aspirateur souffreteux ? Une interrogation honteuse face à votre tablette maléfique ? Appuyez sur le Bouton qui a été préalablement installé dans votre logis, raccordé 24 h/24 en wi-fi à la plateforme Darty. Un conseiller vous rappellera aussitôt… sur votre téléphone (on n’est pas dans un ascenseur en panne non plus). Oui, c’est encore plus moderne qu’un numéro vert à composer avec tout plein de chiffres : même un chimpanzé attardé pourrait le faire. On imagine la déco chez vous si toutes les marques se mettaient à créer leur bouton SAV en wi-fi… Lire la suite « Le Bouton DARTY : une crise d’acné technologique ? »

Devenez qui vous voulez…

devenez qui vous voulez 4GC’est officiel. Avec la 4G, vous pouvez dire au monde entier que vous êtes devenu qui vous vouliez. Le rapport ? C’est uniquement parce qu’une fois que vous serez vraiment devenu qui vous vouliez, vous ne pourrez bien sûr pas le garder pour vous : en effet, quel intérêt ? C’est là que l’individualisme égotique passe à la vitesse supérieure. Bouygues Telecom nous offre donc un spot grandiloquent comme il faut, c’est-à-dire destiné à redresser les poils du bras. Bon d’abord, il faut des enfants trop mignons qui veulent tous, c’est bien connu, être pompiers, astronautes ou journalistes. Une musique de « winner » capable de soulever tout un stade (les gens dedans, pas la pelouse et tout hein). Il faut aussi des personnes qui communiquent d’un bout à l’autre de la planète parce que c’est trop bien… et évidemment par l’intermédiaire d’images sur de multiples écrans qui sont nos nouveaux appendices socio-numériques. Mais moi, ce qui m’a titillée, c’est cette promesse impérative : « Devenez qui vous voulez ». Une idée aussi puissante que la 4G ?

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Conjuguez-moi le verbe être au présent de l’infini.

Alzheimer. On peut l'avoir et continuer à êtreJe sais que vous préféreriez que quelqu’un vous dise que ça va s’arranger, que la courbe du chômage va s’inverser, qu’on va arrêter de nous enfumer sur les retraites, que la cupidité cynique qui nous mène droit dans le mur va s’autodétruire le mois prochain, que la Syrie va directement passer de la dictature à la démocratie laïque… Ne comptez pas sur moi pour mettre un coup de peinture rose sur les fissures du plafond ! Non, j’ai choisi un sujet bien plus guilleret pour mon PHILO PUB de rentrée.

«Alzheimer. On peut l’avoir et continuer à être. »

Dans cette campagne qui a fleuri sur les abribus au mois d’août, on voit des personnes atteintes qui vivent justement un moment joyeux « en suspension » : peu importe que leur vie soit désormais reliée à un passé plein de trous et que leur avenir s’écrive en pointillés, on est dans l’instant à savourer, dans l’être pur. Qu’est-ce qui m’a touchée dans cette publicité de la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer ? Un écho certain avec mon histoire personnelle puisque ma mère en est atteinte depuis plusieurs années ? Un fil rouge philosophique personnel qui me sert parfois à situer la posture de mes congénères : « Et celui-là, il privilégie l’Être ou l’Avoir ? ». Un questionnement éternel autour de l’identité, de ce que nous sommes vraiment ou faisons semblant d’être ? Sûrement un cocktail de tout cela dans mon petit bric-à-brac conceptuel. Au-delà du jeu sur les verbes être et avoir, cette phrase touche juste : on peut être et avoir été… Lire la suite « Conjuguez-moi le verbe être au présent de l’infini. »

L’injonction d’assurer

la sérénité c'est votre victoireDepuis un moment déjà, nous savons que nos grands sportifs ne mangent pas que des épinards au petit-déjeuner. En plus des drôles de piqûres administrées à certains à l’insu de leur plein gré, ils sont boostés par leur coach au niveau du mental. Contre la peur de gagner ou le genou flageolant, les athlètes visualisent et positivent avec l’aide de gourous de la gnac*. Leur plus grande difficulté, c’est justement d’arriver à combiner habilement combativité et zen attitude… Alors cette affiche qui les représente en pleine gloire m’a tout de suite laissé un goût de paradoxe. Si vous avez déjà éprouvé de la sérénité en piquant un somme sous un arbre ou en caressant un chat qui ronronne, vous n’avez sans doute pas ressenti exactement ce qu’on pourrait appeler la bouffée enivrante de la victoire. La véritable sérénité qui touche à la plénitude n’est-elle pas justement au-delà de l’idée même de victoire ? Lire la suite « L’injonction d’assurer »

Il pleut, il nouille… c’était la Fête des Mères !

fête des mères nouilles
Ce jeu-concours alléchant des Bijouteries Murat a-t-il relancé la fabrication de collier de nouilles ?

J’ai croisé encore la semaine dernière des publicités qui se moquent du fameux collier de nouilles, celui qui a eu son heure de gloire dans les écoles maternelles… avant de devenir un cliché absolu. Mais quel est ce dédain pour ce cadeau de Fête des Mères « Made in France – 100 % fait avec le cœur » ? Derrière l’emblématique collier qu’aucune maîtresse n’ose plus mettre en chantier en avril… c’est toute la panoplie de la mère attendrie qui se fait traîner dans la boue mercantile, non de d’là… Lire la suite « Il pleut, il nouille… c’était la Fête des Mères ! »

Du Narcisse au Digital Citizen…

mon smartphone, ma vie 1C’est en sortant de l’excellente exposition « Eblouissants reflets » au Musée des Beaux-Arts de Rouen, sur le thème de l’eau chez les impressionnistes (je vous la conseille d’ailleurs…) que je suis tombée sur cette affiche pour le nouveau smartphone Samsung Galaxy S4. L’exposition que je venais de voir s’ouvre par la référence au mythe de Narcisse. Le personnage mythique qui tombe amoureux fou de son reflet dans l’eau a très tôt été associé à la figure de l’artiste qui se mire dans sa création, à la recherche d’une beauté aussi éphémère qu’inaccessible. En sortant du musée, je suis donc passée  des bords de Seine et des nymphéas au reflet de la « technomanie » qui nous vend l’objet ultime. « Mon smartphone, ma vie »… Voilà bien une déclaration brûlante dans un univers éthéré où chaque écran est une piscine dans laquelle je peux me mirer… Lire la suite « Du Narcisse au Digital Citizen… »

Touche pas à mon soda !

orangina restez vivantsOn a connu des luttes plus nobles, mais on a celles qu’on mérite. Le mois dernier, un juge new-yorkais a décidé que la ville ne pouvait pas interdire les sodas géants, comme elle s’apprêtait à le faire pour lutter contre l’obésité. L’interdiction votée par le département de la santé de la mairie de New York devait viser le service de tous les sodas et boissons sucrées de plus de 47 centilitres (en dehors des  supermarchés et supérettes). Au nom de quoi le juge a-t-il interdit l’interdiction ? Au nom de la soif de liberté bien sûr… dans un pays qui aime bien la mettre à toutes les sauces.  Polémique intense dans une ville où on attribuerait 6 000 morts par an à l’obésité… et début de café-philo dans ma petite tête. Qu’est-ce que c’est au juste la liberté ? A cette question, on répond sans plus y réfléchir : « faire ce que je veux, sans contrainte ». C’est là que nos ennuis commencent, pris comme des garnements dans le pot à confiture de la contradiction… Lire la suite « Touche pas à mon soda ! »

C’est pas beau de mentir… Sans blague ?

carambar revealOn leur a fait croire qu’on n’allait plus mâcher de « Monsieur et Madame… ». On leur a fait gober qu’on ne sucerait plus de devinette. C’est le comble. Le comble de quoi ? La blague ne le dit pas. Bref, c’est en dépliant le papier d’un Carambar empoisonné que les journalistes ont fini par comprendre qu’ils allaient devoir maîtriser les nouvelles ruses du marketing. Quand le buzz est roi, ils peuvent devenir les pantins idéals à l’insu de leur plein gré. Pour ceux qui étaient collés par la maîtresse et donc totalement isolés des rumeurs de la cour de récré, je rappelle que la marque Carambar a fait croire à la France un truc incroyable pendant quelques jours : les blagues Carambar allaient être remplacées par des exercices de calcul ou des QCM d’orthographe… Lire la suite « C’est pas beau de mentir… Sans blague ? »

Vivre, c’est en avoir l’impression.

imax voir c'est croireVous vous souvenez quand vous alliez avec Papa ou Maman assister à l’Arbre de Noël organisé par la société où votre parent avait le bonheur de travailler ? Il y avait parfois un spectacle de magie pour émerveiller les « nenfants ». Personnellement, j’ai un grand souvenir de l’un d’eux, car à 8 ans  j’ai vu disparaître mon père… invité sur scène par le prestidigitateur et placé dans une malle transpercée ensuite d’une dizaine de sabres ! (Rassurez-vous, je l’ai récupéré depuis.) La magie, voyez-vous, c’est l’exemple même de l’illusion consentie : on aime croire ce que l’on voit, même si la vérité est ailleurs. Alors que nous vivons dans une immense vidéosphère globale, où l’image a pris le pouvoir, un slogan m’a interpellée il y a quelques jours dans le hall d’un cinéma…  Lire la suite « Vivre, c’est en avoir l’impression. »

Sephorisme, n. masc.

sephora-bombassitude

Connaissez-vous le verbe « cosmétiquer » ? Je viens de le découvrir dans le dictionnaire. C’est un verbe du 1er groupe dont la définition est : « enduire d’une préparation cosmétique ». Cosmétique, quant à lui, vient du grec « kosmos ». On se calme : cela n’a rien à voir avec la fantaisie cosmologique des frères Bogdanoff, puisque ce mot veut tout simplement dire « ornement ». Pas de doute, nous sommes bien dans le domaine des apparences, qui doivent être, comme chacun le sait, soit dépassées, soit au moins sauvées.  En terme de « tape dans l’œil » cosmétique, Sephora a bien compris que l’écueil éternel des publicités pour les produits de beauté, c’est justement l’effet « inaperçu » : comme toutes les marques utilisent les mêmes images lisses, les mêmes codes et les mêmes promesses, cela devient fort compliqué de sortir du lot.  Qu’à cela ne tienne, grâce à Sephora, on casse les codes… Lire la suite « Sephorisme, n. masc. »

Keep calm and buy one

mini keep calm and buy oneChers compatriotes, nous sommes en guerre. Hier notre Winston Churchill à nous a provoqué un conseil extraordinaire. Il s’agit de mobiliser toutes les bonnes volontés afin de mettre un terme à l’arrogante pression germanique. Une grande campagne d’affichage est lancée pour soutenir le moral de la population. Nous vivons une crise sans précédent et notre souveraineté est en danger, mais ces nuages au-dessus de la tasse de thé ne doivent pas entamer notre résistance face à l’assaillant ! Bon je tiens à rassurer les âmes sensibles, je fais juste un rappel historique, devenu nécessaire compte tenu de la nouvelle campagne Mini One DocklandsLire la suite « Keep calm and buy one »

Distinguez-vous… mais pas trop.

distinguez-vous louispionEt vous, pour le réveillon de Noël, vous allez manger quoi ? Des huitres et du foie gras… peut-être même un peu de chapon. Je vous pardonne ce conformisme béat à cause des fêtes, mais j’espère que vous reprendrez du mouton à cinq pattes dès le mois de janvier. Sachez en effet que nous évoluons déjà dans une nouvelle ère : celle de la singularité. Cela fait belle lurette que l’hyperchoix et l’abondance poussent les marques dans une quête éperdue : celle du « plus » que le concurrent n’aura pas. De la même façon, le chômage pousse les candidats à faire du « personal branding » pour souligner ce qui rendra leur profil plus intéressant que celui du clone de promo. Sur le réseau social professionnel Linkedin, il est en effet d’ores et déjà conseillé d’éviter dans votre profil  les 10 mots-clés que l’on retrouve partout et qui vous rendront invisibles aux recruteurs une fois votre CV noyé dans le tas des résultats (bon, je suis sympa, je vous les donne ces 10 mots : responsable, efficace, dynamique, innovant, motivé, créatif, spécialiste, multiculturel, nouvelles technologies, capacité d’analyse). Là aussi, il faut être précis et spécifique, remarquable et accrocheur. La notion de marketing s’est en fait étendue aux individus, dans leur vie professionnelle, comme dans leur quête de l’âme sœur, par site de rencontre interposé.

exitlemarketingdemasseEt, parce que vous êtes unique ou surtout, parce que tout le monde souhaite l’être, l’avenir est à la personnalisation en toute chose, facilitée par les nouvelles technologies, la commande unitaire en ligne, les imprimantes 3D… Même Seth Godin, le pape du marketing, le dit dans son dernier livre : nous sommes tous singuliers et le marketing de masse est en train d’agoniser. Pour lui, la montée en puissance des tribus est en train de faire vaciller le modèle de l’industrialisation à grande échelle. Pour lui, c’est de là que viendra le renouveau publicitaire parce que « tout le monde déteste la pub en général, mais nous adorons la pub qui s’adresse à nous en particulier. » Mais singulier jusqu’où ? Ce qui nous est proposé, c’est surtout d’apporter notre touche personnelle à un produit qu’il est fortement conseillé de posséder pour s’intégrer. C’est l’exemple de The Kase et de son slogan « I am Unik », une enseigne qui vous propose de créer vous-même votre coque de portable personnalisée… car à force de coller à notre oreille les mêmes engins, ça en devenait inquiétant ! Face à la mondialisation des marques et des modes de vie, la singularité ferait-elle simplement diversion ou va-t-elle doper un nouveau type de création plus « artisanale » et relocalisable ?

Maintenant, vous hésitez à décorer votre sapin comme un conformiste de Noël qui se respecte ? Si vous êtes singulièrement perplexe, c’est normal. Nous serons peut-être toujours tiraillés entre notre sentiment d’appartenance et notre désir d’originalité. C’est ce qui fait l’avenir des tribus de toutes sortes qui permettent d’appartenir tout en se distinguant… Pour fêter ça, je vous autorise quand même à reprendre du foie gras sans sourciller.

Happy is the new chic, ma chère Simone !

Par bonheur, j’ai croisé la nouvelle campagne pour la marque de prêt-à-porter Morgan. En découvrant le nouveau slogan, j’ai bien compris que les mannequins qui font la tête pour se donner un genre sont définitivement priés d’aller se faire rhabiller… C’est totalement dépassé et en plus, c’est désormais anti-civique.  Bientôt les grincheux se feront lâchement dénoncer à la Police du Sourire. Le bonheur est devenu un devoir et vous n’y couperez pas. Plus le ciel mondial se charge de nuages menaçants, plus le positivisme est de rigueur (encore un oxymore ?) jusque dans les replis de la mode. Comme ce n’est franchement pas l’euphorie, il va falloir y mettre du vôtre les filles. Allez soyez chics : soyez joyeusement heureuses pour que ça décore les rues et qu’on n’y voit que du feu. La tâche vous semble illusoire ? Lire la suite « Happy is the new chic, ma chère Simone ! »

Imaginez que l’image remplace le mot…

Aujourd’hui, l’opérateur Orange nous propose de télécharger aussi vite que nous parlons. Pour illustrer le propos, les personnages de la publicité échangent leurs impressions non pas avec des mots, mais en montrant à leur interlocuteur des images sur leur tablette tactile. Le raccourci hyperbolique me plonge dans une drôle de réflexion, articulée pour l’instant par des phrases. Imaginez qu’en 2 500 après J.C  on ne se parle plus avec des mots, mais par images interposées transmises entre smartphones depuis notre cerveau… Quelques reliquats primitifs sortiraient encore accidentellement de notre gorge : des cris d’effroi ou les râles de plaisir ! Nos prothèses numériques nous permettant de discuter à la vitesse de la lumière par télépathie 5.0, nous ne nous donnerions plus la peine de tourner des phrases avec des mots approximatifs… pour des interlocuteurs qui lisent tous des choses différentes entre les lignes.  Lire la suite « Imaginez que l’image remplace le mot… »

Liberté, égalité, rocher…

Notre devise républicaine a cela de pratique : elle peut être mise à toutes les sauces, sucrées ou salées. La nouvelle campagne Rocher Suchard met la révolution au service des papilles et remplace la fraternité par une grosse gâterie au chocolat… On a galvaudé notre liberté chérie et on l’apprécie plus pour soi que pour les autres. Notre soif d’égalité ? Elle se cogne constamment à notre envie de savourer quand même quelques privilèges. Mais la fraternité, on en entend peu parler…

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EDF éclaire la lumière. Si, si…

Parfois, de belles photos ne suffisent pas à faire une bonne campagne, mais ça décore bien.

Le symbole de la lumière est fondamentale pour les Jeux Olympiques… vous savez, ça commence toujours par la flamme qui fait des milliers de kilomètres avant d’aller embraser une vasque sur le lieu de la grand’messe du sport.

Mais, même avec beaucoup de centrales nucléaires et des paquets d’éoliennes, même avec le souffle inspirateur de nos ancêtres grecs et du baron Pierre de Coubertin, la lumière peut quand même manquer au moment d’écrire une accroche en rapport avec les JO. Une panne d’électricité, une bougie tremblotante et on ne trouve plus ses mots sur le clavier. Lire la suite « EDF éclaire la lumière. Si, si… »

On ne peut que surfer…

« Retenez-moi ou j’irai ailleurs… » : c’est le cri du client volage qu’il faut absolument fidéliser au risque de le voir se dévergonder chez un concurrent. Alors, on lui propose une belle carte de fidélité, un peu comme une bague au doigt et on fait un peu d’hypnose, avec le Te Deum de Charpentier en fond sonore.

C’est effectivement à sa carte de fidélité que se raccroche la Fnac… comme sur un polder quand la mer monte. Belle enseigne agitatrice depuis 1954…, la voici qui mise tout sur la carte du parti. Je fais bien sûr référence aux affiches de sa dernière campagne, que vous avez pu voir fleurir avec cette signature en bas : « Fnac. On ne peut qu’adhérer ».

Qu’est-ce qu’elle me dit cette phrase ?

Elle me dit qu’il n’y a qu’un choix possible : « adhérer », c’est un verbe lourd de sens qui veut dire à la fois « signer là et être définitivement d’accord ». Un seul choix possible dans ce monde où pourtant tout est librement à portée de clic ? Elle me dit qu’il n’y a même pas à réfléchir parce que c’est « on » qui l’a dit… et que tout autre choix serait absurde. Elle me dit aussi que si je vais à la Fnac sans être adhérent, c’est que je suis vraiment une cruche à roulettes… ah oui ?

Personnellement, j’ai du mal à adhérer à cette signature de marque, car je la trouve assez décalée par rapport à la vague socio-culturelle qui se lève depuis maintenant un moment et qui va de toute façon dans l’autre sens : zapper, chercher, « réseauter », comparer, être sur la brèche, chercher le bon plan… Et pourquoi une telle bougeotte, me direz-vous ? Parce que dans ce monde consumériste où tout va toujours plus vite, rien ne se fige, rien ne dure, tout change en permanence. Nier cette évidence et vouloir retenir le monde d’hier ne ressemble-t-il pas à de l’auto-persuasion un peu vaine ?

Si j’avais vraiment envie d’adhérer comme ça, sans avoir la liberté de mes mouvements, je me serais réincarnée… en pneu !

Ce qui est sûr, c’est que cette promesse de fil à la patte est en contradiction totale avec le livre visionnaire de Joël de Rosnay que je suis en train de dévorer : « Surfer la vie –Comment sur-vivre dans la société fluide ». Et ça a autrement du souffle…


Et vous, vous adhérez en attendant que ça se passe ou vous surfez pour vous adapter ?

>Avant de donner votre réponse, vous pouvez aller relire un ancien article du blog : « J’ai refait la Fnac » (non ce n’est pas de l’acharnement, malgré les apparences…)

Jeu de maux, jeu de pas beaux.

Une affiche à la gare. Il est 7 h 50. Je ne suis pas du matin, mais il suffit parfois d’une étincelle pour faire démarrer le moteur du cervelet. Ce rouge passionnel qui percute ma rétine et le choc sémantique qui l’accompagne par exemple.

La friandise est posée en majesté au milieu du rouge pour imprimer un réflexe pavlovien du type « je prends le train donc j’achète bien sûr un truc chocolaté régressif et un trop chouette magazine people ! »

Voilà  néanmoins de quoi nourrir un cas d’école pour concepteur-rédacteur publicitaire sur le thème « faut-il absolument dégainer le jeu de mot quand on n’a absolument rien à dire ? ». La réponse est plutôt « Non ! », car le jeu de mot mal utilisé est un horrible symptôme. Quand on n’a rien de mieux à se mettre sous la dent et pas la moindre idée à refourguer au badaud, c’est une trop grande tentation… un peu comme une clope avec le café quand on a pourtant décidé d’arrêter de fumer. Ne réussissant guère à cacher la médiocrité de la promesse, le jeu de mot vain a tout d’une pomme empoisonnée pour débutant.

Dans l’exemple en photo ci-dessus, le jeu de mot choisi est particulièrement malheureux. Le double sens livré avec ne nous dit rien qui vaille. Pourquoi  la faim/la fin du voyage ? Si j’achète un truc chocolaté régressif, ce n’est certainement pas pour le manger en hâte juste avant de descendre à la gare d’arrivée… mais pour m’en délecter bien avant et faire ainsi baver d’envie mon voisin du siège 27 couloir pendant tout le reste du trajet. Oui mais encore ? La faim/fin du voyage ? Ah oui, bien sûr : les voyages sont toujours beaucoup trop longs et la vie également. Autant raccourcir les deux en appelant de ses vœux une maladie cardio-vasculaire prompte à en écourter le non-sens. Pour cela, rien de tel que les délices de l’huile de palme. Seule la finesse de ce jeu de mot pouvait nous en faire savourer la portée dramaturgique : « Grignotons de la barre chocolatée mes frères, car cette petite faim nous rapproche un peu plus chaque jour de la fin sublime du grand voyage… » .

Une seule morale à cette affligeante histoire : « Ne compte jamais sur un jeu de mot piteux pour remplir un grand creux. »

« Regarde Zean-Pierre… z’en veux une de Renault ZE ! »

pssst...il y a aussi le spot à voir à la fin de ce billet !

Bertrand, la muse de l’abribus s’est encore penchée au-dessus de mon épaule… Je baguenaudais et je suis tombée sur l’affiche de la campagne électrisante de la nouvelle Renault Ze Twizy. Une voiture électrique trop hype… peut-être une des étincelles qui nous donneront envie de passer au vert. David Guetta va nous rendre ça aussi cool qu’un iPod et bientôt le bon vieux moteur diesel sera aussi has-been qu’un baladeur à cassettes.

Et là en regardant cette affiche, j’ai repensé que les écologistes avaient décidément deux naïves erreurs à leur passif…
1/ D’abord, ils claironnent depuis des années et des années qu’il faut sauver la planète. Erreur fatale de complément d’objet direct : la planète s’en sortira bien mieux une fois qu’on ne sera plus là. Elle en a vu d’autres. Au lieu de dire aux gens qu’ils risquaient surtout de crever, on s’est trompé de levier psychologique et on a perdu un paquet d’années…

2/ Ensuite, bien évidemment, on cherche à faire culpabiliser les gens et à leur dire que l’écologie, ça consiste à se priver de tout et à revenir à la petite maison dans la prairie, avec des toilettes sèches. Erreur marketing notoire qui nous fait encore perdre un autre paquet d’années. Devenir écoresponsable, ce n’est pas une punition. C’est l’innovation permanente, une révolution où l’humanisme revient au centre en chassant l’ « homo rentabilis », une troisième révolution industrielle qui raisonne en terme d’écosystème comme celle de Jeremy Rifkin… bref, du rêve, de la techno verte et quelque chose qui doit surtout être excitant pour nous faire gagner du temps. Si on veut qu’un maximum de gens devienne  écoresponsable, il faudrait un peu moins d’idéologie et un peu plus de pragmatisme, doublé d’un soupçon de marketing (ouh le gros mot !).

Si David Guetta nous fait découvrir la production locale d’énergie façon smart-grid, c’est bonnard. Si Jean Dujardin nous disait qu’il faut cultiver bio pour être de son temps, ça m’arrangerait. Si Philippe Starck pouvait faire kiffer tout le monde avec des tours à énergie positive et jardins-terrasses climatiques, ce serait du bonheur.  Il faut juste qu’on nous donne envie de changer d’époque pour nous sauver du désastre. Pour un gentil écolo de race visionnaire, il y aura toujours 10 gentils consommateurs suiveurs qui font comme le voisin. Eva, si vous voulez qu’ils mettent des lunettes vertes ceux-là, il faut vite qu’elles deviennent gravement tendance. Ça urge maintenant.

Et vous, fidèles lecteurs, qu’est-ce que vous en pensez ? Le débat continue en commentaires… avant ou après la lecture d’un tout nouveau magbook qui vient de sortir en librairie : WE DEMAIN. Avec justement une interview de Jeremy Rifkin. Quel souffle…

Et vous, vous en avez une petite ou une grande ?

Décidément, j’ai sur mon chemin un abribus qui me sert de Distributeur Automatique de Billets (de billets d’humeur j’entends…). Me voilà partie pour une petite virée à grandes enjambées quand je m’arrête net devant cette petite affiche qui n’a pas tout d’une grande.

Je savais déjà que la vie d’un automobiliste était un dilemme permanent. Il n’est pas seulement accablé par le fisc gargantuesque et la gendarmerie pointilleuse, les pétroliers voraces et les piétons inconscients. Il vit aussi un drame philosophique constant : quand il cherche une place, il voudrait que sa voiture soit plus petite ; quand il part en congés payés avec les épuisettes ou les doudounes, il voudrait qu’elle soit plus grande.

Heureusement, les marchands de voiture l’ont bien compris et essaient de lui faire perdre son latin et les bases de la géométrie,  au profit sans doute d’une nouvelle physique quantique qui met à profit les illusions d’optique.

En des temps anciens, la Renault Clio s’était distinguée avec « Elle a tout d’une grande ». Ça sonnait généreux et on en avait pour notre argent. Avec « La première grande qui a tout d’une petite », la proposition s’inverse en me laissant perplexe. Si ma voiture n’est pas grande parce qu’elle a l’avantage d’être petite, j’assume. Si elle est trop petite pour se faire passer pour une grande, on m’enfume.

Veut-on me vendre une voiture plutôt petite en me faisant croire qu’elle est grande ? Veut-on me dire qu’au prix du centimètre cube, c’est vraiment pas cher ? Veut-on me vanter les mérites d’une fausse grande ? J’en perds les pédales et dans la descente, ça risque de mal finir. Toute décoiffée, je continue mon périple. Je passe au kiosque et au dos de mon magazine, je vois ceci :

Petit à petit, ma nervosité grandit, car un faux paradoxe ne cache pas toujours une vraie idée. Et vous, vous préférez les grandes voitures petites ou les petites voitures plutôt grandes ?

Le contre-sens est un outil inefficace.

Suscite-t-on plus facilement le désir lorsqu’on est affublé d’un nom aussi imprononçable que RAZR ? Suffit-il de dire qu’on est désirable pour le devenir ? Comme ça, en attendant le bus, Motorola nous assène pourtant : « Le désir est un sentiment puissant. »

Derrière la vacuité du concept ici avancé, j’ai irrésistiblement envie de redonner  aux mots leur véritable sens, sens qu’une malheureuse traduction du slogan du nouveau Motorola RAZR a peut-être tout simplement escamoté.

Monsieur Motorola, je ne sais pas si votre femme nous écoute, mais, je vous le dis solennellement : le désir n’est pas un sentiment. On peut désirer sans aimer vraiment et aimer encore à 80 ans en ayant cessé de désirer. Le désir est très exactement, définition à l’appui,  une  « tendance qui porte à vouloir obtenir un objet connu ou imaginé/une tendance consciente et suscitée par quelqu’un aux plaisirs sexuels ». On n’est pas encore dans l’affectif, on est dans l’attraction. Une relation peut commencer par une grande bouffée de désir, ça n’en fait pas immédiatement une grande histoire sentimentale. Ne mélangeons pas les strings et les mouchoirs… et les malentendus seront évités.

Certes, les résultats d’une étude révélée à la conférence internationale Mobile Web Africa de Johannesburg nous indiquaient récemment que « nous » regardons en moyenne notre mobile 150 fois par jour… On pourrait en conclure que, pour une partie croissante de la population, cet engin lisse et vibrant est devenu un sex-toy virtuel autant qu’un vrai doudou communiquant.

Certes, à l’heure où on kiffe et puis point barre, qu’est-ce qu’on en a à faire de la différence entre le désir et le sentiment ?

Eh bien justement, à force d’utiliser les mots n’importe comment, on finit par appauvrir notre réservoir à concepts, par oublier les nuances, par penser que tout se vaut. Monsieur Motorala, je ne mange pas de ce téléphone-là.

Pénélope, si tu savais…

De sites de rencontres en réseaux sociaux, camper derrière l’écran n’a jamais autant donné envie de fréquenter ses congénères. Dans le domaine de la fesse, l’Internet nous a habitués à des trucs pas très clairs. Mais là, j’ai du lourd en termes d’usage, de quoi relancer les débats de fond sur le terrain de la morale. Les sites pour célibataires, c’est d’une candeur qui frise la pudibonderie, je vous le dis. Non, ce qui est hype, c’est de se mettre en couple… pour avoir le plaisir de se tromper. En tout cas, c’est le fond de commerce d’un site qui cible exclusivement les concupiscents en mal d’aventures extra-conjugales. Le paradis de l’adultère, totalement assumé. Je vous laisse savourer la campagne (un vrai bonheur de concepteur-rédacteur) :

Mais bon, vous êtes vieux jeu et totalement amoureux ? C’est une tare qui peut encore toucher certaines personnes… et l’amour, vous voulez le sauver, alors vous avez déclaré la guerre à ceux qui mettent les papattes où il faut pas. Dans ce cas, il vous reste un truc numérique encore plus à la pointe de la souris, très « la Stasi est de retour » : le site « révèle les cocus ». Si vous surprenez la femme du patron avec le chaud-lapin de chez Canon sur la photocopieuse, vous déposez votre dénonciation sur le site. Votre anonymat sera sauvegardé (bein oui, sinon vous iriez tout cafeter en face hein) et le (ou la) cocu(e) recevra juste un magnifique SMS du site… avec les détails que vous aurez cru bon de joindre à votre dénonciation. C’est quand même autre chose que de passer le dimanche à découper Ouest-France pour faire une pauv’ lettre à Nonim.

Alors, elle est pas belle la vie… de couple moderne ?

Linki-Linki :

>un article des Inrocks sur le site pro-adultère

>un article du blog Big Browser sur le site “révèle les cocus”