Au boulot, les féministes

Vous avez un « anti-ragnagnas » dans votre entourage professionnel, les filles ? Et vous ne savez pas comment gérer ça ? Jessica Bennett, gender editor au New York Times, rien que ça, vous passe tous ses bons tuyaux dans son Manuel de Survie à l’usage des working girls, traduit aux Éditions Autrement. Son boulot actuel, c’est de donner une meilleure visibilité aux femmes dans le journal. Une mission qui lui tient particulièrement à cœur après avoir arpenté des rédactions où les évolutions de carrière s’avéraient plus aisées avec une paire de testicules.

Ne vous attendez pas à un petit livre rouge sur l’émasculation ultra-féministe. Ici, on est dans le coaching concret et l’autrice compte aussi avec bienveillance sur tous les hommes de bonne volonté pour faire reculer le mal discriminatoire. Son guide d’autodéfense contre les sexistes en entreprise réunit les stratégies de combat mises au point entre copines pour obtenir son dû. Cet esprit « fight club féministe », elle nous invite à le rendre viral pour que la solidarité féminine soit plus forte en entreprise, malgré l’esprit concurrentiel qui y règne.

En 2021, le diable sexiste se cache plus facilement dans les détails

…et le sexisme ordinaire s’est aussi réfugié dans des comportements anodins ou des ambiances qu’on croyait follement modernes et donc bien au-dessus de ça. En véritable cheffe militaire, Jessica Bennett nous a donc préparé une première partie intitulée : « Identifier l’ennemi ». Elle nous régale d’une sacrée galerie de portraits : l’homo interruptus, l’homo usurpator, le sténophallocrate, le perroquet, l’anti-ragnagnas, le materophobe, le sapeur d’ego, l’organisateur des loisirs macho, le lorgneur ou encore le tire-au-flanc professionnel… Pour chaque profil, elle y va de sa stratégie de combat bien huilée, pleine de bon sens et non dénuée d’humour. Mais bien sûr, l’autre ennemi invisible, c’est le « sabordage féminin » lié à des siècles de réflexes intériorisés. Et c’est sans doute là où Jessica Bennett nous rend un fier service. Oui, nous pouvons toutes être un jour la « maman de service », l’« éternelle redevable » ou le « paillasson ». Et là, il va falloir retravailler notre personnage pour arrêter de tomber dans les mêmes pièges. Avec son ton décontracté et ses fiches pratiques, le Manuel de Survie à l’usages des working girls invite donc tout autant à la lucidité sur nos conditionnements et nos mauvaises réponses comportementales.

L’ultime parade : la technique QFJ

QFJ pour « Que ferait Josh ? ». Ce « Josh virtuel » est le collègue masculin un brin suffisant auquel Jessica a pris l’habitude de penser quand elle sentait qu’elle était encore sur le point de réagir en « dominée ». En effet, le Josh archétypal s’en fiche pas mal de savoir rester à sa place, d’opiner de la tête comme une bonne élève ou de se réveiller le matin avec le syndrome de l’imposteur. Il a une approche tout à fait différente des relations de travail et s’imaginer dans sa peau, c’est un peu comme apprendre une langue étrangère. Sacré Josh. Dans le même ordre d’idée, Jessica Bennett nous fait bien rire en nous apprenant à repérer les différentes espèces de mâles qui racontent n’importe quoi sans en avoir l’air. Une fois de plus, la galerie de portraits ne manque pas de saveur.

Faut-il souhaiter que dans quelques années, ce guide devienne une curiosité sociologique parce que les comportements décrits seraient devenus imputables aussi bien à une femme qu’à un homme ? Sûrement. Comme le disait Françoise Giroud il y a un moment déjà : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Work in progress…

Manuel de Survie à l’usage des Working Girls – Jessica Bennett – Éditions Autrement – 16,90 €

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