Notre-Dame du Phoenix

Notre-Dame de Paris, 15 avril 2019, incendie, réflexion psychologiqueEt si une cathédrale en feu pouvait symboliser l’édifice de votre existence ? Après la sidération et les polémiques entourant l’incendie de Notre-Dame de Paris, un moment de vérité personnelle peut se faire jour dans les cendres refroidies… ou pas. C’est vous qui voyez.

Pour la postérité des Internets, je rappelle que le 15 avril 2019, la charpente de Notre-Dame de Paris est victime d’un incendie désastreux. Un brasier dévore la charpente, surnommée la « forêt » et fabriquée à partir de troncs du XIIIe S. ! La flèche rajoutée par Viollet-le-Duc au XIXe S. s’effondre sous nos yeux, dramatisant plus encore la scénographie. L’émoi dépasse les frontières. Le symbole de Paris et de la France, qui fusionne profane et sacré, littérature et histoire commune, est la proie des flammes et du destin, alors que les deux guerres mondiales l’avaient épargnée.

En dehors des polémiques sur la valeur du patrimoine par rapport à la condition des « misérables ». Au-delà du paradoxe de la fiscalité des dons au patrimoine qui nous rappelle aussi que la collectivité n’a plus les moyens de sauvegarder ses trésors toute seule. Au-delà de la ferveur culturelle et des ventes relancées du roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, quel déclic peut nous offrir malgré tout l’événement ? Vous l’aurez compris : je parle de déclic, car je n’ose pas parler d’étincelle.

Moi, cette cathédrale en feu m’a rappelé soudainement que nous faisons au quotidien comme si tout un tas de choses étaient immuables. Certains monuments mythiques. Le confort de l’électricité et de l’eau potable. La présence de ceux que nous aimons. Cette longue paix sur notre continent, ensanglanté pendant des siècles par les guerres. Le contrat républicain qui protège vaille que vaille contre la barbarie ordinaire. Le chant des oiseaux, les lilas qui refleurissent à chaque printemps et tout le toutime. Le ravage de Notre-Dame de Paris a fini par me faire poser quelques questions dérangeantes. Qu’est-ce qui dans ma vie me parait aller de soi, mais qui pourrait partir en fumée sans que je n’ai rien vu venir ? Quelles sont les relations ou les domaines de ma vie que je néglige parce que tout a l’air posé là, comme « sur le parvis depuis 850 ans » ? Qu’est-ce qui a de la valeur pour moi et qui pourrait être « sacré »… au-delà des poncifs du cœur ? Qu’est-ce qui pourrait me donner le courage des soldats du feu pour batailler face au tragique ? Même les athées militants et les anarcho-libertaires nihilistes qui méprisent le patrimoine ont une espèce de cathédrale à eux planquée quelque part dans leur tête. Peut-être par exemple, un monument à la gloire de la liberté ou une construction idéologique en pierre dont les vitraux ne laissent passer que certaines lumières intellectuelles et pas les autres.

Je me suis dit aussi que sans désastre, il y aurait peu de reconstructions, de plaies fièrement refermées, de résiliences qui métamorphosent les drames. Qu’est-ce qui peut me donner la foi de reconstruire, dans ma vie routinière ? Quelles sont, dans nos existences, les incendies malencontreux qui nous ont obligés à reconstruire et avec quels effets positifs ? Quels sont aujourd’hui, les éléments de ma vie que je préférerais voir disparaître en fumée… mais que je n’ose pas embraser ?

Sur les écrans du monde, une catastrophe sensationnelle en remplace une autre. L’ennui, avec notre cerveau humain et notre émotionnelle condition, c’est que nous sur-réagissons aux événements choquants et ignorons les évolutions lentes, sourdes et implacables qui changent notre vie ou notre monde sans faire de bruit. Est-ce l’autre pan invisible de notre tragique condition ? Autant en avoir conscience et essayer de réfléchir avec un autre point de vue sur les pavés que les événements soudains font tomber dans notre mare.

 

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