Manger est un acte citoyen.

Alain Ducasse, Editions Les Liens qui Libèrent, LLL, Manger est un acte citoyen, gastronomie, écologie, permaculture, Collège culinaire de FranceEn ce 23 avril 2017, vous étiez appelés à accomplir un acte citoyen : celui de choisir entre onze prétendants à l’Élysée. On ne doute pas de son importance, au vu des tensions, incertitudes et défis qui nous guettent. Entre la poire et le fromage, je ne résiste pas à l’envie de vous parler d’un autre acte citoyen aussi anodin qu’essentiel, aussi universel que déterminant : manger, un acte quotidien et non quinquennal. Je viens en effet de dévorer le livre de deux compères qui s’y connaissent en belle et bonne nourriture : Alain Ducasse, le chef globe-trotter qu’on ne présente plus et Christian Regouby, communicant et délégué général au sein du Collège culinaire de France.

Rabâchant dans mon entourage depuis un moment déjà que consommer est devenu un acte éminemment politique, lourd de conséquences sociales et sanitaires, je ne pouvais que savourer « Manger est un acte citoyen ». Pas de livre de recettes, mais un cri d’alarme doublé d’un cri de ralliement : si nous ne voulons pas multiplier les pathologies médicales, économiques et sociales, commençons par arrêter de bouffer n’importe quoi…

Alain Ducasse n’est pas né dans un palace et n’a pas toujours mangé dans un trois étoiles : il est « d’origine modeste » comme on dit. Il nous fait d’ailleurs partager brièvement dans le livre des souvenirs encore vifs d’une enfance chez des parents agriculteurs, auprès d’une grand-mère cuisinière. Les légumes de saison qu’on a vu pousser, les préparations patientes et le culte du partage sont ancrés profondément dans sa vision de la gastronomie française. Ce n’est pas d’une France recroquevillée sur elle-même dont il parle, mais d’un pays de cocagne qui a su universaliser ses valeurs et son fameux « repas à la française », reconnu par l’Unesco. Conscient de l’impact médiatique de la parole des plus grands chefs français, Alain Ducasse lance avec eux le Manifeste pour une gastronomie citoyenne. Scandalisés par les dérives court-termistes des multinationales de l’agro-alimentaire, les absurdités de la spéculation sur les matières premières, révoltés par l’ingestion à grande échelle d’aliments industriels aussi toxiques à long terme qu’incapables de nous nourrir correctement, engagés pour enrichir le goût des plus jeunes, ils nous somment de réagir aussi bien en tant que consommateur qu’en tant que citoyen. En tant que consommateur, pour exiger la transparence sur les provenances, les modes de production et les additifs, pour bannir les produits qui se paient notre tête en nous empoisonnant à petit feu, pour réaliser que notre corps est entièrement entretenu et renouvelé par notre première médecine : l’alimentation. En tant que citoyen, pour adopter des réflexes locavores qui soutiennent nos paysans et nos éleveurs et limitent le gaspillage de kilomètres parcourus, pour favoriser le développement de pratiques agricoles qui ont du sens, pour nos emplois comme pour nos assiettes (agriculture bio, raisonnée, permaculture…), pour soutenir un savoir-faire irremplaçable et respectueux de notre écosystème, le seul où nous pouvons survivre pour l’instant. Bien sûr, tout cela nécessite d’arrêter de raisonner au trimestre pour l’humanité tout entière et d’arrêter d’acheter des aliments de qualité médiocre en croyant faire une bonne affaire. Le dumping alimentaire cache toujours un coût social et sanitaire exorbitant. Finalement, la substantifique moelle de ce livre à déguster en pensant à l’avenir de nos enfants, c’est de comprendre que l’humanité ne devra sa survie qu’à un saut qualitatif, dans ce domaine-là comme dans d’autres : un peu moins mais tellement mieux. Définitivement, nous sommes ce que nous mangeons et l’idée fait son chemin qu’on peut agir sur le monde en remplissant son chariot de courses.

Rebonds digestifs :

Le site du livre et son manifeste

Le Collège culinaire de France

La lutte citoyenne contre les pesticides cancérogènes : Tribunal Monsanto

Cultiver autrement et causer rendement : la ferme du Bec Hellouin

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.