Aussi longtemps que dure l’amour…

Aussi longtemps que dure l'amour, Alain de Botton, Flammarion
Ici gît une rose de la St Valentin momifiée.

Maintenant que la Saint-Valentin est passée, on va pouvoir parler d’amour, celui d’origine contrôlée sans additif romantico-sirupeux à effet illusoire. C’est un peu l’objet du livre Aussi longtemps que dure l’amour signé Alain de Botton. Alors que les contes de fée se terminent lâchement par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », l’auteur nous invite à une visite guidée très particulière : celle des années qui vont suivre LA rencontre. Ici pas de recette du bonheur à l’américaine, pas de psychologie prête-à-tout-résoudre, mais une réflexion d’une lucidité épatante au fil d’une trame fictionnelle en compagnie d’un couple « ordinaire ». Tout ce que vous vouliez savoir sur l’amour, sans jamais imaginer que c’était donc cela… Lire la suite « Aussi longtemps que dure l’amour… »

Comment la PDM va détrôner la bonne résolution…

bonne-resolutionComme vous le savez sûrement, la civilisation occidentale s’est mise en mode start-up (du nom des jeunes pousses entrepreneuriales qui rêvent toutes de devenir le prochain Google). Bref, il faut constamment innover en toute agilité, sinon on tombe de vélo. Pour accompagner tous les bons vœux qui doivent présider à ce premier billet de 2017, j’ai donc décidé de m’y plier : je lance la PDM. Même pas la peine de faire une levée de fonds. Le fond, je l’ai déjà. C’est la forme du packaging qui manque le plus. Donc la PDM… Car, oui, les bonnes résolutions étant d’un convenu qui confine au ringard, il était temps de réagir, enfants du XXIè S. triomphant. Tout va trop vite et on condense pour être toujours au top. Tout nous pousse à faire équipe avec nous-mêmes pour relever le défi constant du mieux-être. Tout est « esthétique du moi » face à la pression de la réputation, sur les réseaux sociaux ou dans les apéros de voisinage. Il est donc venu le temps de la PDMLire la suite « Comment la PDM va détrôner la bonne résolution… »

C’était Mieux Demain… et surtout en 2089 !

2089 Ecole supérieure de communication digitale BesançonFin novembre, l’École de Communication Digitale 2089 m’a invitée à une journée « rencontre-débat-atelier » autour du livre dont je suis co-auteure avec l’illustrateur Clod (alias Alex Formika) : C’ÉTAIT MIEUX DEMAIN (Ed. Akileos). Une vraie « chronoportation » dans le futur, que je ne pouvais pas refuser : j’adore avoir des nouvelles du sur-lendemain. Après une brève introduction de ce livre caustico-loufoque, j’ai présenté aux étudiants de Master 1 l’innovation rétro-futuriste que j’avais tout spécialement imaginée pour eux : le traducteur universel UNI-GLOT’ dont vous pouvez lire le billet d’humeur à la fin de cette chronique.  Je les ai ensuite encouragés à faire différents exercices autour de leur propre innovation improbable, née dans leurs propres cervelles. Ça a fusé et j’imagine que nombre de start-up pourraient se mettre sur les rangs… Lire la suite « C’était Mieux Demain… et surtout en 2089 ! »

Mangez-en !

pub-barillaAu secours. Je suis à deux doigts de créer la Société Protectrice des Idées Créatives : la bien nommée SPIC qui se piquerait justement d’embellir coûte que coûte le quotidien avec malice, de nous chatouiller avec de l’humour ou d’indemniser nos 10 secondes d’attention forcée avec de l’intelligence. Qui t’es toi Barilla pour me déranger avec ton affiche et penser que me dire juste « Découvrez mes pâtes machin » allait suffire à faire émerger le début de l’envie du désir de la curiosité ?
Amis de la belle accroche publicitaire, de la poésie marketing qui entre en résonance avec l’inconscient collectif, du slogan-dicton à deux balles qui va rester dans les mémoires, l’heure est grave. Il faut entrer en Résistance. Il y a des dir’com au ras des pâquerettes qui nous font honte. Ils jouent la platitude du message pour espérer ne surtout pas émerger. Ils ont oublié que pour séduire, il faut commencer par étonner, sortir du brouhaha, illuminer la grisaille. Alors voilà, les chevaliers sans tête de la Guilde de l’Impératif ont encore frappé. C’est bien connu : l’impératif, c’est rudement dynamique et il suffit de parler aux consommateurs à l’impératif pour qu’ils s’exécutent comme dans une dictature qui leur aurait lavé le cerveau. À ce rythme-là, n’importe quelle intelligence artificielle va pouvoir rédiger au kilomètre des slogans qui commenceront tous par « Faites… », « Découvrez… », « Essayez… », « Goûtez… »…  À ce rythme-là, ce ne sont pas des SDF morts de froid qu’on va retrouver dans les abribus mais des consommateurs morts d’ennui à force de voir des affiches ânonnant les mêmes types d’injonctions.

Face à cette affiche, j’ai imaginé la réunion qui a scellé son destin et l’envolée finale en rase-motte : « Bon, c’est bien gentil votre idée-là, mais en fin de compte, j’aimerais qu’on revienne à l’essentiel de notre produit. Vous savez, les gens ont besoin de simplicité, surtout ceux qui mangent des pâtes. Le bio, c’est sans bla bla, sans pesticides et sans tourner autour du pot de sauce tomate. On n’a qu’à mettre « Découvrez les Pâtes Barilla Bio » et une belle assiette de pasta. C’est bien ce qu’on veut dire au fond, non ? »

En tant que conceptrice-rédactrice publicitaire, je fais un vil métier, mais j’y mets un minimum d’honneur : respecter l’attention du consommateur en lui offrant autre chose que la platitude absolue dans un monde où chacun cherche l’étincelle. Alors, sache-le Barilla (j’espère que tu apprécieras l’emploi de l’impératif…), je ne suis pas près de les « découvrir » tes pâtes.

Préparation cognitive pour 2017

2017-lectures-citoyenÇa y est. On convoite encore nos voix. De la litanie des promesses creuses, usées ou intenables à la farandole des petites phrases qui relèguent le débat d’idées aux calendes grecques, on n’a pas fini de passer à côté de ce qui importe vraiment pour notre avenir. Notre temps de cerveau disponible étant limité, il convient de trouver un savant dosage informationnel qui ne se limite pas à des heures de politique-spectacle… l’auscultation des programmes étant tout aussi indispensable. Plus que jamais, nous devrions aussi nous forcer à alterner la lecture de titres de presse aux opinions divergentes. Plus que jamais, nous devrions découvrir des avis d’économistes contrastés sur des sujets pleins de chiffres et pourtant beaucoup moins consensuels qu’il n’y paraît. Plus que jamais, nous devrions ouvrir le champ sans écouter le chant des sirènes du « there is no alternative ». Face au bourrage de crâne qui ne fait que commencer, je dégaine une petite liste de 4 livres aux indications thérapeutiques différentes… Lire la suite « Préparation cognitive pour 2017 »

J’accuse… un retard.

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CC Pexels

Les idées de billets tombent du ciel… ou parfois du train. J’ai eu l’idée de celui-ci en croisant, sur un écran de ma gare préférée, cette sobre annonce : « En raison d’un problème de signalisation, le train 3101 accuse un retard. » Restons calmes : à ma connaissance, aucun train ne se prend pour Émile Zola, défendant le capitaine Dreyfus. Explorons donc fissa les entrailles de cette étrange expression qui ne manque pas d’air… Lire la suite « J’accuse… un retard. »

La Vie Intense, c’est plus ce que c’était.

tristan-garcia-la-vie-intense-autrementDu café moulu au moindre parc de loisirs, il ne se passe pas un jour sans qu’on nous promette une expérience intense. Dans nos vies qui ne peuvent plus se contenter d’être ordinaires, c’est l’obsession moderne et la valeur cardinale de la société libérale et marchande. La finalité de l’existence est d’intensifier sa nervosité, ses sensations et ses potentiels. Une évidence qu’on n’interroge même plus. Le romancier et philosophe Tristan Garcia y a donc vu un angle mort de notre société, à scruter sérieusement dans « La Vie Intense » (Éditions autrement). Personnellement, mon cervelet n’est pas ressorti tout à fait indemne de ce livre. Une lecture exigeante, une pensée dense et un final qui a eu l’effet d’une électrode : « Mais c’est bien sûr… ». Les critiques qui m’ont précédée ont surtout flashé sur le parallèle historique que l’auteur fait entre le développement du concept d’intensité et la charge symbolique de l’avènement de l’électricité, qui enthousiasma les salons du XVIIIe S. Mettons les doigts dans la prise, mais n’en restons pas là… Lire la suite « La Vie Intense, c’est plus ce que c’était. »

L’illustrateur Clod fait la une de la rubrique Faits-Divers

Yvette Sisyphe en pleine action dans les corons...
Yvette Sisyphe en pleine action dans les corons…

Oyez braves gens ! L’illustrateur avec lequel j’ai commis le livre C’ETAIT MIEUX DEMAIN récidive avec un nouvel opus : « LE CALVAIRE DE MAMIE YVETTE ET AUTRES FAITS-DIVERS ILLUSTRÉS», une galerie de 50 illustrations qui rebondissent sur le titre d’un véritable fait-divers narré dans le quotidien Le Parisien… Tout un programme autour de notre comédie humaine où l’incroyable fleurit au beau milieu de l’ordinaire. Comme Didier Decoin ou bien d’autres, l’illustrateur Clod a toujours été intrigué par les faits divers, ces morceaux de dramaturgie improbables. C’est souvent dans le titre qui précède la brève que se concentre tout le pouvoir d’intrigue et d’attraction. Les faits-divers rocambolesques étant rarement pourvus d’une photo, l’illustrateur Clod laisse venir l’image et fait fuser les effets et les couleurs rien qu’à la lecture du titre. À chaque double-page, on a une nouvelle preuve que l’illustration, c’est d’abord un regard avant d’être une image…

crptzz3wiaehlb9 Il y a un autre régal pour l’esprit sur chaque page de gauche : un événement quasi-contemporain du fait-divers en question y est également mentionné, venant apporter un clin d’œil supplémentaire, en contrepoint.

Si vous êtes dans la capitale pour le week-end des Journées du Patrimoine, ne manquez pas ce monument : Clod dédicace son nouveau livre le samedi 17 septembre à partir de 17 h au Café Martin, dans le quartier Gambetta (Paris XXe).

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En attendant, trinquons à la santé de Mamie Yvette qui a bien du courage… et qui nous a déjà abreuvés de sa philosophie anti-jeuniste dans un billet précédent. Mais est-ce vraiment la même Mamie Yvette ? Les enquêteurs sont sur le coup.

Le jeunisme, ça va faire pschitt…

kronenbourg affiche jeunismeRegarde, Mamie Yvette, tout fout le camp : si tu ne sirotes plus des bières à 69 ans en boîte de nuit, tu peux aller directement jouer au memory à la Résidence de l’Ultime Délivrance. De toute façon, les grands-mères ne peuvent plus être vraiment vieilles. Elles font des treks au Népal entre deux liftings et grignotent des baies de goji en snappant sur SnapChat. Ah… Mamie Yvette me signale dans l’oreillette que c’est grâce au bourrage de crâne du jeunisme pour vendre des trucs qui empêchent de vieillir. Elle dit que d’ailleurs, à l’inverse, tous les jeunes ne rêvent pas de monter une startup en buvant de l’élixir de Taureau Rouge… mais veulent plutôt dans leur majorité un boulot de salarié qui leur permette de commencer à vieillir, et qu’il faudrait arrêter avec les clichés à deux euros. Elle déplore qu’il n’y ait pas d’études d’âge, alors qu’il y a des études de genre. Oui, elle est comme ça, Mamie Yvette. Mamie Yvette, vous m’entendez ? J’entends un petit ronflement. Mamie Yvette nous a lâchement plantés là pour aller faire une petite sieste postprandiale, toujours la bienvenue à son âge. En attendant qu’elle se réveille, nous avons juste le temps de nous appesantir sur un des paradoxes de notre merveilleuse époque…

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NWX Summer Festival 2016 : un web d’avance ?

NWXSF16 Rouen digitalUn ancien entrepôt à Rouen, transformé en salle de concerts dédiée aux musiques actuelles : voilà l’endroit post-industriel idéal pour interroger la digitalisation du monde pendant 4 jours de conférences, d’ateliers, de hackathon… et de DJ sets. Comme le 106 (oui, c’est le nom du lieu) est en bord de Seine, les parisiens pourraient même venir en péniche ou en hors-bord. Le Summer Festival des NWX (pour Normandie Web Xperts) , c’est un peu le mojito des neurones avant la trêve estivale : 1/3 convivialité de l’organisation, 1/3 fraîcheur des idées, 1/3 acidité pour dézinguer les poncifs. Une façon de ne pas se prendre au sérieux quand on a les doigts dans la fibre. Imaginez qu’on soit en train de vivre une époque de basculement comparable à la Renaissance, où le numérique fait bouger les lignes en créant autant de tensions que d’émerveillement, il ne faudrait pas passer à côté en restant techno-naïf tendance œillère 2.0. Donc, en fait, comme me le rappelait son président Thierry Samper, l’idée du NWX Summer Festival, c’est de faire « un pas de côté » avec des chercheurs, des entrepreneurs, des philosophes, des entrepreneurs, des sociologues etc. pour bousculer les certitudes et interroger les consciences.Thierry Samper NWXSF16

Pour la deuxième année consécutive, je voulais en être… et je n’ai pas été déçue de la journée que j’ai pu voler au flux professionnel. Impossible ici de transmettre la substantifique moelle des 11 interventions de la journée. Voilà ce qui a le plus retenu mon e-attention personnelle… Lire la suite « NWX Summer Festival 2016 : un web d’avance ? »

«L’Homme Nu » passe la visite digitale

mon nouvel appart orange affiche

Regardez bien cette affiche signée Orange… On dirait qu’avec la 12G et l’Ultra Wi-Fi, vous pourriez avoir votre résidence secondaire dans tous les Hilton de la Terre. Une fois les frontières abolies et les vilains États leveurs d’impôts démantelés, vous pourriez devenir le nomade libre d’aller et venir sur la planète geek. Plus de racines, plus de vie privée, plus de CDI…. Un vrai « citoyen » du monde. Le problème, c’est qu’au moment où cette affiche m’a tapé dans l’œil, j’étais aussi en pleine lecture du livre « L’Homme Nu » de Marc Dugain et Christophe Labbé, et forcément, je l’ai vue autrement ma jolie affiche… Lire la suite « «L’Homme Nu » passe la visite digitale »

« La Petite Histoire » : anecdotes dans le bon ordre.

La Petite Histoire Didier Chirat LibrioLe saviez-vous ? Il paraît qu’à l’Éducation Nationale, le Dieu Cronos a du mou dans sa flèche. L’enseignement chronologique de l’Histoire serait doucement remplacé par une approche « thématique ». Un inspecteur académique a expliqué à une amie enseignante qu’il ne fallait plus aborder les sujets de façon chronologique, même en Histoire des Arts, car, devinez quoi… la jeune génération n’intègrerait pas cette notion ! Consternation, mon cher Gaston. Colère de mère, mon cher Clotaire. On a dû mettre quelque chose dans les biberons qui leur a bousillé la zone de la chronologie. Donc on se retrouve si j’ai bien compris avec des briques thématiques qui flottent dans le passé… et que les gentils crétins de la génération Z pourront, s’ils ont de la chance, remettre dans l’ordre avec des parents cultivés qui les emmènent au musée ? On va encore dire que je ne fais pas d’effort, alors que c’est pourtant évident. Ils ont du mal avec la chronologie ? On n’a qu’à faire comme s’il n’y en avait plus. Ils ont du mal avec l’orthographe ? Et hop, on dit qu’on s’en fiche… jusqu’à la première lettre de motivation à rédiger pour trouver un job. Quoi encore ? Ils n’arrivent pas à tenir la porte à la personne suivante dans le métro ? Pas grave, on va mettre des portes qui s’ouvrent toutes seules. Ok. Ok. Je me calme. Alors forcément, je dois vous le dire : quand j’ai ouvert le livre de Didier Chirat « LA PETITE HISTOIRE – 20 moments méconnus mais décisifs de l’histoire du monde », j’ai poussé un petit ouf de soulagement. Le premier chapitre qui concerne la défaite de Xerxès 1er, le roi des Perses, est bien placé avant le fantôme d’Ann Boleyn : les chapitres sont classés gentiment… dans le sens de l’Histoire. Lire la suite « « La Petite Histoire » : anecdotes dans le bon ordre. »

Pouvons-nous tous être créatifs ?

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Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je dis parfois « Je fais de mon mieux. »… mais je finis toujours par confier la vérité : je suis « créatif publicitaire ». Pour les interlocuteurs les plus éloignés de ce domaine d’activité, la question surgit rapidement : « Mais vous faites comment pour avoir des idées et être créatif tout le temps, pour ne pas sécher ? » J’explique que, comme pour beaucoup de choses, on fait travailler un muscle de plus en plus entraîné… et on ne s’autorise pas à ne pas trouver. « Pouvons-nous tous être créatifs ? » Bizarrement, je crois que je ne m’étais jamais vraiment posé la question en ces termes. Le philosophe Charles Pépin l’a mise au programme de son cycle Lundi Philo, ce lundi 9 mai de l’an de grâce 2016, au cinéma MK2 Odéon, devant une salle aussi comble que remplie de questions… Vous pensez bien que j’y étais.

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Le voisin a tout… et surtout ce que je désire.

IKEA mai 2016 Ne laissez pas votre place aux autresAvec ce week-end de l’Ascension presque estival, on aurait pu avoir de nouveau l’illusion que le soleil brille pour tout le monde. Comme c’est trompeur. A l’heure où vous cherchez le fauteuil de jardin idéal pour vos pauses impromptues sous le figuier, la marque d’ameublement jaune et bleue est là pour vous le rappeler. Dans un élan ultralibéral à tendance darwinienne, IKEA vous le dit clairement : « y’en n’aura pas pour tout le monde alors, struggle for chair » !

Dans un contexte social un brin tendu, peut-être plus encore que le cannage de ce sacré fauteuil VIKTIGT, on peut y voir au choix : un encouragement à l’individualisme résigné ou un précepte de développement personnel pour aider ceux qui ne bronchent pas quand on leur passe devant chez le boucher. Quand j’ai vu cette première affiche de la série, je me suis dit que bien sûr, pour vendre une édition ultra limitée, il était aisé de jouer à fond la rareté : un boulevard conceptuel avec un clin d’œil entre la notion de « place » et le visuel du fauteuil… et hop on passe au brief suivant. Si on a fait la queue pour chaque nouvelle génération de smartphones de la marque à la pomme, c’est aussi grâce à cet art de la pénurie qui entretient le désir. Oui, je rappelle d’ailleurs aux non-latinistes que « désirer » vient du latin desiderare signifiant regretter l’absence de. Créer du manque perpétuel avec des objets que le voisin risque d’obtenir (et pas moi) est donc le moteur essentiel du marketing et de la consommation.

Mais attention, à peine une heure plus tard, je tombe sur une autre affiche IKEA,  la sœur jumelle survoltée :IKEA mai 2016 Court-circuitez tout le monde pour l'avoirEh eh, il ne s’agit plus de tenir sa place, mais bien de mettre les doigts du voisin dans le 220 V. Chouette ambiance dans les rayons du magasin IKEA…  Le monde décidément se partage en deux camps. D’un côté, les libertariens convaincus qu’il vaut mieux laisser les individus se disputer ce qu’il reste pour créer une saine émulation : il paraît que c’est le vrai moteur du progrès qui surpasse de loin les méfaits de l’intérêt général et de la solidarité dispendieuse. De l’autre, ceux qui commencent à douter de l’issue d’une crise sans fin entretenant habilement la compétition entre citoyens, à douter du retour de la croissance qui se fait désirer comme Godot,  et à douter aussi de l’intérêt du « toujours plus » au détriment du « moins mais mieux »…

Promettez-moi d’y penser lorsque vous vous jetterez sur le dernier VIKTIGT du rayon après avoir plaqué au sol le consommateur aux dents longues qui tentait de vous court-circuiter. À cet instant bien sûr, vous n’aurez pas du tout en tête cette phrase du philosophe Ollivier Pourriol : « Quelle que soit l’époque, une société dont le ressort est l’émulation est une société d’esclaves. » (CinéPhilo – p. 258)

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour garder votre place au soleil ? Allez-vous reprendre la place de citoyen que certains souhaitent vous voir abandonner pour occuper uniquement celle de consommateur insatiable ?

REBOND : « Le monde est clos et le désir infini » de Daniel Cohen, économiste

> Chronique à lire

> Replay à voir : 27 mn avec l’auteur et R. Enthoven (Arte Philosophie) 

 

 

 

Un an dans la vie d’une forêt

Un an dans la vie d'une forêt David G. HaskellUn an, un mètre carré, une merveille… et une boucle des saisons bien bouclée. David G. Haskell est biologiste. C’est sûr : on aurait tous aimé l’avoir comme prof de biolo pour faire des balades en forêt qui se seraient transformées en leçons d’émerveillement. Avec son livre « Un an dans la vie d’une forêt », qui lui a valu le Prix de l’Académie des sciences des États-Unis, l’auteur nous livre le carnet de bord d’un fascinant voyage immobile : après avoir délimité un mètre carré au calme dans la forêt des Appalaches, il revient scruter chaque semaine l’évolution de ce microcosme, en s’interdisant toute intervention aussi inutile qu’intempestive. Il n’y a pas que de l’humus et des doryphores dans ce carré-là. On y rencontre surtout un concentré d’intelligence, à déguster au fil des saisons. Mettez vos bottes… Lire la suite « Un an dans la vie d’une forêt »

Du côté de chez Mesdemoiselles Madeleines

Mesdemoiselles Madeleines, Marcel Proust, Madeleine
Marcel, si tu passais rue des Martyrs, tu serais fou…

Pauvre Marcel Proust ! Une œuvre immense comme une forêt… et néanmoins cachée par une petite pâtisserie : la madeleine. Car, oui, on ne va pas se mentir : les personnes qui ont vraiment lu « la Recherche » sont bien moins nombreuses que celles qui aiment faire référence à la Madeleine de Proust qu’on trempe dans le thé, comme un sésame de la mémoire émotionnelle. Peu de gâteaux ont d’ailleurs un pedigree aussi classieux et cultivé. À l’instar de la tarte Tatin, la fameuse Madeleine devrait son origine à la faveur d’un déboire en cuisine : elle aurait été créée en Lorraine, au milieu du 18e siècle, à Commercy. Suite à l’abandon des cuisines par le pâtissier lors d’un diner officiel, une certaine Madeleine Paulmier joua les pompiers et servit le gâteau qui nous occupe au prince régent de Lorraine, le duc Lesczynski.

Imaginez la postérité de Madeleine qui, depuis lors, se fait tremper gentiment dans le thé, qui vadrouille dans les cartables… après être entrée au Panthéon de la littérature sous la plume d’un dandy souffreteux, ce cher Marcel. Quel parcours… Sur LinkedIn, c’est « expert absolu ».

Morceau de bravoure à la gloire de la pâtisserie et de la littérature, la Madeleine continue à titiller les talents créatifs. En voici pour preuve, une boutique pas comme les autres qui décline le plaisir de la Madeleine avec de nouvelles recettes, sucrées mais aussi salées : Mesdemoiselles Madeleines

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Philosophie Magazine : cure de ré-intoxication

Philosophie Magazine Paris Philo ParigrammeChacun ses défauts : je ne fume pas. Même pas de cigarettes en chocolat. Mais je fume des concepts philosophiques. Oui, je crois que je suis devenue dépendante de la philo. En même temps, mes alvéoles pulmonaires ne se plaignent jamais d’une taffe de Bergson ou d’un paquet de Spinoza sans filtre.

Toute forme de dépendance peut poser question, mais finalement, nous sommes fondamentalement dépendants : de l’air que nous respirons, de l’eau qui nous manque mortellement au bout de 4 jours, de ceux que nous aimons, de nos aversions comme de nos passions, du réseau électrique, de la fiabilité des freins de notre auto… Dépendants sans que cela puisse devenir une excuse permanente, c’est-à-dire dépendants et pourtant responsables. Parfois, on n’admet sa dépendance qu’après avoir expérimenté le manque. C’est logique. Donc, après plusieurs années de lecture de Philosophie Magazine, j’ai décidé de ne pas renouveler mon abonnement. Pourquoi ? Je ne le sais pas exactement moi-même, car nous sommes loin d’être aussi rationnels que l’idéologie contemporaine de la maîtrise chiffrée voudrait nous le faire croire. Je n’avais pas de reproche à faire à cette publication : je me lançais sans doute inconsciemment un défi… Lire la suite « Philosophie Magazine : cure de ré-intoxication »

L’espoir a-t-il un avenir ?

L'espoir a-t-il un avenir Monique Atlan Roger-Pol DroitLe poète Dante avait inscrit à la porte de l’Enfer : « Laissez toute espérance, vous qui entrez. » Adeptes décontractés de la désespérance très tendance, aurions-nous fait, de cette sentence glaçante notre devise ? Monique Atlan et Roger-Pol Droit qui m’avaient déjà passionnée avec leur enquête HUMAIN partent à la recherche de ce qui a disqualifié peu à peu l’espoir d’un monde meilleur. Dans un court termisme devenu subrepticement la règle, il est de bon ton de savoir profiter de l’instant sans trop attendre de l’avenir… et en même temps, on sent bien que tout cela ne nous mènera pas bien loin. Ouvrons avec eux la boîte de Pandore pour voir si l’espoir y dort encore…et comment on peut le réveiller. Oui Pandore, car dans « L’espoir a-t-il un avenir ? », tout commence par ce mythe fondateur que l’on réduit un peu vite à l’amphore d’où sortent malencontreusement tous les maux du monde. On oublie qu’il y reste, tapie au fond, une entité que les Grecs appellent elpis. Sa parfaite ambiguïté résume la condition humaine : à la fois connaissance des tourments qui peuvent surgir et… ignorance de ce qui va vraiment advenir et quand. Un mélange d’attente inquiète et d’espérance positive. Ce n’est bien sûr que le début du voyage en terre d’espérance… Lire la suite « L’espoir a-t-il un avenir ? »

Jobijoba : quand on cherche, il nous trouve.

Un job vous cherche sur jobijoba.comAvant, c’étaient les chômeurs qui cherchaient un job… et croyez-moi, chercher une aiguille dans une botte de foin ne donne absolument pas envie de faire les moissons. Il fallait y mettre beaucoup d’énergie, de sagacité et… de rapidité pour être plus réactif que le chômeur d’à-côté. Des heures au téléphone, des liasses de CV envoyés, des tonnes de CO2 gaspillées pour se rendre à des rendez-vous stériles. On se demande comment on a pu supporter une technique aussi préhistorique. Mais avec Jobijoba, une autre ère de l’employabilité s’offre à nous… Lire la suite « Jobijoba : quand on cherche, il nous trouve. »

Vouloir, c’est pouvoir ou… « Ma Vie en Mieux » !

Gretchen Rubin Ma Vie en Mieux Flammarion changer
Avec Gretchen Rubin, on cherche le muscle qui agit sur nos bonnes habitudes…

Même si rien n’a fondamentalement changé entre le 31 décembre et le 1er janvier, vous vous êtes peut-être acheté deux ou trois bonnes résolutions pour 2016. Vous êtes comme ça vous : en décembre, ça sent le sapin ; en janvier, on repart du bon pied. « Reloading », comme on dit dans les milieux connectés. Là où vous ne comptiez plus sur personne pour relever le défi comme Hercule, une femme d’exception peut vous aider : Gretchen Rubin, cette ancienne juriste à la Cour Suprême des États-Unis est partie à la recherche des lois qui régissent la façon dont nous adoptons les habitudes qui jalonnent notre vie quotidienne. Je l’avoue : elle m’a beaucoup impressionnée par sa détermination de scout à débusquer les secrets de notre volonté sur nous-mêmes. Alors, êtes-vous « Petit Soldat », « Pinailleur », « Oblatif », ou « Rebelle » ? Lire la suite « Vouloir, c’est pouvoir ou… « Ma Vie en Mieux » ! »

Comment ça va mal ?

les meilleures citations déprimantes Folio La dernière fois que je suis passée voir ma mère à l’hôpital, elle regardait sans le regarder un jeu télévisé avec des questions qui n’étaient pas destinées aux champions. Une candidate n’a pas su choisir la bonne réponse pour dire quel roi avait fait construire la Galerie des Glaces du château de Versailles… mais deux questions plus loin, elle a tout de suite trouvé le nom de jeune fille de Laetitia Hallyday. On peut le dire, ça m’a un peu déprimée sur le moment. Le truc bête, la petite goutte d’eau, quoi. Mais heureusement, devant une consternation aussi ordinaire et anodine, je ne me suis pas laissée abattre. De retour au bercail, j’ai décidé de « soigner le mal par le mal », car « Il vaut mieux en rire de peur d’avoir à en pleurer. »

Je me suis donc replongée 5 mn à peine dans un livre tordant : « Les meilleures citations déprimantes pour bien commencer la journée » de la collection « Folio entre guillemets ». Un régal de pessimisme plus efficace que les bréviaires du développement personnel qui positivent comme on évangélise.

Vous vous sentez coincé entre la sidération post-attentats et la sirupeuse réjouissance des lutins de Noël… et vous gérez mal le contraste ? Vous opinez mollement de la tête devant les injonctions à célébrer la vie en grand résistant de la fête à gogo ? Vous êtes prêt à vous délecter de cette anthologie de citations compilées par Eve et Pascal Cottin, inspirée par un passage de « Je vais mieux » de David Foenkinos :

les meilleures citations déprimantes Folio (2)N’attendez même pas les bonnes résolutions de janvier. Dans 13 chapitres thématiques qui ne portent pas malheur, vous trouverez chaque matin une phrase pleine d’esprit pour affronter la funeste condition humaine et la pathétique relativité de votre spleen.

L’huissier vient d’emporter le canapé ? « Vous ne possédez rien en dehors des quelques centimètres cube de votre crâne. » de George Orwell tombera à pic. Vous vous en voulez de ne pas être plus heureux alors que des enfants meurent de faim ? Gustave Flaubert a le mot de la fin : « Le bonheur est un mythe inventé par le diable pour nous désespérer. » Votre état de fatigue vous a transformé en enclume quand le réveil a sonné ? Repiquez un somme avec Simone de Beauvoir qui nous dit : « La mort semble bien moins terrible quand on est fatigué. » Vous ne saviez même pas ce qu’était un lumbago et vous en avez déjà plein le dos ? Passez-vous de la pommade qui pique avec « On cesse d’être jeune quand on comprend qu’une douleur dure le temps qu’elle dure. » de Pavese. Vous avez décidément des problèmes de wifi avec vos proches ? Mettez les doigts dans la prise avec « On mourra seul. Il faut donc faire comme si on était seul. » de notre cher Blaise Pascal. Vous avez été déçu par l’accord conclu à la COP21 ? Plantez-vous dans la tête « La misère est une énergie renouvelable. » de Thomas B. Reverdy.

Vous voyez qu’on se sent déjà mieux… Un indispensable, je vous dis. Mais franchement, quand je pense que vous ne connaissez peut-être même pas le nom de jeune fille de la Laetitia du Johnny, je me demande comment vous faites pour surmonter autant d’ignorance crasse… Vous arrivez encore à vous regarder dans les miroirs de la Galerie des Glaces ? Allez, joyeux Noël tout de même.

Rebonds : le site de Pascal Cottin

Au secours… j’ai tout prévu !

Je viens d'inventer le feng shui de la sortie de secours...
Je viens d’inventer le feng shui de la sortie de secours…

Dernière minute : ce billet a été publié quelques heures avant les terribles attentats coordonnés à Paris… il n’y a donc aucune ironie post-traumatique dans le billet ci-dessous. Une malheureuse coïncidence que seuls les pires vendredis 13 peuvent inventer…

Franchement, je n’y connais pas grand-chose en feng shui. Il paraît qu’il y a des ondes d’énergie qui parcourent nos habitations… moi, je veux bien, car c’est aussi plausible que le Wi-Fi finalement. Mettez un ado dans une maison sans Wi-Fi par exemple. Il présente des symptômes très nets de dépérissement qui ne seront aucunement soignés par l’acupuncture… mais par une seule chose : le retour de la connexion divine. Donc, en fait, si les ados sont aussi sensibles que cela à l’absence d’ondes Wi-Fi, c’est bien que l’ensemble de l’espèce humaine peut également être sensible sans le savoir aux dysfonctionnements qui peuvent affecter la circulation des ondes du chi. Oui, le chi ou qi. Ne me regardez pas de cette façon, comme si je parlais ch’ti à quelqu’un de la Canebière. Le chi, c’est le souffle vital environnemental que se propose d’optimiser cette fameuse discipline asiatique appelée feng shui. Le chi s’évalue entre autres grâce au principe dual du yin et du yang. Sa bénéfique circulation est également favorisée ou contrariée par l’utilisation des cinq éléments que sont le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau… reliés eux-mêmes aux matériaux de nos éléments de décoration ainsi qu’aux couleurs qui égaient ou pas notre intérieur. Je vais m’arrêter là définitivement pour le côté « Le feng shui pour les trop nuls », rassurez-vous. Je voudrais plutôt vous confier un ensemble de loufoqueries personnelles liées à un micro-déménagement professionnel dans un open-space où j’avoisine assez directement… la sortie de secours. Tout de suite, allez savoir pourquoi, j’ai trouvé ça très feng shui. Imaginez… Lire la suite « Au secours… j’ai tout prévu ! »

Vous êtes fous d’avaler ça !

Estomacs solides, à vos armes !
Estomacs solides, à vos armes !

Vous buvez du thé vert de Chine parce que c’est plein de bons antioxydants ? Vous risquez surtout de siroter des pesticides. Vous adorez le paprika en poudre et vous en mettez même dans les yaourts ? Vous avez pu ingérer sans le savoir des crottes de souris broyées ! Les tomates moisies dans le coulis, vous vous dites que ça se sentirait forcément au goût ? Vous sous-estimez les talents des magiciens de la malbouffe. Vous êtes persuadé que le miel est toujours fabriqué à 100 % par des abeilles ou qu’il y a des vraies fraises dans toutes les confitures de… fraises ? Votre naïveté s’étale au grand jour en même temps que sur la tartine. Heureusement, grâce au livre-choc « Vous êtes fous d’avaler ça ! » de Christophe Brusset, l’ingénieur agroalimentaire dégoûté qui brise la loi du silence, vous allez être déniaisé et édifié ! Matières premières avariées, substituts inavouables mais tellement moins chers, chantages aux déréférencements, embrouille sur les provenances, contrôles sanitaires insuffisants… l’idée majeure, c’est de faire le plus de marge possible sans aucun scrupule pendant que vous achetez les yeux fermés. Heureusement que les pointes d’humour de l’auteur assaisonnent le frichti pour éviter de vomir tout de suite de colère. On nous prendrait donc définitivement pour des c… ? Lire la suite « Vous êtes fous d’avaler ça ! »

Qu’est-ce qui nous unit ?

Roger-Pol Droit Qu'est-ce qui nous unit ? Plon
Conjuguer à la première personne du pluriel ? Pas si simple…

Il faut bien le dire : nous avons déjà du mal à savoir qui parle exactement quand nous disons « je », alors cerner précisément ce que nous entendons par « nous »… Encore une perplexité quotidiennement escamotée, mais qui n’a pas échappé au philosophe Roger-Pol Droit. Son dernier ouvrage « Qu’est-ce qui nous unit ? » fait écho à l’ambiance de plus en plus électrique qui nous entoure : retour de la barbarie intégriste au plus près de nous, antienne du « vivre ensemble » devenue ridicule, clivages de plus en plus marqués dans une crise interminable qui prend des allures de tournant de civilisation digne de la Renaissance… Alors, décidément, derrière ce qui semble aller de soi, rien ne va plus…

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Vous aimerez peut-être cette sujétion.

 Suis-je un algorithme ?
Suis-je un algorithme ?

Jean d’Ormesson a raison : la langue française est formidable. À partir de deux étymologies différentes, elle a créé deux homonymes qui nous tendent un piège : suggestion (du latin suggestio qui veut dire ajouter) et sujétion (du latin subjectio qui veut dire soumettre). L’un nous laisse croire que les conseils sont gratuits et dénués d’influence… alors que l’autre avance clairement avec le glaive de l’autoritarisme à la main. Ne partez pas : ce n’est pas la séance du dico à l’Académie Française… Non, en fait, ce qui est formidable, c’est que la révolution numérique et ses nouvelles habitudes nous amènent à chatouiller un nouveau lien secret entre ces deux mots… Lire la suite « Vous aimerez peut-être cette sujétion. »

Le Journal Impubliable est une perle.

Eliane Saliba Garillon Journal Impubliable de George Pearl arléaVoilà une lecture estivale que je voudrais vous faire partager… mais je vous arrête tout de suite : je n’ai pas lu ce livre au bord de la piscine avec un mojito et un paréo, pas plus que cachée dans un bosquet de buis… c’est donc un vrai fiasco pour le cliché aoutien. Tant mieux.

On parle beaucoup en ces temps obscurs des livres « feel good » qui auraient un effet plus certain que bien des anxiolytiques . Je n’arrive pas à le placer dans cette catégorie opportuniste, mais c’est un livre qui fait paradoxalement du bien… grâce à un personnage qui n’a justement rien d’un optimiste ! Il nous évite en tout cas le côté « sucrette positive » que je supporte de moins en moins.

Sur la couverture du deuxième roman de Eliane Saliba Garillon, je suis d’emblée bien accueillie par un de mes illustrateurs préférés. Voutch a en effet croqué, sans légende cette fois-ci, ce qui pourrait résumer le personnage principal : un sacré chardon à approcher avec prudence. Mais au-delà de la couverture de ce « Journal Impubliable de George Pearl » ? Lire la suite « Le Journal Impubliable est une perle. »

350 tonnes de mégots à Paris, ça chiffre…

Un essaim ? Une termitière ? Que nenni du mégot de Paris, Valéry !
Un essaim ? Une termitière ? Que nenni : du mégot de Paris, Valéry !

Récemment, j’ai assisté à une conférence au collège de notre fils. Oui, c’est plus fort que moi, j’adore écouter des gens qui savent des trucs que j’ignore encore. Un éminent professeur en toxicologie nous a appris que le nombre de décès directement imputables au tabagisme (73 000 par an) représentait l’équivalent d’un krach de Boeing par jour. Voilà une image qui vous bouche illico les alvéoles pulmonaires. En même temps, je vous connais : avec votre soif du spectaculaire, si on vous annonçait tous les jours qu’un Boeing rempli de fumeurs s’est écrasé dans un cendrier, vous deviendriez complètement blasé et vous oseriez dire « Oh c’est bon maintenant, c’est encore pareil qu’hier ». Pourtant, niveau spectaculaire, un Boeing chaque jour, ça relativiserait presque les dommages collatéraux des pilotes de l’air dépressifs…

Donc, un petit matin frisquet, je croise un camion poubelle bien vert sur une artère parisienne, surveillé par des employés municipaux… en train de s’en griller une. Il porte cette affiche ci-dessus qui m’interpelle, avant même d’avoir siroté mon arabica Caméra Café à 25 centimes. Oui, parfois je m’étonne, car aussitôt, je me dis comme ça, sans caféine dans les veines : «  Mais comment qu’ils ont fait les employés de la Propreté de Paris pour peser tous ces mégots ? » Ils ont un pèse-mégots dans la benne. Ou alors, ils ont encore inventé une appli pour ça… Lire la suite « 350 tonnes de mégots à Paris, ça chiffre… »

Charles Pépin nous fait revivre

Allez, on se la refait cette vie ?
Allez, on se la refait cette vie ?

Il y a des expressions qui sont de véritables pièges à poncifs, posés là par je ne sais quel inconscient collectif… « Refaire sa vie » en fait partie. Lorsque j’ai vu que le philosophe Charles Pépin en faisait le sujet d’un de ses lundis-philo au cinéma MK2 Hautefeuille à Paris, j’ai donc réservé un aller simple pour « Peut-on vraiment refaire sa vie ? ».

Véhément contre les vessies qu’on voudrait nous faire prendre pour des lanternes, Monsieur Pépin remet les pendules à l’heure. Franchement, n’en déplaise à ceux qui se raccrochent au cycle des réincarnations, la vie est précisément ce qu’on ne refait pas et c’est justement ce qui lui donne son prix… Alors, on refait quoi ? Lire la suite « Charles Pépin nous fait revivre »

Perdre un enfant, « ça ne se dit pas »…

Une pétition pour faire naître un néologisme...
Une pétition pour faire naître un néologisme…

Quand j’ai passé mon bac de philo, j’avais choisi un sujet qui posait à peu près cette question : « Notre pensée est-elle prisonnière de la langue que nous parlons ? » Depuis, j’ai toujours… pensé que l’on pensait avec la richesse de son vocabulaire. Celui-ci permet d’approcher des nuances qui alimentent une réflexion plus complexe, que les finesses de la formulation peuvent rendre compte de situations aux facettes multiples, d’une infinité de nuances de gris. J’ai toujours senti que quelque chose qui ne se désignait pas clairement n’était pas tout à fait « pensable »… et j’ai fini par constater que la bataille des « éléments de langage » en politique, en communication ou ailleurs était la vraie bataille des consciences. Le choix des mots peut vous retourner le cerveau. Alors, quand j’ai lu le récit de Marie dans Psychologies Magazine d’avril, j’ai compris ce qu’elle entendait par être « mot-dite »…

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Le bonheur est dans le hasard, cher Édouard.

céramique raku chemins du gingko
Les belles craquelures aléatoires d’une céramique raku de Catherine Le Baron…

Quel rapport entre la question innocente d’une lycéenne, le dernier livre du philosophe Roger-Pol Droit et la céramique raku ? Vous allez voir ce que vous allez voir…

Lors d’une dédicace à un salon du livre, une lycéenne posait à chaque auteur une question épineuse, dans le cadre d’une espèce de mémoire : « Pensez-vous que le bonheur soit un but dans la vie ? ». Diantre.

Je lui ai répondu que justement « pas du tout », que c’était vouloir attraper une ombre et que l’essentiel, c’était plutôt de trouver pourquoi on était fait, pourquoi on vibrerait de toutes ses cordes à son arc. Trouver sa place et faire résonner ce qui fait de nous ce que nous sommes. Oui, la société de consommation a tout intérêt à nous faire croire que le bonheur, c’est d’être heureux avec ce que l’on réussit à acquérir. Elle a eu l’air tout à fait satisfaite, mais pas le moins du monde étonnée par ma réponse qui est sortie comme ça d’on ne sait où. Acte I. Lire la suite « Le bonheur est dans le hasard, cher Édouard. »

1 kg de culture générale ? Y’a plus… Je vous le laisse ?

Une erreur dès la couverture...  assez vite pardonnée.
Une erreur dès la couverture… assez vite pardonnée.

Certains lancent des pavés dans la mare. D’autres ont la nostalgie des pavés sous la plage. Moi, j’ai mis un pavé sur la table basse. Oui, j’y ai posé ce pavé intitulé « 1 kilo de culture générale ». La réponse iconoclaste à ceux qui veulent tout dématérialiser et laisser penser que puisque tout est sur la Toile, il suffit de ne rien savoir pour l’avoir toujours à portée de main. Inquantifiable, insoupçonnable et pourtant éminence grise de toutes vos prises de position, la culture se la joue générale. Elle se dit générale pour mieux cimenter notre socle commun. Mais, dans notre bonne société égalitaire, la culture se la joue sournoise… Lire la suite « 1 kg de culture générale ? Y’a plus… Je vous le laisse ? »

Veuillez attacher votre système de divertissement.

système de divertissement campagne EmiratesUn jour, cher Blaise Pascal, tu as dit quelque chose de très important : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir  demeurer en repos, dans une chambre. » (Pensées, 139). Tu voulais nous rappeler un truc flippant : ne rien faire du tout peut vite nous confronter à l’absurdité de notre condition humaine, voués que nous sommes à une fin funeste… et en même temps nous obliger à une réflexion indispensable sur le sens que nous pourrions quand même donner à notre existence. Bon, tu as dit cela alors que la VOD, la Play Station 4 et les smartphones n’existaient pas. Tu ne parlais donc sans doute pas du même « divertissement ». Qu’aurais-tu pensé de cette campagne web pour une compagnie aérienne qui vante son « système de divertissement à bord » ? La tête du jeune ahuri, casté pour l’occasion, n’aurait pas manqué de t’interpeller, certes. Mais c’est sans doute ce diable de mot « divertissement » qui aurait aussitôt fait tilt…

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« Être Charlie », ça vient de loin…

 

De l'encre, du sang et des larmes. La contribution de l'illustrateur Clod (alias Alex Formika)
De l’encre, du sang et des larmes. La contribution de l’illustrateur Clod (alias Alex Formika)

Vous avez cru quoi ? Vous avez cru qu’on ne bougerait pas, fatigués par nos agapes au milieu d’enfants gâtés, repus de galettes des rois et avides de soldes frénétiques ? Vous avez cru qu’on avait juste enterré Voltaire, Emile Zola et Jean Moulin sous une belle coupole pour créer une énième attraction touristique ? Vous avez cru qu’on avait oublié les invasions barbares, les délires de l’Inquisition, la St Barthélémy, le couperet de la guillotine, le bruit des bottes pendant le couvre-feu, les chambres à gaz… (et ma liste est pleine de trous) ? Vous avez cru qu’on se foutait de la liberté d’expression parce qu’on n’a plus rien à dire ? Vous n’avez pas compris qu’après tous ces siècles à brandir des certitudes, nous n’avons trouvé que la liberté d’expression pour nous prémunir des abus de pouvoir. Si tout peut être dit, tout peut être dénoncé. C’est notre seul rempart contre le retour du totalitaire… C’est le contrat de la République laïque. Nous préférons les abus de libertés aux abus de pouvoir. C’est un choix et un combat sans fin, alors que nous sommes empêtrés dans nos contradictions et nos différentes conceptions de la liberté. Que les paradoxes sont notre quotidien à l’heure où des lois antiterroristes un brin liberticides sont mises en place pour protéger… nos libres démocraties. Que nous cultivons aussi bien la « flicophobie » de bon ton que le besoin de super-héros qui assurent notre sécurité. Que l’ultralibéralisme qui porte mal son nom et qui a la religion du chiffre peut finir par dévoyer cette fameuse Liberté éclairant le monde. Nous n’avons pas besoin d’être convaincus à 100 % par les prises de position d’un journal satirique pour lui laisser combattre les idéologies perfides, les intégrismes dangereux, comme les préjugés confortables des bien-pensants.

Vous avez cru qu’on pouvait prétendre au paradis les mains pleines de sang ? Nous, nous croyons que, même si le paradis existe, notre combat, c’est d’éviter de retourner en enfer ici-bas.

Les liens qui libèrent dans Courrier International :

> »Fini de rire » ou la résistance des dessinateurs de presse

>La parole de l’écrivain algérien Kamel Daoud « A nous de décider quel monde nous voulons »

Et si vous écriviez des papillotes de Noël ?

Vous avez un message...
Vous avez un message…

Un micro-trottoir dont le Petit Journal de Canal + a le secret nous a montré des emmitouflés consternants qui ne savaient pas répondre à la question « En quelle année est né Jésus ? ». Ceux-là n’iront sans doute pas à la messe de minuit. Peut-être chercheront-ils encore le 24 au matin, non pas la réponse à cette question, mais le camion de combat des Tortues Ninja ou un collier pour la Tante Sidonie qui n’était pas prévue. On a tout dit sur l’orgie commerciale de décembre, l’éternel retour du kitsch, l’œil pétillant des enfants gâtés, le problème éthique du mensonge autour du monsieur rouge, les élans de solidarité qui réchauffent, la consécration de la famille avec sa trêve des engueulades au nom de l’esprit de Noël, nom d’une bûche… Plaisir d’offrir et joie de recevoir sont à leur apogée rutilante. J’en vois qui font du shopping pendant trois semaines en se régalant de leurs choix, en élevant le paquet-cadeau au rang d’art, en confondant le réveillon avec les jeux olympiques de la gastronomie. J’en vois en revanche qui font semblant de rien dans le style « vivement janvier qu’on n’en parle plus », qui s’indignent de ce délire mercantile auquel on échappe difficilement et qui, décidément, ne digèrent pas la torture institutionnalisé du foie gras.

Je propose un petit geste en marge de la société marchande qui peut les réconcilier : la papillote à message. Du chocolat comme il se doit, mais pas que. Une fantaisie qui accompagnera le grand déballage des cadeaux, aux enjeux affectifs et financiers bien trop gigantesques parfois. On la pose sur la table du réveillon en guise de marque-place…et on trouve un complice qui lancera l’ouverture en disant : « Tiens, tiens, il y a un message très personnel à l’intérieur. » Je vous en conte le principe.

Autour d’un chocolat, j’enroule une bandelette de papier sur laquelle j’aurais écrit une phrase à offrir, un clin d’œil tendre, en hommage à notre lien de famille indéfectible ou à la contingence magique de l’amitié. Je pose les deux sur un rectangle de papier cadeau, sobre, excentrique ou rutilant, c’est selon l’envie les amis. Je referme et je tortille de chaque côté pour former la papillote. J’ajoute une étiquette qui portera le nom de l’intéressé : détail très important car, vous l’aurez compris, les messages ne sont pas interchangeables mais terriblement personnalisés. Inutile d’en faire des tonnes : on peut rappeler un fou rire, faire une blague ou donner dans le compliment sincère…. Les mots aussi sont des cadeaux.

Ailleurs Décoration, le magazine rêvé.

Emménagez page 32 sans faire et défaire les cartons.
Emménagez page 32 sans faire et défaire les cartons.

Mais pourquoi est-ce que j’achète de temps en temps un magazine de déco alors que je n’ai pas de grand projet de rénovation et un budget décidément ridicule à claquer chez les meilleurs designers ? Voilà une question qui me démangeait comme une chaise recouverte de toile de jute, alors j’ai fait un peu d’introspection en tournant les pages de papier glacé… Cadet Rousselle a trois maisons, donc j’imagine que lui il peut s’abonner à Joie & Décoration et Very Maison, mais si vous avez un appartement F3, c’est vite décoré et on ne change pas de coussins tous les quatre matins. C’est comme le luminaire Kilétrobo à 2 399 €, nombre d’entre nous ne l’accrocheront au plafond que pour la semaine des quatre jeudis. Alors quoi ??? Lire la suite « Ailleurs Décoration, le magazine rêvé. »

Taxe rose : c’est bien notre genre de payer trop…

Il est certes parfois rasoir de se faire plumer de la sorte.
Il est certes parfois rasoir de se faire plumer de la sorte.

Si vous n’avez pas encore coupé le poil qui vous relie à l’actu, vous avez sans doute entendu parler ce mois-ci d’une certaine « taxe rose ». Une association féministe a alerté les pouvoirs publics après avoir constaté que certains produits de consommation « genrés » étaient étonnamment plus chers dans leur version féminine alors que les caractéristiques du produit le justifiaient difficilement. L’exemple qui a été le plus cité est celui des rasoirs jetables. Donc là, c’est comme si Georges Sand et Madame Jourdain prenaient tout à coup leur premier cours de marketing… Lire la suite « Taxe rose : c’est bien notre genre de payer trop… »

Le Bouton DARTY : une crise d’acné technologique ?

Une femme est experte en bouton, c'est bien connu...
Une femme est experte en bouton, c’est bien connu…

Il faut savoir tirer la sonnette d’alarme… et pas seulement dans les trains. C’est le mot d’ordre que DARTY veut remettre au goût du jour avec son Bouton. Une question sur le drôle de bruit que fait votre four à pyrolyse avant l’explosion ? Une envie de crise de nerfs, accroupi près de votre aspirateur souffreteux ? Une interrogation honteuse face à votre tablette maléfique ? Appuyez sur le Bouton qui a été préalablement installé dans votre logis, raccordé 24 h/24 en wi-fi à la plateforme Darty. Un conseiller vous rappellera aussitôt… sur votre téléphone (on n’est pas dans un ascenseur en panne non plus). Oui, c’est encore plus moderne qu’un numéro vert à composer avec tout plein de chiffres : même un chimpanzé attardé pourrait le faire. On imagine la déco chez vous si toutes les marques se mettaient à créer leur bouton SAV en wi-fi… Lire la suite « Le Bouton DARTY : une crise d’acné technologique ? »

Le distributeur de livre-surprise

sérendipité - livre-surprise
Photo fastcoexist.com

À Toronto, une librairie a installé un drôle de distributeur : contre 2 dollars, BIBLIO-MAT vous délivre un livre-surprise. Pas un truc immonde en plastoc dans un œuf en chocolat, non un livre en vulgaire papier. La librairie en question fait parler d’elle avec cette machine improbable au look carrément vintage. Elle en profite aussi de cette façon pour écouler des livres d’occasion ou d’arrière-étagère qui ont plus de mal à trouver preneur que les best-sellers, même chez les rats de bibliothèques. Moi, j’aime beaucoup cette idée, parce qu’elle réintroduit dans la jungle prévisible de la personnalisation une notion totalement aléatoire de sérendipité. Mettre 2 euros comme on joue au casino intellectuel et faire une découverte… qui n’est en rien adaptée à mon profil Facebook ou mes dernières recherches Google dans les 3 semaines précédentes. L’anti-profilage couplé au hasard total de la rencontre fortuite. Le sel de l’aventure moléculaire dans un monde de coïncidences. Une sauvagerie quantique qui a échappé à la matrice. Pic nic douille, vive la lecture imprévisible qui fait la nique à tous les « Vous aimerez peut-être… » Quel frisson !

>> pour en savoir plus assurément sur cette machine (dans la langue de Shakespeare)

>>pour potasser un brin sur la sérendipité avec Sylvie Catellin

Ni vu, ni connu…

On surveille la grande porte et ça passe par une petite fenêtre.
On surveille la grande porte… et ça se faufile par une petite fenêtre.

L’été indien a fait tomber à l’eau votre envie d’hiberner dans une yourte. Vous avez donc sûrement entendu parler des étudiants de Hong-Kong qui manifestent pour réclamer de vraies élections démocratiques… avec des candidats qui ne seraient pas forcément choisis par le pouvoir en place. Nous autres, enfants gâtés de la démocratie post-Lumières, nous leur envoyons des bonnes ondes, pour nous rejoindre dans le camp des peuples libres à disposer d’eux-mêmes. En même temps, on devrait en profiter pour se souvenir que la démocratie, c’est comme l’amour, on n’a peut-être jamais fini de veiller à ce que ça dure. Je vous dis ça parce que je viens de finir une lecture très dérangeante… Lire la suite « Ni vu, ni connu… »

Pas son genre

Pas-son-genre-emilie-dequenne - Loïc CorberyOn peut le dire : ce n’est pas trop mon genre de me jeter systématiquement sur le livre qui a servi de base au film que je viens de voir… car vu le nombre d’adaptations au cinéma, toutes mes heures de lecture y passeraient. Mais en sortant de la salle où je venais de rencontrer les personnages de PAS SON GENRE, film de Lucas Belvaux, je me souviens avoir déjà eu envie d’en savoir plus sur eux. La rencontre en dédicace avec l’auteur du livre, Philippe Vilain, m’a pour ainsi dire donné le signe du destin pour cette lecture nécessaire. Si vous ne l’avez pas encore vu/lu, je vous résume la problématique comme on dit… François, un jeune professeur de philosophie très parisiano-mondain, se voit muter à Arras, par manque cruel de points. Le voilà donc projeté dans l’ennui consternant de la province septentrionale (point de vue du personnage, on est d’accord…). Ouf, il réussit à grouper ses cours sur deux jours d’apnée et revient vite fait respirer l’air de la capitale intellectuelle. C’est peut-être l’affaire d’une année, ma foi. Ayant quitté une parisienne parce qu’il ne souhaitait décidément pas s’engager, le voici qui erre le cœur vide dans des rues « arrassantes » (mille excuses, c’était trop tentant). Mais son rendez-vous chez le coiffeur va lui donner l’occasion de remplir ce vide par une nouvelle relation amoureuse, avec Jennifer, coiffeuse de profession. Est-ce fait pour durer ? L’aime-t-il vraiment ? Est-ce comme dans les contes de fées où l’amour triomphe de la distance sociale, culturelle et intellectuelle… parce que les bergères qui épousent les princes, c’est vraiment le top du cool ?

Lire la suite « Pas son genre »

Tri subjectif

tri rentréeL’odeur de rentrée devient envahissante et aucun masque ne nous en préservera. Alors, nous avons fait du tri sélectif (admirez le pléonasme qui ne choque plus personne). Nous avons jeté quelques cahiers de CM1 qui survivaient encore discrètement dans un coin… Mon fils a même mis à la corbeille avec détermination le journal intime dont il avait cessé de remplir les pages. Un modèle avec cadenas s’il vous plait pour que les secrets soient mieux gardés. J’ai un gros pincement au cœur en imaginant la benne à ordures emporter sans le savoir ces lambeaux d’enfance, au milieu des épluchures de pomme de terre et des pots de yaourt. Il y a des mues qui sont à ce prix… et des chrysalides désormais superflues.

J’ai aussi préparé un carton pour la déchetterie avec de «l’électronique » atteinte d’obsolescence aggravée. Il est troublant de mettre en parallèle la préciosité de ces objets lors de leur acquisition et leur anéantissement pathétique lors de la première panne irréparable. Il va falloir aussi « transmettre » des livres à la bouquinerie ou au Secours Populaire, car la place manque cruellement dans les bibliothèques. Se demander pour chacun si on y tient, si on le relira un jour, s’il prend de la place pour rien. Trier est un exercice organique qui s’effectue au niveau de l’intestin psychologique. Objets généalogiques, aide-mémoires, tiroirs à souvenirs, poches à foutoirs, greniers à débris… : l’attachement irrationnel que nous avons pour certains objets nous laisse sans argument lorsqu’on essaie de nous les faire jeter. Le distinguo rationnel entre superflu et nécessaire n’existe plus dans ces contrées. Pour l’anéantir, il suffit d’un péremptoire « Parce que c’est lui, parce que c’est moi… ce machin, vois-tu je ne le jetterai pas. »

Mais bon voilà : à chaque changement de saison, votre magazine préféré vous conseille une petite cure de détoxification. Jus de pissenlit, de bouleau ou de radis noir ? Quelle que soit la plante qui sera l’élue de votre instinct nettoyeur, pensez à accompagner la démarche diététique de quelques séances de tri. Le nettoyage mental accompagnera à merveille le drainage physiologique. Dans ce tri désiré ou un peu forcé, vous risquez de déplacer de la poussière. Je ne vous l’ai jamais dit, mais j’ai une fascination poétique pour ce symbole méprisé de la fugacité de toute existence. Un sac d’aspirateur est une chose peu ragoûtante qui invite malgré tout à la méditation (et non à l’inspiration, malheureux). Matière étrange que la poussière qui rend visible à nos yeux aveuglés le délitement aussi microscopique qu’imperturbable de ce qui nous entoure. Cellules mortes, fibres textiles insoupçonnables, micro-miettes et acariens tenaces communient alors dans les interstices de notre quotidien. Entre cette poussière qui vient déjà du passé et l’odeur de cahier neuf, vous vous tenez là, entre la nostalgie du révolu et l’excitation de l’avenir… alors bonne rentrée à tous.

Rebond dans la poubelle…

7 days of garbageConsommer, trier, jeter… : des activités hautement humaines mises en scène par le photographe Gregg Segal pour dénoncer l’accumulation de nos déchets.

Vacances, je vous hais…

vacances

Peine de mort, ISF, corruption des élus, etc. : vous adorez jeter des pavés dans le charbon de bois au moment des brochettes… au risque de vous prendre une chipo sur le coin de la face ? C’est en effet un sport estival qui peut mettre en joie. Avez-vous essayé « Franchement, les vacances, c’est la plaie… » ? Oui, je sais : c’est assez kamikaze avec ce début de bronzage et vos solaires sur le dessus du crâne. Vous faites partie des révolutionnaires en bermuda… Lire la suite « Vacances, je vous hais… »

Déclaration d’indépendance du parfum

Divin'enfant Etat Libre d'OrangeLa singularité devrait toujours être l’essence du luxe. C’est ce qui pousse parfois certains à être originaux à tout prix. Dans le domaine du parfum, il est par exemple assez désagréable et fort troublant de croiser l’odeur du sien dans le sillage de quelqu’un d’autre. On bascule alors dans la fadeur de l’ordinaire. Mon nez intellectuel est donc par principe à la recherche de parfumeurs qui officient en dehors des sentiers battus… question aussi de statistiques de population et de probabilités. Parmi eux, il y a une griffe olfactive qui ne se laisse pas émouvoir par les faux-semblants du packaging ou les clichés usés du glamour. ÉTAT LIBRE D’ORANGE, c’est le nom de ce parfumeur français, est bien loin des jus marketés et consensuels. Son credo : rester furieusement libre et constamment révolutionnaire, comme le symbolise la cocarde qui orne les flacons. Mais pour une amoureuse des mots, le plaisir est aussi dans le nom de baptême des jus créatifs de la maison. A la question « Ça sent bon. C’est quoi ton parfum ?», il faut donc vous tenir prêt(e) à répondre : « Rien », « Putain des Palaces », « Éloge du Traître », « Fat Electrician » ou « Nombril Immense »… Lire la suite « Déclaration d’indépendance du parfum »

Je vous fais un dessin ?

A l’heure où l’image animée occupe mobiles, tablettes et ordinateurs aussi largement et sans doute plus compulsivement que le vieil écran de télévision, la rétine pourrait-elle se lasser ? Elle fait du foie gras de pixels toute la journée… et pour en rajouter une couche, elle adore prendre des photos à tous les coins de rue pour les partager avec la planète sur Picpic&stagram ou Face de Bouc. Plus ou moins réalistes, plus ou moins retouchées, plus ou moins en 3D, plus ou moins allumées, plus ou moins léchées, avec ou sans filtre… la photo et sa copine la vidéo sont partout.

Et si c’était pour ça, que, dans notre paysage urbain, on revoyait fleurir en même temps des campagnes publicitaires dignes d’affichistes, avec… des dessins ! Du beau travail d’illustrateur, qui va du pictogramme signalétique de maestro au calligramme qui donne soif… histoire peut-être de se distinguer dans ce flot quotidien d’images photo-vidéo.

Balade où on trouve à boire et à manger :

salvetat affiche été 2014Salvetat nous la joue très frais et très ensoleillé à la fois, recentré sur la bouteille à la façon d’une réclame, avec en prime un travail de la typographie remarquable. L’œil pétille autant que cette boisson en croisant cette affiche.

campagne RICARD 2014L’eau c’est sympa, mais vous aviez une envie de pétanque pour dégommer de la cigale. Votre œil est intrigué par ces calligrammes à l’anis de la plus belle facture pour la marque RICARD. On voit étonnamment bien la marque dans ce fatras de lettres… qui pourrait orner un mur peint. Présence à l’esprit, force du code coloriel… et rebond ludique pour qui veut lire !

Tout cela vous a donné faim et vous croisez dans le hall de la gare de grands pictogrammes façon pochoir qui, comble de la simplicité et de l’impact, n’ont même pas besoin d’être signés McDonald’s pour être attribués au roi du BigMac et autres hamburgers controversés. Quand on en est là, le réflexe pavlovien peut-il remplacer n’importe quel argumentaire ?

campagne pictogrammes mcdonald'sLe propre de l’illustration publicitaire, mais aussi son défi permanent, c’est de provoquer un choc de nouveauté en imposant son style. Si prendre une trop bonne photo qui fait le buzz paraît à tort de plus en plus à la portée de tout le monde, réussir une illustration talentueuse, parlante et attachante relève encore de la « magie » et renouvelle l’émerveillement. Cela me fait tout à coup penser à l’expression « Il s’est illustré par… » qui veut justement souligner la singularité qui rend fameux. La racine latine illustris signifie « éclairé, mis en lumière ». Que la lumière éclaire aussi brillamment et pour longtemps le talent des illustrateurs…

Merci à @VeroniqueRoyne, vigie des médias et des tendances, qui m’a inspiré ce vrai billet lors d’une de nos discussions « face to face », dans une vraie rue.

L’heure de vérité

Si je n'avais plus qu'une heure à vivre Roger-Pol Droit Odile JacobDans « Pas son genre », le dernier film de Lucas Belvaux, le personnage principal, Clément, professeur de philosophie « parisianocentrique » muté à Arras, rappelle à ses élèves qu’en plus d’être une corvée vouée au bachotage, son cours est surtout l’occasion de découvrir que tout dans la vie peut être sujet à réflexion philosophique. Pour penser par soi-même, coûte que coûte, malgré les poncifs confortables, la dictature des marques de l’adolescence et la paresse bienheureuse. Une nouvelle montre de marque au poignet d’un élève arrogant ? Clément rappelle que c’est l’occasion de ressentir que chaque seconde fauchée par la trotteuse ne reviendra pas… Un échange de vue dans une salle de classe de terminale qui se termine par le couperet cynique de la réplique de l’élève : « Oui ça donne l’heure aussi ! » Aucune chance qu’un tel élève se plonge, avec ou sans montre, dans le livre de Roger-Pol Droit « Si je n’avais plus qu’une heure à vivre ». Et pourtant, on peut s’octroyer cette heure de vérité à tout âge…

Lire la suite « L’heure de vérité »

C’ETAIT MIEUX DEMAIN… le livre !

C'était mieux demain - le livreIl paraît que le silence est d’or et la parole d’argent. Sûrement, mais beaucoup moins dans la blogosphère. Je tiens donc à présenter mes humbles excuses aux abonnés de VOUS TOMBEZ PILE qui ont vu que je les avais abandonnés pendant plus d’un mois (soit à peu près l’équivalent de 2 560 ans et 5 mois à la vitesse d’Internet). Non rassurez-vous, je n’avais pas mis la souris sous la porte. En fait, deux événements ont bouleversé ma routine de blogueuse… Une grande joie et une grande tristesse, difficiles à émulsionner dans la vie à deux faces.

Côté pile… Une grande joie, car les dernières semaines ont d’abord été bien remplies par les préparatifs liés à la parution du livre dont je suis co-auteure avec l’illustrateur Alex Formika : C’ÉTAIT MIEUX DEMAIN. Demain justement, le 22 mai 2014, il débarquera comme un nouveau-né dans les librairies et en e-commerce (amazon, fnac.com etc.) avec comme sous-titre : « Les 36 innovations rétrofuturistes auxquelles vous échapperez…ou pas ». Ce nouveau livre bénéficie d’une mise en page et en beauté signée Phil2fer et d’un mini-site à découvrir ici.

Mais avant de vous y envoyer, résumons l’affaire : C’ÉTAIT MIEUX DEMAIN, c’est quoi ? Ceux d’entre vous qui connaissent déjà la rubrique éponyme de ce blog sont au parfum : un projet en duo et résolument bicéphale qui pose de drôles de questions existentielles par le p’tit bout de la réclame. En page de droite, l’illustrateur Alex Formika vous offre une fausse réclame rétro digne des Trente Glorieuses pour vanter les mérites d’une innovation pourtant venue tout droit… du futur. En page de gauche, je rebondis sur ce télescopage temporel avec un billet d’humeur un brin caustique, pour s’interroger tout en gardant le sourire.

Côté face… J’ai également été détournée du droit chemin par la grande tristesse liée à la mort de mon père… qui n’a donc pas eu le temps de feuilleter ce livre tout neuf. La vie me rappelle encore que nous pouvons vivre des choses contradictoires, mélangées et nuancées. La vie s’arrête brusquement, mais continue aussi son printemps inexorable. Je m’efforce donc d’être à ma joie pendant quelques minutes… avant d’avoir le cœur serré. Télescopage temporel et brouillage émotionnel… Il faut surmonter sagement, car ce sera moins bien hier si on oublie de se rappeler que c’était mieux demain.C'était mieux demain - Pulmolux

Apologie de la punition…ou éloge du rachat ?

apologie de la punition jaffelin« Apologie de la punition », le dernier livre d’Emmanuel Jaffelin, c’est un peu comme de la grenadine verte. Il y a ce qu’on appelle en psychologie comportementale une erreur d’attente… Si vous ne connaissez pas l’auteur,  le titre peut en effet vous faire penser à un livre moralisateur et nostalgique, limite réactionnaire. Et pourtant, l’humanisme qu’on y rencontre joue dans une tout autre cour… Quelqu’un qui peut concilier dans sa bibliographie « Éloge de la Gentillesse » et « Apologie de la punition » démontre justement un niveau de nuance de la pensée des plus dignes d’intérêt dans un monde facilement binaire. Si la gentillesse est pour l’auteur la noblesse qui consiste à rendre service à quelqu’un qui vous le demande, la punition serait le « service » réparateur et ré-intégrateur que doit rendre la société à quelqu’un… qui évidemment ne l’avait pas demandé tout de suite. Encore faut-il donc que la fameuse punition serve à réintégrer et pardonner plus qu’à mettre à l’écart. C’est sur cette nuance que tout repose… Lire la suite « Apologie de la punition…ou éloge du rachat ? »

La tendance « capuche polaire » en question…

la mode de la capuche polaireL’avez-vous au moins remarqué : la mode de la capuche avec bord en fourrure s’est encore maintenue cet hiver. Parkas et doudounes arborent facilement ce couvre-chef très pratique, qui se moque de la bise et qui sait comme nulle autre vous sauver le brushing si un nuage d’hiver se soulage au-dessus de votre tête. Ce qui reste intriguant, c’est l’aspect intergénérationnel du phénomène : sur le parvis cher aux cadres de Paris-La Défense ou à la sortie des collèges, même mot d’ordre : mets ta capuche…à poils. Les déboires internationaux de l’humanité ne doivent pas nous faire passer à côté de questions aussi essentielles que celle-ci : pourquoi un tel engouement pour la capuche façon « explorateur polaire qui a la moustache qui gèle » ? Permettons-nous plusieurs hypothèses… Lire la suite « La tendance « capuche polaire » en question… »

« Au Grand Rex hier soir, le Roi, c’était bien vous Monsieur Einaudi. »

Grand Rex Einaudi 21 janvier 2014Si j’avais été une musique, j’aurais aimé être un titre de The Divine Comedy, une sonate de Scarlatti ou un morceau de Ludovico Einaudi… la terminaison en i n’étant ici que pure coïncidence. Hier soir au Grand Rex, j’étais donc pour ainsi dire plongée en moi-même, lors du concert de votre tournée « In a time lapse ». Vous étiez là, au piano, en compagnie d’une dizaine de musiciens (violonistes, violoncellistes, percussionnistes, guitaristes…), plongés ensemble dans une troublante semi-obscurité.

Il y a dans vos compositions Monsieur Ludovico Einaudi une forme de mélancolie particulière qui se laisse toujours rattraper par l’urgence. L’urgence de vivre malgré tout pour faire parler son destin ? Instants volés mais figés, aussi fugaces en réalité qu’éternellement vivants quelque part. Quelques notes qui suggèrent les dilemmes de la condition humaine moins maladroitement que de trop longs paragraphes… Des mélodies minimalistes comme nos pulsions de vie, répétitives comme nos obsessions ou nos faiblesses. Il n’y a pas à dire : mon clavier azerty est un peu jaloux des 88 touches du vôtre, Monsieur Einaudi. Ce concert à guichet fermé nous a plongés dans une vague continue. Vu la pénombre entretenue, étions-nous dans la caverne de nos états d’âme ? C’était parfait, car les smartphones étaient ridiculement handicapés pour capter quoi que ce soit de cette beauté instantanée.

Les arrangements pour la scène ont magnifié vos plus grands morceaux en nous les faisant redécouvrir. Les applaudissements en standing ovation d’un public acquis ont accompagné le « bœuf » final telles des percussions improvisées. Cette clôture a achevé de souligner le luxe suprême qui est le vôtre : brouiller les pistes entre exigence classique, audace contemporaine, virtuosités jazz et recherche électro…

Maintenant, je peux vous le dire, une fois remise de mes émotions : merci Monsieur Einaudi pour cette brèche magnifique que vous avez ouverte dans le déferlement constant de médiocrité qui est le nôtre.

Rebonds : le site en italien de Ludovico Einaudi et sa page Wikipedia 

Une année défunte, une de retrouvée.

visite du Père Lachaise
Que l’année 2013 repose en paix.
Crédit photo : @cekabd sur Instagram

Voici donc mon dernier billet de 2013. A l’heure où une joie scintillante et vaine a envahi depuis plus de 15 jours toutes les rues, alors que les papiers-cadeaux ont fini froissés au fond d’une poubelle et que les cartes bancaires sont essoufflées, l’année 2013 va pousser son dernier soupir. Bêtisiers consternants, palmarès des personnalités de l’année et revues de presse mélancoliques sont à l’ordre du jour… mais personne ne se recueille vraiment sur le cercueil entrouvert de cette quasi-défunte année. N’est-ce pas injuste et inconsidéré ? Ne doit-on pas déposer une gerbe sur la tombe de celle que nous avons la chance de voir finir ? En fait, je n’aurais pas penser à tout cela si nous n’avions pas visité en ce 29 décembre le cimetière du Père Lachaise en compagnie d’un guide exceptionnel :  Bertrand Beyern, conférencier, écrivain et « nécrosophe » incontournable. Plus de 3 heures de visites sous un miraculeux soleil d’hiver et sur le thème « Humour noir au Père Lachaise ». Un véritable must, tant les talents de conteur, les réflexions philosophiques et les connaissances de cet expert valent le détour dans cette nécropole escarpée. Si vous n’avez pas pu finir l’année en beauté dans les allées du cimetière le plus visité, vous pourrez aisément vous rattraper en 2014 : je vous donne le lien vers son site et son programme en fin d’article. Que cela ne vous force tout de même pas à sortir une jolie chrysanthème sur la table du réveillon, c’est trop… et il faut toujours s’assurer de l’humour noir de ses compagnons de fête avant de tenter des choses aussi décalées.

Toutes les bonnes choses ayant une fin, je vais devoir vous quitter, mais non sans vous encourager à écouter la dernière chronique de Gilles Vervisch (4 mn à peine), philosophe-chroniqueur sur la radio Le Mouv’ qui nous fait réfléchir sur l’art de tirer sa révérence en posant la question « Est-ce que c’est triste une fin ? ». Une question qui traverse toute la philosophie, car comme nous le rappelle Montaigne : « Philosopher, c’est apprendre à mourir ». L’occasion aussi de rappeler que la fin de n’importe quoi, c’est toujours le début d’autre chose… et que la vie continue toujours sous une forme « atomique » différente. Oui, car indubitablement Armand, « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme… » et c’est bien ce qui pique notre orgueil de mortel.

Ce billet prend son pied à être en contre-pied total avec l’ambiance hautement festive du 31…  c’est pour mieux vous souhaiter une belle année 2014. Qu’elle vous réserve autant de fous rires que de balades inspirées dans les plus beaux cimetières : il faut de tout pour faire une vie et savoir se souvenir avec humour de ce qui lui donne du sens.

Rebonds :

>le site de Bertrand Beyern, avec ses visites guidées et sa  bibliographie ainsi qu’une vidéo-interview du nécrosophe

>le podcast à écouter en ligne de la chronique « Est-ce que c’est triste une fin ?  » de Gilles Vervisch

>mon billet sur les épitaphes du XXIème siècle

Spéculations sur le financier

financiers Bonne Maman recetteAvant les orgies de bûches au foie gras, d’huîtres au chocolat et de koulibiac aux airelles, j’ai justement décidé de nous offrir un sujet plus léger que la défense de la démocratie ou la maladie d’Alzheimer.  Léger, léger… je m’avance peut-être un peu trop parce qu’il y a quand même cent grammes de beurre et quatre-vingt grammes d’amandes. Venons-en au fait : tout en déplorant que certains financiers des plus cyniques puissent orienter le destin du monde, j’ai un faible pour les financiers aux amandes les plus délicieux que j’oriente vers mon gosier. En traînant au rayon des biscuits, j’ai repéré les financiers aux amandes Bonne Maman… et en retournant la boîte, une particularité peu courante a retenu mon attention : la marque me donne la recette sur l’emballage ! Non mais je rêve… Lire la suite « Spéculations sur le financier »

Une soirée en porte-à-faux…

Ceux qui sont sur scène trouveront-ils la clé ?
Ceux qui sont sur scène trouveront-ils la clé ?

Si vous pouvez vous rendre à Vernon d’ici le 25 janvier, un rencontre théâtrale vous y attend. La troupe du Théâtre de l’Arrosoir y présente en effet  la pièce écrite par l’un des comédiens de la troupe, Cédric Dejoie. Une pièce épatante qui m’a… ouvert des portes. Si dans les vaudevilles, les portes claquent avec maestria, celle de « Porte-à-faux » a quelque chose de tout à fait particulier. Les personnages qui en passent le seuil découvrent qu’une porte d’entrée n’est pas toujours une porte de sortie. Un texte qui joue magistralement avec la symbolique et la richesse du langage autour de la porte. Un humour bienveillant avec nos failles de pauvres mortels. Une mise en scène jubilatoire. Nul doute que vous ne refermerez plus une porte sans penser à toutes celles que vous portez en vous.

La clé pour tout savoir sur le site du théâtre (le lieu, les dates et en plus des textes « bonus » sur la portée littéraire et symbolique de la porte)>>> toc, toc c’est par ici

 

La vie privée ? Quelle vie privée ?

privacy big data et vie privéeMonsieur Vinton Cerf est l’un des « pères fondateurs » de l’Internet. Rien que ça. Depuis, il est devenu « chief evangelist » chez Google, le gentil moteur de recherches qui aspire vos données personnelles négligemment égrenées sur la toile. Monsieur Vinton Cerf vient de se faire remarquer en lançant dans une interview : « En réalité, la protection de la vie privée est peut-être une anomalie… ». Je ne suis pas sûre de savoir ce qu’il entend exactement par « anomalie », mais en tout cas, pour lui,  la « protection de la vie privée » est un concept récent (lié au besoin d’anonymat des grandes agglomérations) et sûrement appelé… à disparaître ! Monsieur Cerf n’hésite pas à convoquer à la barre les villages de nos grands-parents où tout se savait… et où tout cela ne posait aucun problème à la CNIL. Oui, ça nous arrive tous de regarder dans le rétroviseur pour justifier ce qui nous arrange. En tout cas, tout ça, c’est rudement chouette, car on peut en profiter pour rappeler certains fondamentaux aux « Netocrates »… Lire la suite « La vie privée ? Quelle vie privée ? »

« Antoine, t’as lancé la machine ? »

A utiliser avec des vrais pinces à linge en bois, des pinces à linge pour homme !
A utiliser avec devraies pinces à linge en bois, des pinces à linge pour homme !

C’est bien connu : les préservatifs à la fraise sont pour les femmes et les lessives parfumées au lilas… tout autant. Devant tant de sexisme sensoriel, et pour mieux faire la nique à la fumeuse théorie du genre qui veut nous faire prendre des prostates pour des utérus, certains partiraient-ils en croisade contre les produits faussement unisexes ? Prenez la lessive par exemple : elle est censée nettoyer aussi bien les petits débardeurs à bretelles de Madame que les chaussettes de Monsieur. Et pourtant, on peut s’offusquer de sa fragrance invariablement « féminine »… comme si LA lessive ne s’adressait qu’à LA ménagère et à LA machine à laver, en oubliant qu’il est question de laver LE linge. Une sombre histoire de parité lessivière cherche donc à trouver son dénouement au fond du tambour en inox. Un rééquilibrage qui va bien évidemment dans le sens contraire de ce qui se passe dans l’hémicycle ou les conseils d’administration. La Lessive pour Homme est née… Lire la suite « « Antoine, t’as lancé la machine ? » »

Le voyage dans l’escalier

atelier de curiosités le rêve de l'escalierVotre pouvoir d’achat est en Berne ? Vous avez perdu votre passeport à Vesoul ? Vous ne prenez plus l’avion depuis les accords de Kyoto ? Il reste le voyage immobile dans une coque de noix remplie de livres… C’est en tout cas ce que nous avons expérimenté avec succès ce mardi 22 octobre 2013, lors d’un nouvel «Atelier de Curiosités » à la bouquinerie « Le Rêve de l’Escalier », sise 14 rue Cauchoise à Rouen, non loin du bûcher (pas celui des vanités mais celui de Jeanne, soyons clairs). Pour nous guider dans nos jeux littéraires, le maître des lieux et l’auteure-animatrice Dorothée Piatek avaient invité Antonia Neyrins. Cette artiste globe-trotteuse consigne souvenirs, impressions et sensations dans des carnets de voyage dont elle avait apporté quelques fabuleux spécimens. Antonia Neyrins en publie certains et transmet son savoir-faire lors de stages de « carnets de voyage » très recherchés… Les jeux littéraires de cette soirée tournaient donc autour du défi suivant : faire un tour en francophonie, mais hors de nos frontières pour trouver la signification de mots ou d’expressions… souvent hermétiques aux métropolitains. « Avoir les baguettes en l’air », « camembérer », « avoir de l’eau dans sa cave », compter sa « dringuelle »… autant d’expressions du Cameroun, de Belgique ou d’ailleurs qui nous ont inspiré autant de fous rires que d’interprétations loufoques… avant de découvrir leur vraies significations.

Merci encore aux instigateurs de ces « word-parties », merci au tirage au sort qui m’a permis de dire « j’en étais », merci à Antonia venue nous rendre visite entre deux voyages, merci aux fées des papilles qui nous avaient concocté des canapés, mignardises et verrines de haute volée pour alimenter notre cerveau, merci la vie…

 Rebonds :

•le billet sur le précédent atelier avec Christian Clères, scénariste

•La page Facebook de la bouquinerie « Le Rêve de l’Escalier »  qui comme cela ne vous avait pas échappé est également une nouvelle de Dino Buzatti.

•Le blog d’Antonia Neyrins, pour découvrir ses livres, son travail et son agenda de stages

•le site de l’auteur-jeunesse Dorothée Piatek, la grande fée de l’atelier

Devenez qui vous voulez…

devenez qui vous voulez 4GC’est officiel. Avec la 4G, vous pouvez dire au monde entier que vous êtes devenu qui vous vouliez. Le rapport ? C’est uniquement parce qu’une fois que vous serez vraiment devenu qui vous vouliez, vous ne pourrez bien sûr pas le garder pour vous : en effet, quel intérêt ? C’est là que l’individualisme égotique passe à la vitesse supérieure. Bouygues Telecom nous offre donc un spot grandiloquent comme il faut, c’est-à-dire destiné à redresser les poils du bras. Bon d’abord, il faut des enfants trop mignons qui veulent tous, c’est bien connu, être pompiers, astronautes ou journalistes. Une musique de « winner » capable de soulever tout un stade (les gens dedans, pas la pelouse et tout hein). Il faut aussi des personnes qui communiquent d’un bout à l’autre de la planète parce que c’est trop bien… et évidemment par l’intermédiaire d’images sur de multiples écrans qui sont nos nouveaux appendices socio-numériques. Mais moi, ce qui m’a titillée, c’est cette promesse impérative : « Devenez qui vous voulez ». Une idée aussi puissante que la 4G ?

Lire la suite « Devenez qui vous voulez… »

Apple avance d’un pouce.

Apple iPhone 5c   5SLa marque à la pomme est une icône qui a réinventé la façon d’écouter de la musique (avec l’iPod), qui nous a donné l’envie de rester partout connecté et pas seulement par la voix (avec l’iPhone), qui a rendu l’ordinateur portable « very has been »  avec la tablette numérique à tout faire. Ce n’est pas rien pour l’homo-numericus, devenu depuis totalement dépendant de ses multiples écrans mobiles. Pendant combien de décennies, une marque de légende peut-elle prendre systématiquement une longueur d’avance, déclencher un culte hystérique chez ses fans, inventer et réinventer pour être sûre d’être mal copiée, être toujours là où on ne l’attend pas ? Bonne question…Pour l’automne qui est, rappelons-le, la saison des pommes, Apple a sorti deux trucs fantastiques.  Lire la suite « Apple avance d’un pouce. »

Conjuguez-moi le verbe être au présent de l’infini.

Alzheimer. On peut l'avoir et continuer à êtreJe sais que vous préféreriez que quelqu’un vous dise que ça va s’arranger, que la courbe du chômage va s’inverser, qu’on va arrêter de nous enfumer sur les retraites, que la cupidité cynique qui nous mène droit dans le mur va s’autodétruire le mois prochain, que la Syrie va directement passer de la dictature à la démocratie laïque… Ne comptez pas sur moi pour mettre un coup de peinture rose sur les fissures du plafond ! Non, j’ai choisi un sujet bien plus guilleret pour mon PHILO PUB de rentrée.

«Alzheimer. On peut l’avoir et continuer à être. »

Dans cette campagne qui a fleuri sur les abribus au mois d’août, on voit des personnes atteintes qui vivent justement un moment joyeux « en suspension » : peu importe que leur vie soit désormais reliée à un passé plein de trous et que leur avenir s’écrive en pointillés, on est dans l’instant à savourer, dans l’être pur. Qu’est-ce qui m’a touchée dans cette publicité de la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer ? Un écho certain avec mon histoire personnelle puisque ma mère en est atteinte depuis plusieurs années ? Un fil rouge philosophique personnel qui me sert parfois à situer la posture de mes congénères : « Et celui-là, il privilégie l’Être ou l’Avoir ? ». Un questionnement éternel autour de l’identité, de ce que nous sommes vraiment ou faisons semblant d’être ? Sûrement un cocktail de tout cela dans mon petit bric-à-brac conceptuel. Au-delà du jeu sur les verbes être et avoir, cette phrase touche juste : on peut être et avoir été… Lire la suite « Conjuguez-moi le verbe être au présent de l’infini. »