Et si Platon revenait…

Et si Platon revenait Roger-Pol Droit

Après l’avoir croisé en classe de Terminale, nous avons à nouveau rendez-vous avec ce cher Platon dans une galerie d’art contemporain, au Mc Do ou au mémorial de la Shoah. C’est le philosophe Roger-Pol Droit qui nous le présente : ils se sont recroisés à la COP21 après avoir échangé sur Facebook. Avec « Et si Platon revenait… », l’auteur habitué des expériences de pensée philosophiques nous embarque dans un télescopage des plus stimulants à la redécouverte de ce Platon que tout le monde croit connaître. De scènes décalées en rebondissements intellectuels, nous n’avons pas fini de sortir de notre caverne…

Platon, candide au XXIe S. ?

Parachuté en 2018, Platon réaliserait par exemple que nos écrans sont nos cavernes mobiles où se projettent en permanence des reflets de la réalité qu’il nous faut sans cesse interroger. Il reconnaîtrait chez les dir’com les nouveaux sophistes, qu’il a bien connu dans sa Grèce antique. Il s’étonnerait que la dissidence et la rébellion soit constamment célébrée (pour mieux la neutraliser ?) au point d’offrir à un de ses représentants le Prix Nobel de Littérature. Il prendrait Google avec des pincettes : ce n’est pas parce que tout le savoir du monde est à notre portée que cela suffit à notre intelligence. Il faut avoir préalablement trouvé ailleurs des principes organisateurs pour faire le tri, comme pour la nourriture, entre savoirs indigestes, avariés, toxiques ou pathogènes. Platon se rend aussi à Pôle Emploi, visionne House of Cards, se balade sur Meetic, va chez le psy ou croise Thomas Pesquet. Roger-Pol Droit nous régale intellectuellement en confrontant le penseur des dialogues athéniens à une quarantaine de sujets contemporains. Mais il va beaucoup plus loin.

Platon démocrate ? Que nenni…

Roger-Pol Droit nous rappelle ce qui distingue Platon de son mentor Socrate, qui préféra avaler la ciguë après son procès dans l’athénienne démocratie. Il nous rappelle que Platon en gardera un rejet certain pour cette démocratie… car pour Platon, une erreur majoritaire ne devient jamais une vérité. On redécouvre alors le Platon dont la pensée politique idéaliste porte en elle les germes du totalitarisme et à quel point elle inspira, évidemment bien malgré elle, les penseurs nazis. On découvre l’étrangeté du travail littéraire de Platon : jamais de théorie exposé comme telle à la première personne, jamais de système de pensée clairement assumé face à ses lecteurs mais un seul artifice d’expression « par procuration » : les dialogues entre personnages qui s’affrontent sur de nombreux sujets, dans de bien sympathiques banquets ou ailleurs. Pas étonnant que « la » pensée de Platon ait donné lieu à autant d’interprétations puisqu’il ne s’adresse jamais à nous directement pour nous exposer le fond de sa pensée… Un sacré stratagème pour nous faire cogiter par nous-mêmes ?

À travers ce platonisme revisité, Roger-Pol Droit réussit une fois de plus à nous donner le goût de l’interrogation permanente. À force de débusquer les faux-semblants platoniques, nous voilà comme des petits Socrate des temps modernes, car «Vivre sans questions n’est pas vivre. Décoller des apparences est ce qui rend humaines nos vies. Elles ne seraient qu’animales, si le souci du vrai ne venait pas sans cesse les perturber, les tenir en alerte, les maintenir éveillées. » (p.113). Ce qu’il pourrait nous arriver de pire dans notre monde divertissant, confortable et cacophonique ? Que tout finisse par « Circulez, il n’y a rien à demander.»

Et si Platon revenait Roger-Pol DroitREBONDS

>le site de Roger-Pol Droit avec toute la revue de presse/audio/vidéo

>Roger-Pol Droit, invité de l’émission « Grand bien vous fasse » sur France-Inter :Platon Roger-Pol Droit Grand bien vous fasse

 

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