Et vous, pour le réveillon de Noël, vous allez manger quoi ? Des huitres et du foie gras… peut-être même un peu de chapon. Je vous pardonne ce conformisme béat à cause des fêtes, mais j’espère que vous reprendrez du mouton à cinq pattes dès le mois de janvier. Sachez en effet que nous évoluons déjà dans une nouvelle ère : celle de la singularité. Cela fait belle lurette que l’hyperchoix et l’abondance poussent les marques dans une quête éperdue : celle du « plus » que le concurrent n’aura pas. De la même façon, le chômage pousse les candidats à faire du « personal branding » pour souligner ce qui rendra leur profil plus intéressant que celui du clone de promo. Sur le réseau social professionnel Linkedin, il est en effet d’ores et déjà conseillé d’éviter dans votre profil les 10 mots-clés que l’on retrouve partout et qui vous rendront invisibles aux recruteurs une fois votre CV noyé dans le tas des résultats (bon, je suis sympa, je vous les donne ces 10 mots : responsable, efficace, dynamique, innovant, motivé, créatif, spécialiste, multiculturel, nouvelles technologies, capacité d’analyse). Là aussi, il faut être précis et spécifique, remarquable et accrocheur. La notion de marketing s’est en fait étendue aux individus, dans leur vie professionnelle, comme dans leur quête de l’âme sœur, par site de rencontre interposé.
Et, parce que vous êtes unique ou surtout, parce que tout le monde souhaite l’être, l’avenir est à la personnalisation en toute chose, facilitée par les nouvelles technologies, la commande unitaire en ligne, les imprimantes 3D… Même Seth Godin, le pape du marketing, le dit dans son dernier livre : nous sommes tous singuliers et le marketing de masse est en train d’agoniser. Pour lui, la montée en puissance des tribus est en train de faire vaciller le modèle de l’industrialisation à grande échelle. Pour lui, c’est de là que viendra le renouveau publicitaire parce que « tout le monde déteste la pub en général, mais nous adorons la pub qui s’adresse à nous en particulier. » Mais singulier jusqu’où ? Ce qui nous est proposé, c’est surtout d’apporter notre touche personnelle à un produit qu’il est fortement conseillé de posséder pour s’intégrer. C’est l’exemple de The Kase et de son slogan « I am Unik », une enseigne qui vous propose de créer vous-même votre coque de portable personnalisée… car à force de coller à notre oreille les mêmes engins, ça en devenait inquiétant ! Face à la mondialisation des marques et des modes de vie, la singularité ferait-elle simplement diversion ou va-t-elle doper un nouveau type de création plus « artisanale » et relocalisable ?
Maintenant, vous hésitez à décorer votre sapin comme un conformiste de Noël qui se respecte ? Si vous êtes singulièrement perplexe, c’est normal. Nous serons peut-être toujours tiraillés entre notre sentiment d’appartenance et notre désir d’originalité. C’est ce qui fait l’avenir des tribus de toutes sortes qui permettent d’appartenir tout en se distinguant… Pour fêter ça, je vous autorise quand même à reprendre du foie gras sans sourciller.
Du foie gras, oui. Mais du foie gras d’escargot. Soyons différents !
On n’est pas exceptionnel en Angleterre à préférer un repas végétarien pour fêter la Noël et en fait nous sommes mêmes plusieurs à refuser de participer à la Fête de la Conso, comme nous l’appelons … Ceci dit, j’adore la juxtaposition de la singularité et de la conformité dans votre billet.
Excellent post ! Depuis le temps qu’on nous serine avec du « one to one », il me semble que le conformisme continue bel et bien à l’emporter. Il me semble surtout que la soi-disante personnalisation s’opère davantage à échelle de tribu. Différent, d’accord, mais parce que adoptant les codes d’une tribu reconnue comme telle. Le hipster est tout sauf un original, c’est un hipster. Bon allez, je reprendrais bien un peu de fleur de sel et de moelleux moi, désolé de rester très classique pour mon foie gras 😉