Être ou ne pas être soi-même… en T-Roc.

Volkswagen T-Roc affiche Il est emps d'être vous-mêmeVous ne pensiez pas qu’avec une Volkswagen, on pouvait avoir du Nietzsche en option ? On n’arrête pas le progrès philosophique, surtout à 130 km/h. Avec cet appel à devenir enfin soi-même, ce Nouveau T-Roc roule à la singularité et nous donne une leçon de conjugaison. Introspection automobile…

Le crossover T-Roc, pour celles et ceux qui savent lire.

Tout d’abord, je voudrais rendre hommage à l’équipe créative qui a osé faire des affiches avec des accroches textuelles au moment où je croise de plus en plus d’affiches « muettes » pour des constructeurs automobiles. Une photo, un nom de modèle et un prix. N’ont-ils plus rien à dire ? On compatit. Sous la signature « Il est temps d’être vous-même », le Volkswagen T-Roc a récompensé mon attention en me donnant à réfléchir. Que me dit-on ?

Volkswagen T-Roc affiche Il est emps d'être vous-même« On a le droit de se chercher et aussi de se trouver ». Oui, l’introspection eczémateuse du nombril, c’est gentil mais il faut que cela débouche rapidement sur quelque chose, histoire de prendre sa place dans la course sans trop tergiverser.

Volkswagen T-Roc affiche 2 Il est temps d'être vous-même« Devenez celui que vous avez toujours été »  Ah, comme il est bon de croire que notre éducation et une multitude de pressions sociales nous ont empêchés de faire éclater au grand jour l’authenticité de notre être originel…

Volkswagen T-Roc affiche 3 Il est temps d'être vous-même

« Si on vous prend au sérieux, vous pouvez arrêter de faire semblant. » C’est vrai qu’à 40 ans, on aspire parfois à ne plus ressembler à un mouton, mais plutôt à assumer son côté « petit bélier noir effronté »

 La création de soi en mode crossover

Sous les maximes du Volkswagen T-Roc au décalage badin et complice, je pensais d’abord trouver l’idée du surhomme chère à Nietzsche avec son « Deviens ce que tu es ». Ce commandement paradoxal, qui aurait pu lui valoir un zéro pointé en concordance des temps, on le trouve au départ chez le poète grec Pindare du Ve S…. bien avant de croiser en librairie en 2014 le « Devenir soi » de Jacques Attali. Autant vous dire que l’air de rien, en Volkswagen T-Roc, on traverse l’autoroute des siècles sans s’en rendre compte, grâce au télépéage littéraire. Pas étonnant de retrouver cette notion en filigrane dans beaucoup de promesses publicitaires, puisque la maxime se marie parfaitement avec l’individualisme narcissique actuel. On nous enjoint constamment d’exprimer avec brio toute la richesse de notre sublime singularité personnelle.

La force de la proposition de Friedrich Nietzsche, c’est de considérer que l’être humain doit quitter sa « médiocrité » pour devenir un « surhomme », c’est-à-dire devenir tout ce qu’il ou elle peut être, en révélant tout son potentiel, en refusant la soumission à l’ordre moral (ou managérial ?), en allant au bout de ses envies et de ses talents. Pour lui, nous avons bien une tâche à accomplir… dont le mode d’emploi est indisponible ! Pour Nietzsche, tout est alors tâtonnement, aventure et recherche de soi dans l’autodépassement. Une quête qui prendra sans doute toute une vie et qui consiste peut-être à faire le tri et à cesser progressivement d’être ce que nous ne sommes pas vraiment. Comme quoi, à partir d’une mauvaise concordance de temps, on peut ouvrir des portes pour inciter ses semblables à ne pas rester figés dans un rôle, une personnalité et des habitudes. Tout un programme qui a occupé d’autres philosophes.

Tu t’es vu quand t’es toi ?

Mais, mais… là où j’ai quitté la quatre voies, c’est quand je me suis finalement demandé si on pouvait « devenir soi-même » ! Si je me définis aussi dans le monde par mes actes et mes choix (coucou Jean-Paul Sartre), je suis en permanence moi-même, car je ne peux jamais me fuir ou tenter vainement de m’excuser en disant que « je n’étais pas moi-même » sur ce coup-là. « Il est temps d’être vous-même » sonne comme une invitation à l’authenticité retrouvée, mais le drame reste entier : quoi que je fasse, à 6 ans ou à 42, je suis TOUJOURS moi-même. Volkswagen me dit « Devenez celui que vous avez toujours été », mais je ne suis pas une « essence » cachée dès la naissance qu’il me faut enfin révéler. Je suis une myriade de caractéristiques plus ou moins fluctuantes, de choix empilés comme un mille-feuilles et qui mènent chaque jour quelque part. Je suis une identité en évolution permanente dans un corps stable. Bref, les amis, j’en ai bien peur : on peut changer aisément de voiture, mais on reste prisonnier de soi-même.

REBONDS…

Cyrus North, le Youtubeur philodécalé vous parle de l’existentialisme…

 

 

 

5 réflexions sur “Être ou ne pas être soi-même… en T-Roc.

  1. Merci beaucoup pour cet article. Je cherchais à retrouver ces pubs, qui m’ont frappée pour les mêmes raisons (philosophie quand tu nous tiens…). Je les rencontre ici, commentées, avec plaisir !
    Il est juste effectivement de saluer la force propositionnelle des publicitaires : ces pubs, quelle claque ! Ca change des couchers de soleil silencieux… Le nombre de tiroirs (de significations débrayables :p) derrière ces slogans méritait qu’on s’y penche. Cependant, il en manque un il me semble, que je ne parviens pas à retrouver… Quelque chose comme « Après avoir collectionné les étiquettes, vous allez pouvoir les laisser tomber » que j’ai trouvé sociologiquement très juste (et cynique à souhait, si on veut bien lire au-delà de l’aspect « développement personnel » classique).

    1. Merci Axelle. Transformer l’abribus en café philo n’est pas toujours facile… mais je suis quand même étonnée que la semaine du bac philo ne soit pas plus propice à des campagnes pertinentes et impertinentes à destination des futur.e.s bachelier.e.s. À bientôt pour un autre philo pub 😉

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